50% politique 50% action 100% efficace

Evacuons d'emblée l'aspect technique d'un film de 1988 ; c'est daté, mais ça n'est pas grave. Le mouvement chaotique de l'ED-209 fait évidemment vieux, le visage de Murphy plaqué le robot, rien ne choque, au contraire. L'ED-209 a des mouvements mal branlés ? Pas grave, et ça justifie la scène de l'escalier (pas sûr que ça soit volontaire, cela dit). le visage de Murphy plaqué est inexpressif ? Ouais, c'est un robot. Les faux-raccords, les fausses bastons, les impacts de balles farfelues ? TOut ça ne gâche jamais le film. Accessoirement, la musique est somptueuse ; pas le genre entêtante dont je me souviens des années après, mais qui appuie toujours l'action exactement comme il le faudrait.
On peut également évacuer assez rapidement l'histoire ; un flic meurt, on en fait un robot, il lutte contre le crime.
En revanche, ce qu'on ne peut pas évacuer, c'est le cadre de l'histoire. Detroit, l'OCP...
Une ville en proie à l'anarchie, "broken beyond repair" à tel point qu'il est décidé de la remplacer, en proie à un capitalisme sauvage avec ses commissariats privatisés ; des flashs informations bourrés d'humour (un président dans une station orbitale - la même qui détruira Santa Barbara et deux anciens présidents...) et de publicité. Et l'OCP, surtout, ses requins bourrés de drogue et/ou de cynisme...
Côté protagonistes, si Alex Murphy ne brille pas particulièrement (avant sa mort il n'en a pas plus le temps que ça, et après sa gamme d'expression est forcément limitée) par son jeu, son rôle est intéressant. Un nouveau sheriff en ville, voire un messie, à la découverte de ce qui fait de lui un humain, pour le meilleur mais surtout le pire ("Je ne viens pas vous arrêter cette fois-ci."). Lewis n'est pas qu'un faire-valoir, elle n'a pas besoin de lui, en revanche elle le sauve plusieurs fois, elle le met sur le chemin de l'humanité, elle le sauve ; le tout sans caricature, sans ambiguïté, de la camaraderie simple et naturelle. Du côté des crapules, des plus petits poissons (Bob Mortonn cynique, défoncé à la coke mais finalement inoffensif) aux plus gros (Jones, absolument sans scrupule de la première scène averc l'ED-209, magistrale, à la dernière, mais aussi Boddicker et sa clique de joyeux psychopathes, défoncés), on a droit à un festival de clichés bien utilisés, de salopards jouissifs ; un cocktail explosif.
Pourquoi ça marche encore en 2014 ? Ce film est ancré dans les années 1980, pas seulement techniquement. Les films d'anticipation des années suivantes seront encore moins optimiste sur le délitement du tissu social urbain (Demolition Man pour n'en citer qu'un), mais ils seront moins fort sur la critique de l'ère Reagan, ses golden boy cocaïnomanes décomplexés, sa dérégularisation à outrance.
Et tous les effets spéciaux à venir ne changent pas grand chose à ça.
Pierre Marot

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