She Packed My Bags Last Night Pre-Flight

"Oh non, pas encore un Bohemian Rhapsody..."


Voilà la première chose que je m'étais dite en voyant l'affiche de ce film apparaître sur un bus passant dans mon quartier. J'avais trouvé Bohemian Rhapsody (le film, pas la chanson) beaucoup trop fade et faux ; heureusement, je ne connaissais pas Queen avant d'avoir vu Bohemian Rhapsody (oui vous avez bien lu), par contre je connaissais Elton John depuis mes 8 ans et je ne voulais absolument pas voir ce que je pensais être un "hommage catastrophe" comme l'avait été Bohemian.


Mais la tentation était trop forte, et sans m'attendre à grand chose, je m'étais finalement décidé à aller le voir.


Et... j'ai été conquis dès la première note.


Dès le tout début, le tout premier son du générique, le film nous transporte avec les premières notes de Goodbye Yellow Brick Roads jouées au piano de manière magique, qui pourrait presque être comparée au son d'un ange. Moi qui suis très sensible à la musique d'Elton John, j'étais déjà ému.
Mais le véritable tournant, celui qui m'a convaincu que ce film allait être un chef-d'œuvre, a été la scène de Saturday Night's Alright for Fighting : la chorégraphie de cette scène, s'accordant parfaitement avec cette nouvelle version (tout aussi excellente que l'originale) de Saturday Night's est tout bonnement parfaite, et la manière dont elle est filmée l'est encore plus. En effet, ce film est une comédie musicale, et les scènes et chorégraphies sont tellement parfaites, minutieusement millimétrées et rythmées que même ceux disant ne pas aimer les comédies musicales ont été conquis (Durendal par exemple), et ils se sont écriés "oui mais c'est pas une comédie musicale comme les autres". En effet, c'est une comédie musicale qui sort du lot par sa perfection.


Rocketman est à la fois un chef-d'œuvre de grandiose et de subtilité : il réussit à émouvoir avec ses costumes ressemblants en tout point aux réels costumes dont ils sont basés, mais aussi avec l'histoire d'un fils qui n'arrive pas à communiquer avec son père alors qu'il passe sa vie sur scène à communiquer avec son public. Par exemple, la scène de The Bitch is Back est à la fois émouvante pour sa réalisation léchée (image en noir et blanc, sauf Elton qui est en couleur, ce qui fait ressortir son sentiment de ne plus appartenir au monde qu'il décrit) mais aussi pour son scénario, pour tout ce qu'elle implique (le regard sévère du jeune Elton face à Elton adulte, comme pour lui dire "pourquoi mens-tu ?", et le petit mouvement de tête d'Elton adulte qui s'ensuit comme pour signifier "oui je mens et alors ?"). Alors que je m'attendais à trouver un film bêtement grand public, chaque scène est truffée de détails importants, chaque scène est réfléchie et belle que ce soit au niveau de l'image ou de l'émotion : aucune n'est inutile, banale ou trop grandiose - elles sont toutes significatives, passionnantes et superbes.


Aussi, Rocketman, contrairement à ce que certains pourraient craindre, n'est pas du tout fait pour montrer Elton John sous le meilleur de ses jours : il est tellement, mais tellement loin d'être parfait - c'est l'une des premières choses que le film montre ! Dès la première scène, Elton est présenté comme un drogué, alcoolique, addict au sexe et à la nourriture, et qui a si peu de personnes dans sa vie qu'il est obligé d'aller à un groupe de paroles pour parler de ses problèmes. Elton passe du statut de "légende inatteignable" à "personnage de films", avec ses défauts, ses soucis, ses erreurs, et le fait de savoir que l'histoire est réelle (ou du moins inspirée de faits réels) rend le film encore plus fort.


Évidemment, Elton John étant gay et ayant participé à la réalisation du film, il n'y a aucune représentation caricaturale d'un personnage LGBT+ (et ça fait du bien). Mais encore plus remarquable : tous les personnages sont traités avec un respect immense. Le père ne s'occupant pas de son fils, la mère ne voulant pas le comprendre, et même John Reid sont traités avec ce respect si typique des histoires réelles - un respect sincère pour des personnes réelles, même si ce sont des personnes horribles, qui est encore plus visible lorsqu'il s'agit de bonnes personnes (Bernie Taupin).
Et soudain, alors que l'on apprend tous les détails de la vie d'Elton, on connaît ces gens. On connaît ces gens comme s'ils étaient nos parents, nos amis, nos frères, nos ennemis - avec leurs défauts, leurs histoires - et on se laisse porter par ce sentiment (qui ressemblerait presque à de l'amour) si puissant. Oui, en sortant du film je me suis mis à aimer ces gens comme s'ils faisaient partie de ma propre histoire, et Elton qui jusque là était une idole inaccessible est soudainement devenu accessible après ce film, qui a sans doute été pour lui une mise à nue. Certains cyniques (malins) seraient prompts à dire que ça a été un très bon coup de pub pour la dernière tournée d'Elton, et je serais tenté de leur répondre "et alors ?". Il n'y a rien de mal à faire un film pour le marketing, tant que le film est beau, fort, puissant, et n'est pas un simple film de remplissage.


Oui, Rocketman n'est certainement pas un film de remplissage, un film fait uniquement pour l'argent : avec ses 10 ans de production, on peut dire qu'il a été réfléchi, et que plus qu'un coup marketing, c'est un réel geste artistique qui m'a bouleversé.
Je me suis rappelé de ces journées d'été enfermé dans la voiture de mes parents lors du retour de nos vacances à Montpellier (oui, nous faisions Montpellier-Paris en 1 journée en voiture en été, un véritable enfer). Lors de ces journées j'aimais écouter Elton John en boucle, car sa musique spectaculaire m'aidait à surmonter la chaleur de notre voiture sans clim sous le soleil à 30°, l'ennui d'une journée en voiture sans internet, mon très grand mal des transports qui m'obligeait à prendre des médicaments toutes les 4 heures... soudainement j'étais transporté ailleurs, dans un océan d'émotions intenses, dans la musique d'Elton John qui, depuis toujours, me fait voir la vie d'une manière plus forte.
Alors Elton, merci pour tout. Si tu meurs un jour (car je te crois toujours immortel), je serai l'un des hommes les plus tristes au monde ; mais au moins, je pourrais me dire que tu laisseras derrière toi un film dans lequel je peux me plonger pour te rencontrer, comme un miroir que tu aurais laissé pour les curieux dont je fais partie.

PuduKazooiste
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le 30 nov. 2020

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