Il y a bien des choses à dire sur Rise of the Legend, le dernier film en date consacré au célèbre docteur de Foshan, Wong Fei Hung.
Un retour de ce héros populaire largement consacré par le cinéma s’était fait attendre. Le dernier film en date remonte en effet à 1997 ! Depuis, c’est l’ancien maître de Bruce Lee, Yip Man, qui lui avait ravi la vedette.
Pour ce « reboot », Edko a mis les petits plats dans les grands, allouant un budget généreux à Roy Chow, un réalisateur encore relativement inexpérimenté. Le rôle-titre fut donné à la star montante Eddie Peng. Des choix qui montrent clairement l’orientation voulue par l’influent producteur Bill Kong : rajeunir le personnage et son public. L’entreprise est à la fois une réussite… et un ratage.


Le scénario a le mérite de chercher à sortir des sentiers battus du genre. Le film raconte la lutte que se livrent deux gangs, les Tigres Noirs et ceux de la Mer du Nord pour le contrôle des docks et les profits qui y sont liés. Les Tigres Noirs sont menés par l’imposant Lei (Samo Hung) et ses trois fils adoptifs. Wong (Eddie Peng) intègre le gang en tant que 4e fils adoptif après avoir fait allégeance en tuant le leader de l’organisation adverse. Mais, la suprématie des Tigres Noirs est à nouveau mise en cause quand apparait un nouveau groupe à l’origine mystérieuse et bien décidé à mettre fait à l’emprise du gang sur les docks.


Le script de Christine To exploite habilement le contexte du 19e siècle pour nourrir le récit. Les conséquences de l’ouverture forcée de la Chine par les puissances coloniales sont au cœur de l’intrigue mais le script ne tombe pas non plus dans le nationalisme outrancier. Alors qu’il eut été facile, et avouons-le plutôt approprié, de faire des occidentaux les adversaires directs du héros, ce sont d’autres chinois qui sont les antagonistes.
Le fait de choisir une orientation proche des films d’undercover (voir Man on the Brink ou Infernal Affairs) pour un film de Kung Fu n’est pas également une mauvaise idée. Mais, pour être satisfaisant, cela implique de traiter des problèmes moraux auxquels est confronté un agent double. Or, cette facette n’est que survolé dans le film. Durant deux séquences, Wong Fei Hung s’attriste du sang qu’il a dû verser mais cela n’a aucun impact par la suite dans ses actions. C’est d’autant plus dommage que la relation entre Wong et Lei appelait logiquement à de tels développements. Hélas, le potentiel dramatique de ces situations n’est jamais pleinement exploité.
De même, la mort des compagnons d’armes de Wong, n’aboutit pas à l’impact émotionnel désiré. Toutefois, c’est probablement un problème de structure qui est ici à blâmer, plutôt qu’un défaut d’écriture du script. Une bonne partie des relations entre Wong et ses amis sont en effet évoquées en flashback et de manière assez tardive dans le récit. Un montage différent, plus classique, aurait probablement permis à l’amitié d’être davantage marqué pour le spectateur et les conséquences dramatiques de l’engagement pour la justice des différents protagonistes davantage porteur d’émotions.


En soi, ces défauts sont regrettables mais pas rédhibitoire. Le positif l’emporte sur le négatif. Mais qu’en est-il de l’action qui, pour un film de Kung Fu, est évidemment une donnée essentielle ?
Rappelons que le poste de chorégraphe a été confié à Corey Yuen. Au cours du tournage, des conflits d’égo se sont fait jour entre l’ancien de l’opéra de Pékin et le jeune réalisateur. Corey a fini par être débarqué et Samo, producteur associé du film, a assuré l’intérim. Au vu de l’action déployé dans le film, on peut deviner d’où est venu le conflit entre les deux hommes. En effet, contrairement à l’orientation traditionnelle du genre, les scènes de combat privilégient les effets et la violence. Roy Chow use à grosse dose de ralentis, de POV et autres trucages numériques pour le moindre affrontement. Il fait également en sorte que le lieu de l’action renforce les possibilités de gimmick visuelles (entrepôt en feu, sous la pluie…). Bien plus que la technique des pratiquants, il met l’accent sur l’impact physique des coups à grand renfort d’effets sonores ou, encore une fois, de ralentis. Cette tendance se fait malheureusement au détriment des chorégraphies proprement dite. Aucun style martial ne se dégage vraiment des protagonistes et les enchainements de coups sont génériques, sans personnalités.
Cette orientation peut plaire au grand public, et il n’est d’ailleurs pas dit qu’un Corey Yuen complétement en charge ait fait beaucoup mieux *, mais pour l’amateur de films d’arts martiaux, c’est forcément une déception.


Déception renforcé par le fait qu’on n’a jamais l’impression de voir Wong Fei Hung. Bien sûr, le personnage de Wong Fei Hung a toujours été à géométrie variable. Étant donné que l’on connait finalement assez peu de détails sur sa vraie vie, et avec plus de 100 films qui lui ont été consacrés, les réalisateurs en ont fait ce qu’ils voulaient : d’un jeune trublion chez Lau Kar Leung ou Yuen Woo Ping à une figure paternelle et moralisatrice chez Wu Pang.
Par petites touches, Rise of the Legend essaye tout de même de se relier aux œuvres qui l’ont précédé et tout particulièrement des OUATIC de Tsui Hark. L’utilisation du parapluie par Wong Key Ying, la tenue de Wong Fei Hung en fin de métrage sont autant de conventions qui ont été établies par Tsui Hark et les siens.

Mais il s’agit là de clins d’œil plus qu’autres choses. Dans le fond, ce qui demeure dans la grande majorité des films qui lui sont consacrés, Wong est un passionné des arts martiaux, de justice et d’une certaine idée des valeurs Chinoises. En faisant de Wong un personnage revanchard et agressif, on perd une certaine essence du personnage. Bien sûr, le principe d’un « begins » permet de justifier l’orientation. Mais le fait demeure qu’on n’a pas le sentiment d’assister aux aventures du « vrai » Wong Fei Hung. L’utilisation du personnage tient ici davantage à une approche marketing tant le film pourrait tout à fait demeurer en l’état avec un personnage nommé Chan ou Leung.


• Des bonnes chorégraphies de Corey datent de plus de 10 ans…

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le 3 avr. 2017

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Palplathune

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mikeopuvty
5

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