Rapt est un film franchement super intéressant, déjà pour ses deux séquences de chaos (paradoxalement, la tempête et l'incendie), mais aussi en fait pour tout un tas de détails qui donnent sa singularité à un film qui est imparfait sur beaucoup de points. Parce que ça fait longtemps que j'ai pas utilisé un argument comme ça mais, un scenario mal foutu et un peu mou peut totalement être sauvé par la mise en scène et le montage, et là c'est totalement le cas. Pas toujours, mais là oui.
Rapt à défaut d'être un film prenant est un film surprenant. Surprenant car il semble totalement oublier l'avancée technique majeure qui fait le pont entre la fin des années 20 et le début des années 30: le parlant. Pendant 1h sur les 1h20 de films, Rapt traine la patte. C'est absolument stupéfiant d’archaïsme technique au niveau sonore. On entend rien, la musique est partout, les plans sont pas concordes au son. Mais en fait ça fait se poser pas mal de question (2). Au final tout ça semble étrangement cohérent étonnement. C'est un film réalisé par un cinéaste de la première avant garde française, mouvement cinématographique fondateur et fondamentalement ancré dans le cinema muet (Coeur Fidèle, Napoléon, La roue, L'argent...). Ici on propulse un véritable scientifique du cinema muet dans le cadre du parlant, cela aboutit à un film muet sonore. Et c'est assez fascinant à observer. La composition des plans, le jeu des acteurs, le montage, tout est d'un archaïsme qui provoque une étrangeté monstrueuse.
Et au dela de ça, ces 60 premières minutes semblent s'accorder parfaitement avec le thème principal du film: le langage et l'entrechoc culturel, l'incompréhension de deux peuples qui se côtoient pourtant de si près, mais qui partagent aussi une animosité historique. Alors ce côté technique laborieux parait coller à cette même difficulté de langage dans le film.
Aussi, pour aller plus vite, c'est assez brillant d'écriture, ce retournement des rapports de force même si au vu de l'exagération constante on peut y voir une "peur de l'allemand qui se rebellerait contre la france par rancune", avec toute une allégorie sur l'après 1919, le traité de versaille, l'allemagne sous tutelle etc.
Bref très beau film.