Et quand ils mordent la main du maître alors on crie au monstre
Ouaip, le titre de ma critique c'est un vers d'Akhénaton dans 'La Fin de leur monde'. Complètement sorti de son contexte : lui parle des Afghans entraînés par les Etats-Unis dans les années 1990, et qui ont fourni les gros bras à Al-Qaida par la suite. Ah parce qu'ils l'ont inventé là le fait de former ses propres bourreaux ? Rambo mon pote.
J'en avais jamais vu des Rambo avant. Je commence bien sûr par le premier (et voilà que je parle comme Céline...) Mon prof de philo a l'habitude de nous dire que la plus fameuse citation de Stallone c'est "AEEEH". Faux mon ami !
Rambo, c'est un film sacrément intelligent. Une extraordinaire parabole de la guerre du Vietnam. Une parabole qui se passe au Vietnam. Non, qui se passe aux Etats-Unis, mais qui est hantée par la guerre. Il n'y a qu'à voir à quel point les lieux ont du mal à évoluer : la première partie du film, Rambo survit dans la forêt. Une forêt typique d'Amérique du Nord, mais qui rappelle bien entendu les forêts tropicales du nord Vietnam. La seconde partie, il débarque dans la ville. Il revient vers ce qui fonde les Etats-Unis, ces petites villes perdues, où on ne demande qu'à s'ennuyer.
Le film reste en lui-même assez inégal. Les premières dizaines de minutes sont fascinantes : la brutalité policière renvoyant à un Etat tout puissant forçant ses gamins à partir à l'abattoir, des reporters maquillant la vérité, préférant dire que c'est la bravoure des policiers qui leur a permis de survivre à Rambo, la scène des rats symptomatique d'un cauchemar vivant et d'une fatalité qui se déchaîne contre le soldat... Dès que Rambo entre dans la ville, la symbolique s'amenuise pour laisser place au spectaculaire et à la tension. Faut bien vendre son truc hein...
Mais en attendant, Rambo est bien ce fruit de la violence d'Etat. L'expression déformée du visage de Stallone (qui n'aurait pu être fait que pour ce rôle-là), ses cicatrices pansées à coup de lance à incendie par un establishment négligent et peu reconnaissant, et surtout : "They drew the first blood, not me !" Les soldats ne sont que des victimes collatérales d'une guerre d'ego entre Nations. ç'en devient évident avec Rambo. Seul le colonel peut raisonner cette masse de muscles, curieux champignon d'une guerre qu'il n'a jamais voulue. Seule cette figure paternelle, un père d'armes, qui, même s'il fait partie de l'establishment (l'armée n'est jamais glorifiée pourtant dans le film), connait ce que Rambo a enduré, sait de quoi il est capable. Finalement, lorsqu'on est compatissant avec lui, il écoute. Rambo ne demandait qu'à ce qu'on arrête les hostilités, qu'à ce que la guerre s'achève. Même rentré au bercail, elle continue.
Lorsque la violence est d'Etat, elle n'est finalement pas présentée comme une violence. C'est le bouc émissaire, c'est Rambo, qui en devient l'incarnation. Alors "le collier casse, ces cons échappent à tout contrôle". Et Rambo devient le monstre.