Rampage était un des meilleurs films d'Uwe Boll. En prenant son personnage central dans son quotidien, et en lui faisant faire un braquage qu'il justifiait avec tout un tas de théories complotistes et autres frustrations quotidiennes, il parvenait à souligner un certain mysticisme politique entourant les actions du personnage, sans jamais perdre de vue ses simples objectifs matérialistes (son braquage). Le film devenait une espèce de gros bordel aux scènes d'action amorales tout à fait appréciable. Sa suite décide de prendre un autre chemin, pour notre plus grand malheur, celui du brûlot politique. C'était la meilleure piste qui s'offrait à lui, et c'était courageux de la prendre à bras le corps. Et c'est alors qu'on se rend compte de la connerie ambiante qui tétanise le script et Uwe Boll. On pourra toujours se planquer derrière la soit disant prise de distance faite par le film en montrant toutes les victimes des fusillades (souvent au ralenti pour qu'on en perde pas une miette), le film soutient le point de vue de Williamson, même dans ses excès les plus impensables, en croyant toucher à de la profondeur. Mais les opinions avec lesquelles il justifie sa théorie du contrôle de l'expansion humaine par un eugénisme aveugle n'ont que peu de liens entre elles, et sont régulièrement erronées. Le fait que son protagoniste en appelle à prendre les armes alors même qu'il critique la non régulation des ventes d'armes (d'ailleurs, critiquer cela relève de la pure connerie, les armes ne sont pas responsables des tueries (un grand nombre d'armes non enregistrées sont trouvables dans les pays cités en exemple), c'est l'état d'esprit de la population suspicieuse et égoïste qui en est à l'origine) prouve d'office son hypocrisie morale. Il a l'impression d'être intelligent parce qu'il parle sans s'arrêter et avec un flingue en main. Mais s'arrêter pour réfléchir une minute serait aussi une bonne idée.

C'est à partir du moment où il en appelle à l'extermination des élites et des riches que j'ai commencé à bien rigoler, tant le racolage politique devenait outrancier. Monsieur se targue de vouloir sauver la planète en exterminant une bonne partie de sa population, il a balancé l'essentiel de ses munitions sur des passants et des pauvres, et il en appelle à tuer le 1% des riches ? Si c'est pas meugnon ! J'adore ce mec, il me ferait croire qu'il n'a pas bouché les toilettes avec du PQ collé au bout des doigts. Parce qu'il mixe ses conneries avec des faits reconnus (oui, l'avidité bancaire, oui démocrates et républicains appliquent la même politique, oui la libre expression tant qu'elle ne perturbe pas l'ordre établi par les lobbies...), le film s'auto-proclame étendard du mécontentement populaire général et en appelle à la révolution. Il en profite aussi pour fustiger les médias politiquement corrects qui s'autocensurent pour rester dans une ligne politique bien définie... tout en critiquant leur opportunisme de faire le buzz avec des infos exclusives même quand elles sortent de ce cadre (par l'intermédiaire d'Uwe Boll, qui joue un producteur opportuniste qui passe son temps à dire combien il gagne de fric avec la prise d'otage en cours). Et la religion, c'est juste pour filer du fric aux églises... Mais aaaarg ! De toute façon, il est impossible de parler avec le nouveau Bill Williamson. Il accuse le monde de ne pas l'écouter et abat ceux qui entament la conversation avec lui. Rien que ce simple constat suffit à rendre caduc toute la pensée qu'il croit être la sienne, alors qu'il ne s'agit que de trucs glanés ça et là sur le net (et oooh, sur wikileaks, site encensé par le film, qui a révélé des informations top secrètes intéressantes, ainsi que d'autre complètement bidons pour faire aussi du buz). Et que dire de la scène où Bill force un otage à en tabasser une autre, dans l'espoir d'illustrer une vague idée d'humanité qui n'existe que dans la violence de ses pulsions. Tu prouves seulement qu'on se rabaisse, pas qu'on retrouve un instinct.

Là où Rampage II va se montrer intéressant, c'est quand on lira les critiques qui l'ont appréciées. Quand on verra comment ce film est défendu. Car à part citer les thématiques abordées (toutes sont fascinantes), il n'est pas possible de le soutenir. Il s'attire la sympathie parce qu'il ose aborder des thèmes habituellement réservés aux conversations intimes, les trucs impossible à dire dans la société normale. Mais ça ne veut jamais dire que ce qu'il débite a un sens ou est intelligent. Le jugement se fera alors sur une chose : la personne qui critique estime-t-elle que le film a suffisamment de distance avec son sujet ? Car si il ne fait que lancer des thématiques qui visent à susciter le débat sans influencer les choix du spectateur, le film a du mérite. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Par son accumulation, le film a l'air de faire des relations de cause à effets aberrantes, fustige à la fois les élites et la population qui l'entoure (et l'acclame), et surtout qui croit maintenant dur comme fer à ses conneries. En faisant de son cas particulier un modèle qui tente d'appliquer sa philosophie de péquenot à l'ensemble du monde par la force. C'est un ultra conservateur qui ne cache pas sa haine des gens, des ses voisins, de tout le monde, qui essaye de camoufler ça en prenant parti pour des causes lointaines qui ne le concernent aucunement (les immigrés, les prisonniers, la politique étrangère), et qui tuera toujours comme un demeuré (il ne sait faire que ça) pour (se) prouver quelque chose. Y a des limites à l'intoxication politique, et si tout le monde crache sur American Nightmare 2, ces deux films sont pourtant bel et bien au même niveau.
Voracinéphile
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le 28 sept. 2014

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