Qui a peur du diable ?
4.3
Qui a peur du diable ?

Film DTV (direct-to-video) de Fred Olen Ray (1992)

Fred Olen Ray, réalisateur prolifique spécialisé dans les séries B, bis, voire Z, devait être confortablement installé sur son canapé lorsqu’il a eu l’idée de Evil Toons. Je le vois bien moi, affalé, en train de se poiler devant une rediffusion de Roger Rabbit à la télé, se dire un truc du genre « Hmm, mélanger dessin animé et film, c’est sympa quand même. Et puis avec Cool World qui sort bientôt, je suis sûr qu’il y aurait un peu de pognon à se faire ! ». Et c’est ainsi qu’est né Evil Toons. Bon, je fabule sans doute, mais je suis sûr qu’il y a du vrai là-dedans. Et comme monsieur Olen Ray est un fana de films d’horreur et de boobs, il a dû se dire que faire une sorte de slasher où des demoiselles, aussi bêtes que leurs pieds mais se mettant à poil à la première occasion, se font tuer par un monstre en dessin animé, ça serait une bonne idée. Une idée, oui, mais de là à dire qu’elle est bonne, c’est une toute autre histoire, surtout quand on doit tourner rapidement et avec un budget famélique. Mais Fred Olen Ray a plus d’un tour dans sa poche. Ce qui aurait pu donner naissance à une purge sans nom s’avère au final sympathique. Pas bon, mais sympathique.


Lorsqu’il est allé voir le célèbre Roger Corman pour lui présenter son idée, Fred Olen Ray lui dit qu’il avait juste besoin de 250000$ pour son film. Corman, toujours partant pour les négociations lorsqu’il faut faire des économies ne lui en donnait pas plus que 140000. Ce cher Fredo n’eut d’autre choix que de se démerder tout seul avec sa boite Americain Independant Production pour s’autofinancer. On part chercher quelques minettes issues du cinéma porno parce que se dessaper devant la caméra ne leur pose pas de problème ; on prend quelques têtes connues et pas chères qui ont besoin de payer leurs impôts, Dick Miller (Gremlins, Piranha, Hurlements) et David Carradine (Kill Bill, la série Kung Fu) ; et huit jours de tournage plus tard, c’était dans la boite. Oui, on tourne vite chez Fred Olen Ray, parce que le temps, c’est de l’argent. Et que plus vite on a fini, plus vite on peut se concentrer sur l’étron euh… sur le film suivant. Evil Toons n’avait plus qu’à être distribué pour faire plaisir aux amateurs de bisseries. Car oui, soyons clairs, Evil Toons a clairement été pensé pour plaire à un public de niche, et uniquement ce public-là. Olen Ray veut faire plaisir à ses fans en leur donnant ce qu’ils attendent de lui. Evil Toons est donc un film léger où les idioties sont complètement assumées, où l’humour est souvent absurde. J’en veux pour preuve cette excellente scène où Dick Miller, regardant installé sur son fauteuil le film de Roger Coman « Un Baquet de sang » (1959), s’exclame « Comment est-ce possible que ce gars-là n’ait jamais gagné une récompense ? », et que le « gars-là » en question n’est autre que Dick Miller lui-même dans le seul rôle principal de sa carrière. Autre exemple, le tueur qui hurle à sa victime alors qu’il essaie de la rattraper « Je t’aurai dans la séquelle ! ». Fred Olen Ray pousse le vice jusqu’à nous dire en introduction que tout ce que nous allons voir est vrai, on nous l’assure. Fun.


Evil Toons est construit sur les mêmes bases que bon nombre de classiques du cinéma d’horreur des années 80. Avec bien entendu un monstre en dessin animé, façon Tex Avery, à la place du tueur. Premier problème, on nous promet des toons, et au final on n’en a qu’un seul. Deuxième problème, son temps de présence à l’écran est archi limité, pas plus de 2 minutes en tout et pour tout. Troisième problème, les dessins sont moches, semblant dessinés par un gamin de 4 ans, et très mal animés (genre 3 images par seconde). Un comble pour un film qui essaie de s’appuyer sur ce concept. Néanmoins, les quelques apparitions de la bête sont très funs, bruitages cartoonesques à l’appui, et dialogues hautement poétiques du genre « T’as de beaux seins tu sais ? ».
C’est le film de manière générale qui est plutôt fun. Certes, ça manque clairement de folie car le concept n’est pas poussé assez loin, c’est un peu long à démarrer, mais le film sait se faire assez crétin pour nous déclencher quelques bonnes crises de fou-rire. Les actrices jouent comme des patates, se retenant même parfois de rigoler ; le film se moque des clichés des films d’horreur (« Comment se fait-il qu’à chaque fois qu’on est dans une baraque étrange, il y a du tonnerre et des éclairs ? ») mais les y met tous ; on nous balance des musiques timburtoniennes qui à elles seules nous donnent cette impression de kitch/fauché, sorte de Danny Elfman du pauvre ; la mise en scène est bancale au possible ; … Bref, ce n’est pas gagné. Mais pourtant Evil Toons est une série B/Z qui s’assume complètement, avec ses personnages caricaturaux à la limite de la parodie ; ses références à la filmo même de Fred Olen Ray (Michelle Bauer, recluse dans sa chambre, qui joue avec sa tronçonneuse en référence à Hollywood Chainsaw Hookers) ; son humour à la con ; ses maquillages approximatifs (les fausses dents qui menacent tout le temps de tomber) ; et surtout son accumulation de plans boobs.
Oui, je passe à la ligne car les plans boobs méritent d’avoir leur propre paragraphe. Fred Olen Ray se lâche complètement et nous balance des plans boobs comme s’il en pleuvait. Si possible gratuitement, sinon ça perd tout son charme. On aura droit aux boobs de chacune des actrices, comme ça pas de jalouse, avec une règle qui semble avoir été appliquée : plus la poitrine est grosse, plus le personnage est une gourdasse. Même les meurtres ne sont prétextes qu’à un arrachage de vêtement en règle et de pelotage de nichons. Du grand art Mr Olen Ray, du grand art.


Evil Toons aurait pu être un excellent divertissement bis s’il avait poussé son concept à fond. En l’état, il reste néanmoins une petite comédie outrancière rigolote, un peu nulle, qui ravira l’amateur du genre avec son avalanche de plans boobs.


Critique originale : ICI

cherycok
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le 17 avr. 2019

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