Quai des orfèvres fait partie de ces monuments du cinéma français qui font qu'aujourd'hui il n'est plus qu'une image de carte postale d'un passé regretté à jamais. Non pas que le cinéma n'a produit après guerre que des chefs-d’œuvre dans notre pays, mais en tous cas il savait au moins donner du plaisir en argot sans tomber dans la vulgarité et divertir sainement les gens.
Dialogues titis parigots
Et oui, on l'oublie, mais Paris était une ville de travailleurs où le franc parler populaire reproduit dans ce film donne bien des difficultés aux jeunes d'aujourd'hui en terme de compréhension. Si l'on ajoute à cela une diction qui frise le record du débit de la Seine, des passages sont difficiles à entendre. C'est le seul point négatif. Pour le reste les échanges sont parfois à mourir de rire et certaines expressions fameuses.
Actrices et acteurs, très bons et menés à la baguette
Bien que la plupart des actrices et acteurs soient bons de par leur parcours, ça ne fait aucun doute, il est également certain que Clouzot était un pro lorsqu'il s'agissait de maintenir l'équilibre entre les étoiles montantes et les monstres sacrés, c'est flagrant : tout le monde joue juste sans que l'on ne ressente cette gêne de voir un acteur écraser les autres par son talent ou de découvrir un acteur à la traîne. Du grand et beau jeu.
Plans et atmosphère d'hiver
C'est Noël, il fait froid. On se serre dans les théâtres, on garde son manteau car on chauffe peu, le commissariat est en panne de charbon et, même en journée, les éclairages sont bien dosés pour faire ressentir cette période aux jours si courts. Parfois un cadrage fort opportun permet de ne laisser entrevoir qu'un bout de fenêtre pour faire comprendre qu'il neige dehors et la qualité de la caméra qui voit de zéro à l'infini permet de superposer les expressions et sentiments de plusieurs acteurs plantés au même moment à des endroits différents d'un même lieu : totalement magique. Comme dirait un de mes proches : j'aime bien cette atmosphère, ça me rappelle les Noëls de décembre.
Scénario simple et personnages nombreux
Le scénario en lui-même est relativement simple. En revanche chaque personnage présente des traits de caractère bien affirmés au point que les faire cohabiter tous ensemble donne une représentation de la société qui paraît impossible à vivre et pourtant fonctionne à merveille. Contrairement à bien des productions actuelles, dans lesquelles le nombre des intervenants est proportionnellement élevé que le scénario se montre affligeant, ici ce n'est le cas : chacun a sa place et son rôle, tout le monde apporte quelque chose au déroulé de l'histoire. Enfin force est de constater qu'à cette époque il n'était nul besoin de mettre des mots ni de crier sur les toits concernant un sujet qui allait de soi : tout ce beau monde vivait ensemble en dépit des différences.
Cela donne un film fort et qu'il faut voir absolument.