Si vous suivez comme moi depuis des années l'avancée des travaux autour du projet de remake RoboCop, il se peut que vous soyez déçu de la tronche de celui-ci. Ce n'est tout simplement pas celui qui nous avait été vendu sur papier. À l'époque l'idée, assez intelligente d'ailleurs, était d'offrir les rênes du projet à Darren Aronofski. Un homme dont il me semble assez évident qu'il avait toutes les qualités nécessaires à réaliser une seconde approche de l'œuvre originale tout en l'étant quelque peu.
Face à cette promesse brisée maintes fois fantasmée par les cinéphiles du monde entier ce Produit de Relance de La Série RoboCop Pour un Plus Jeune Public par directement avec un handicap : celui d'exister. Il est impossible de combler avec une réalité concrète l'envie fantasque du spectateur qui se met à imaginer. Ce qui ne veut pas pour autant dire que ce RoboCop du brésilien José Padilha soit un mauvais film. Non, c'est juste une version sans une goutte d'hémoglobine de l'histoire d'un mec mutilé pour rentrer dans un scaphandre de combat. Dit comme ça, tout de suite, ça fait bizarre.

Vous connaissez certainement les bases : un policier nommé Alex Murphy, la ville de Detroit, un terrible évènement, le mec se retrouve dans une boite de conserve qui combat le mal. Les petits bruits hydrauliques faits à la bouche, tout ça. C'est l'un des problèmes du remake moderne, il ne peut pas dénaturer la formule magique qui a mené l'original au succès. Le spectateur doit vaguement reconnaître ce dont il est question en regardant la bande-annonce. Le but est ici donc de diluer : atténuer les éléments choquants, rendre l'ensemble le plus tous publics possible. Cette théorie assez détestable est bien celle du focus-group. Par touches successives une œuvre est ainsi lissée afin d'arriver à la pâte la plus homogène possible dont on puisse encore dire qu'elle conserve une partie de l'arôme original. Le seul problème, et il est imposant, c'est que faire subir pareil traitement à RoboCop revient à en retirer tous les meilleurs morceaux pour en faire une pub pour jouets.

Par chance, José Padilha est assez conscient de la valeur du travail de Verhoeven que pour y insérer par pure bravoure quelques idées audacieuses qui haussent l'exercice pour quelques instants au-dessus du statut de simple film à pop-corn. Son RoboCop est un prétexte industriel monté sur le dos des médias par un Steve Jobs local afin de briser une loi interdisant le déploiement de robots de combats sur le territoire américain. Et ça, c'est très futé. Là où l'original était une métaphore christique déguisée en film d'action, celui-ci tente de trouver une polémique actuelle pour tenter de justifier son existence. Par chance, RoboCop était un film visionnaire : les drones, la privatisation des services publics, la transformation des médias en outils partisans; tout ça était prévu par Verhoeven. Tout ceci permet à cette nouvelle mouture deux astuces simples mais efficaces. L'Alex Murphy de José Padilha est une conscience enfermée dans une machine qui tente progressivement d'en prendre le contrôle. Le combat ici esquissé n'est pas une simple revanche très très cool, mais bien la tentative du contrôle d'une machine dont il n'est censé être qu'un simple rouage. Une nuance qui surprend dans un film pareil et laisse penser qu'avec un peu plus de liberté l'homme de Rio aurait aisément pu accoucher d'un film d'une inespérée profondeur.

C'est aussi ce qui rend si triste le constat final que tout spectateur un peu éduqué se doit de porter à ce remake… Il n'était absolument pas prévu ici de faire un bon RoboCop, ou même un bon film, l'exercice était destiné à rendre la série un peu plus rentable. Chaque seconde, le réalisateur a du se battre pour insuffler le minimum syndical d'âme dans toute cette machine. Et il y est arrivé. Dans un film sans hémoglobine qui raconte l'histoire d'un homme mutilé dans son armure d'acier. Ce qui rend tout l'exercice assez futile. Mais les effets spéciaux sont bien foutus et le tout fonctionne correctement comme film un film familial.
Ce que je n'aurais jamais pu penser devoir dire d'un film RoboCop. L'on vit une drôle d'époque.
MaSQuEdePuSTA
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le 1 mars 2014

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