2006, alors que plus personne n’attendait rien de cette franchise, Casino Royal débarque et remet James Bond sur le trône que lui avait subtilisé Jason Bourne quelques années plus tôt. Brutal, cogneur, charmeur, aussi impérial cartes en main qu’impitoyable avec son Walther P99, ce Bond nouveau cru annonçait la couleur pour les années à venir et l’on ne pouvait qu’en être ravi.
Bref, en 2006, personne ne voyait venir la gamelle faramineuse qu’allait se manger l’agent préféré de sa Majesté deux ans plus tard, bien aidé, il est vrai, par des circonstances extérieures.
Victime de la grève des scénaristes comme tant d’autres productions à l’époque, il est de notoriété publique que le tournage du film a débuté avant même que le script ne soit bouclé. En résulte un scénario bancal, voire complètement absent, dont les failles sont comblées au chausse-pied par des scènes d’action interminables, sans intérêt ni idée.
Tel un symptôme de ses carences scénaristiques, on a cette désagréable sensation que chaque scène se termine en eau de boudin, que chaque dialogue se conclu sur un meurtre et que chaque rassemblement conviant plus de trois personnages débouche inévitablement sur une course-poursuite. Cette tendance s’estompe néanmoins au fur et à mesure que le film déroule, mais la première heure reste profondément marquée par ce rythme un peu idiot.
Autre conséquence, le traitement des personnages pâtit également de ce défaut d’écriture. Le méchant de cet épisode, Dominic Green, manque énormément de constance malgré un plan pas si bête sur le papier. Chef d'une organisation criminelle traquée par le MI6, il ne se révèle être qu’un sous-fifre d’une plus grosse organisation encore, manque clairement de carrure pour s’imposer face à Craig et souffre de la comparaison avec Le Chiffre.
Quant à Camille, la simplicité de son histoire et de son parcours, dramatique au demeurant, est compensée par sa relation avec Bond qui sort des sentiers battus. Pas de romance ici, pas de flirt, mais un respect mutuel et une entraide salvatrice entre deux personnes intérieurement brisées en quête de vengeance.
Notre agent 007 est bizarrement celui pour qui les choses passent le mieux, tout cela grâce à un improbable alignement de planètes. Meurtri par la trahison de Vesper dans Casino Royal, l’agent secret et en proie à un chaos intérieur qu’il cherche tant bien que mal à cacher derrière son masque de pierre. Tel un véritable bulldozer lancé à 1 000 km/heure, James Bond se refuse à tout sentimentalisme pour, à la place, laisser parler la poudre et le sang au-delà de toute raison. En cela, la sidération de M rejoint astucieusement et involontairement la fatigue du spectateur quant à ce trop-plein d’action qui embourbe la première partie du film.
Porté par un Craig plus froid et sanguinaire que jamais et fortuitement aidé par la suppression d’une grande partie de ses lignes de dialogue, ce James Bond impitoyable et incontrôlable se révèle être la conséquence logique des derniers évènements de Casino Royal. Ainsi, revoir ce film en tenant compte de l’état d’esprit de son héros offre une lecture différente et plus intéressante des évènements.
Quantum of Solace reste néanmoins une grosse déception, malgré un certain caractère qu’on ne peut lui retirer. Sauvé par le traitement de son personnage principal, il est à la peine face aux deux mastodontes qui le précède et le suit. Un James Bond bizarre, loin d’être inintéressant mais à ranger dans la catégorie des films mineurs de la saga.