Après une décennie prolifique en films d'épouvantes, le réalisateur français donnant ses lettres de noblesse au genre, les années 50 seront marqués par de nombreux western et de films à costumes. Dans cette période davantage conventionnelle, Jacques Tourneur reviendra une dernière fois à ses premiers amours en 1957 avec Rendez-vous avec la peur, une série B ambitieuse qui sera malgré tout loin du niveau de ses premières œuvres.
En tenons compte du terrible titre français, nous pourrions dire que la peur nous a posé un lapin. Pourtant, le début était prometteur. Tourneur prend le parti de montrer dés la deuxième séquence le démon ne nous laissant alors aucun doute sur l'existence de ces rituels occultes. Ce choix – aux antipodes des premiers Tourneur qui étaient connus pour suggérer au lieu de montrer – est audacieux et offrait une nouvelle approche de l'horreur de la part du réalisateur. Malgré tout, l'audace et l'envie de nouveauté ne portent pas de facto à la réussite. En effet, les preuves visuelles du fantastique sont très superficiels. Le métrage use souvent d'effet de distorsion pour donner l'impression d'une force inconnue qui domine la caméra, mais ces effets sont très faiblards. A côté de ça, certaines idées comme l'insistance de la profondeur de champ dans les plans avec de longs couloirs sont intéressants car donnant l'impression que John est au milieu d'un labyrinthe, mais cette idée ne sera pas assez exploité. En somme, montré le démon est une excellente chose mais il aurait fallu y aller à fond et ne pas être dans la retenue.
Aux nouvelles perspectives ratées répondent cependant la photographie efficace des débuts jouant sur l'ombre et la lumière créant une ambiance sombre efficace où le démon ou Karswell peuvent se dissimuler dans l'obscurité. Cette idée de « monstre » caché dans l'ombre est surtout souligné par les plans suivant les voitures des « victimes », la caméra étant planté au milieu des bois comme si quelqu'un observait les passagers. Malheureusement, ce ne seront les seules bonne tentatives de créer la peur dans un film où celle-ci n'existe pas.
Le principal problème de l’œuvre de Tourneur est qu'il n'y a aucun danger. L'étau sur John est difficilement palpable. Le personnage est censé n'avoir que 3 jours à vivre pourtant il n'est aucunement pressé de trouver une solution malgré les signes évidents de surnaturel. Néanmoins, le métrage lui donne raison. Karswell lui annonce dés leur deuxième rencontre qu'il peut éviter la mort en arrêtant de poursuivre son enquête. De plus, à la fin nous savons qu'en rendant la rune à celui qui nous l'a donné nous échappons à la mort. Enfin, le démon n'intervient que lorsque la rune brûle, chose qui n'adviendra jamais avec John qui, de ce fait, avait toute ses chances de pouvoir survivre. Ce manque de clarté des règles occultes atténue fortement la tension que tente d'imposer le film.
Le vecteur de ce manque de danger est sans aucun doute Karswell. Il est considéré comme le méchant pourtant il n'a absolument rien de vilain, lui-même subissant la malédiction de ses rituels. Il est censé être le chef d'une secte dangereuse allant contre les institutions pourtant on ne voit quasiment jamais ses adeptes. C'est un chef sans poigne à qui il manque l'influence d'un véritable gourou.
Le seul être créant le danger est le démon. Toute les séquences portant autour de cette entité sont maîtrisé de bout en bout notamment grâce aux effets spéciaux. La séquence où John sort de chez Karswell en passant par les bois représente à elle seule ce qu'aurait dû être l’entièreté du métrage avec des tentatives de créer la peur réussit, à l'image des traces de pas qui se forment dans la terre. Le démon en lui-même est tout aussi réussit quand bien même il ressemble à un jouet, sentiment accentué par le son étrange qui accompagne sa marche comme si on le tirait sur un rail. La séquence du meurtre de Karswell est efficace car nous ressentons le gigantisme de cette entité démoniaque même si son charadesign change subitement et que l'on sent que ce n'est plus du stop motion mais un homme dans un costume.
Au-delà du rendez-vous manqué avec l'effroi et le manque de tension, le film rate le coche dans sa tentative de s'inspirer des œuvres d'un des plus grands auteurs de l'horreur. Le métrage s'inspire indéniablement de l’œuvre de Lovecraft. Nous y retrouvons un scientifique face à des événements dépassant l'esprit humain, un homme devenu fou en contemplant le démon, un livre étrange et indéchiffrable contenant tous les secrets des rituels... Les principaux principes des livres de Lovecraft y sont respectés sans pour autant effleurer l'effroi et la fascination de ses histoires.
Rendez-vous avec la peur ne viendra jamais ternir le reste des œuvres horrifiques de Tourneur qui resteront dans le panthéon du cinéma. Cependant, il est dommage que ce dernier rendez-vous soit sans saveur au vu des ambitions des premières séquences et des inspirations du film.