Oeil pour oeil...

Le dernier film d'Atom Egoyan à ce jour, Remember, porte très bien son titre. Il met en parallèle la Mémoire historique et la mémoire cérébrale pour aboutir à un thriller pas forcément original mais rare et suffisamment étonnant dans le paysage cinématographique actuel plus propice à la frénésie.

Zev (Christopher Plummer) et Max (Martin Landau) sont deux survivants d'Auschwitz et terminent leur vie dans une maison de soins. Zev, qui vient de perdre sa femme, est en bonne forme physique mais souffre d'une grave démence sénile. Max a toute sa tête mais ne peut quitter son fauteuil roulant. Inscrivant toutes les instructions sur une lettre, Max va charger Zev de traverser les États-Unis pour retrouver et tuer le bourreau qui a exterminé leurs familles 70 ans auparavant... Cette quête vengeresse va se heurter à deux principales difficultés : la mémoire défaillante de Zev, et le fait que l'homme recherché possède trois homonymes...

Ce thriller au ralenti est rythmé par les rencontres effectuées par Zev, souvent bienveillantes et touchantes, parfois âpres et violentes mais la plupart du temps furtives, diffuses, à l'image de la mémoire du protagoniste principal.
L'interprétation exemplaire des comédiens, l'extraordinaire Christopher Plummer en tête, et la mise en scène sobrement efficace d'Egoyan magnifient une ambiance crue et offrent un portrait convainquant et émouvant sur la vieillesse sans pour autant s'appuyer sur un pathos lourdaud.
Cette ultime et tragique mission rappelle, dans un autre genre, l'excellent délire Bubba Ho-tep de Don Coscarelli qui voyait deux vieillards grabataires sauver leur maison de retraite d'une menace mythologique dans un mélange d'humour et d'émotion... Aussi éloignés puissent-ils paraitre, ces deux films ont en commun leur finesse de traitement sur ce sujet aussi délicat qu'est la vieillesse, avec pour enrobage d'intéressantes mécaniques de film de genre.

La fin, spectaculaire, ne plaira pas à tout le monde mais reste d'une cohérence exemplaire avec le reste du film et soude de manière habile un scénario et un cheminement qui auraient pu paraître un peu facile au premier coup d'oeil.

Ce n'est peut-être pas avec ce film qu'Atom Egoyan retrouvera la bienveillance des critiques et le succès du public, surtout après son contesté Captives pourtant très convainquant en terme d'ambiance (en tout cas pour moi), mais ce serait dommage de passer à côté, ne serait-ce que pour son histoire efficace et bien écrite et sa galerie d'impressionnants acteurs. Et voir Martin Landau embarqué dans une dernière mission impossible ne peut que provoquer un pincement au coeur et un capital sympathie fou.