Michael R. Roskam est un réalisateur européen qui se fera à n’en pas douter, un petit nom outre atlantique dans les années à venir, comme a pu le faire son homologue Nicolas Winding Refn. D’ailleurs, les deux cinéastes ne sont pas si éloignés que cela. Même si le belge joue moins sur un esthétisme exacerbé, lui aussi aime épurer ses récits dans un environnement masculin presque impuissant (Bullhead/Only God Forgives), et faire parler les attitudes ou le langage corporel plutôt que les longs dialogues fastes. Une caractéristique qui lui permet de retenir ses coups, d’appesantir l’animalité virile de ses personnages, de faire exploser par petites touches une noirceur bestiale à peine dissimulée dans son film de mafieux ou de petites frappes.


Tom Hardy était l’homme adéquat pour un rôle aussi fort mais doucement moribond. Une force tranquille qu’il ne faut pas réveiller, un enracinement dans un mutisme protecteur. Bob est barman, et ne se dit que simple barman. Il travaille dans un bar qui est la propriété de la mafia tchéchène et non plus celle de son patron Marv. Un soir, il se fera braquer et une enquête commencera. Dans le même temps, il recueillera un chien abandonné dans la poubelle de Nadia avec qui il nouera des liens sous le regard jalousement énervé de l’ex petit ami de cette jeune femme. De ce point de vue-là, le parallèle avec Nicolas Winding Refn est aussi flagrant : lui aussi filme les liaisons amoureuses avec comme point d’orgue une timidité et une non sexualisation délicate.


La relation entre Bob et Nadia ressemble beaucoup à celle qu’entretenaient le Driver et Irene (Drive). Mais Quand vient la nuit est un film noir, parfois brillant, dans la droite lignée de Bullhead avec ce lourd secret, qui nous guide vers le passé de destins brisés. Entre ceux qui se dessinent un passé imaginaire, ceux qui rêvent de revoir leur gloriole revenir à pas de charges et ceux qui semblent vouloir avancer sans jamais se pardonner leurs erreurs passées, Quand vient la nuit devient alors une simple mais nébuleuse étude de caractère sans fioritures mais à la tension omniprésente. Malgré une linéarité dans la retenue de son récit, Michael R. Roskam offre là, un film tendu, sec et plein de promesses.


Les drops, les bars/dépôts ne sont qu’un contexte, Michael R. Roskam préfère s’intéresser à cette vie dans les quartiers de Brooklyn avec sa mise en scène sobre et presque claustrophobe qui rend hommage à tous les petits détails de chaque coin de rue. Ce ne sont pas les malheurs qui viennent dans ce quartier mais c’est le quartier qui vient à vous et qui vous happe jusqu’à la dernière seconde de votre vie, tel une échappatoire qui n’existe pas. Un quartier qui se désintègre, qui change à feux doux sur le dos d’une Amérique opportuniste et vicieuse perdant petit à petit son statut, symbolisée par le personnage sur la corde raide de James Gandolfini.

Velvetman
7
Écrit par

Créée

le 15 nov. 2014

Critique lue 2.2K fois

51 j'aime

Velvetman

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

51

D'autres avis sur Quand vient la nuit

Quand vient la nuit
Velvetman
7

Quand vient la nuit

Michael R. Roskam est un réalisateur européen qui se fera à n’en pas douter, un petit nom outre atlantique dans les années à venir, comme a pu le faire son homologue Nicolas Winding Refn. D’ailleurs,...

le 15 nov. 2014

51 j'aime

Quand vient la nuit
Sergent_Pepper
4

Quand vient l'ennui

L’ascension de Michale R. Roskam avait de quoi faire vibrer : le diamant brut Bullhead était plus qu’une promesse, c’était un coup d’éclat, et son arrivée aux Etats Unis, entourés de Lehane,...

le 5 janv. 2015

42 j'aime

10

Quand vient la nuit
Théo-C
8

Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien

Michaël R. Roskam est un cinéaste à suivre de près. Découvert, pour ma part, avec l'excellent et surprenant "Bullhead", le belge confirme ses qualités de réalisateur avec ce nouveau film made in...

le 17 nov. 2014

29 j'aime

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21