Vous trouvez que l'inspecteur Harry est brut de décoffrage ?
Attendez d'avoir rencontré l'inspecteur Belli, qui n'a de ridicule que le nom.
Que ceux qui en doutent regardent les dix premières minutes du film
Un détournement de bus tourne mal, un coup part tout seul, une victime innocente meurt et les malfrats s'enfuient.
Le regard bleu intense, la mâchoire contractée, la moustache blonde frémissant au vent, l'inspecteur est en colère.
Et sur un coup d'intuition hasardeux, il chope un jeune qui pourrait éventuellement connaitre un nom dont l'inspecteur aurait (éventuellement) besoin. Il le coince dans un bus vide garé au dépôt et le passe à tabac à coup de baffes, coups de pieds et autres joyeusetés.
Le malheureux tente de s'enfuir, et ça énerve l'inspecteur, qui redouble d'efforts rageurs et d'enthousiasme jubilatoire.
Et ça dure.

Si Kitano dans Violent Cop y allait franco lui aussi, on sentait une maîtrise émotionnelle, une froideur dans l'exécution.
Visiblement, la froideur, Merli ne connait pas, et son sang bouillonne en continu. Son moteur, c'est la violence. Son carburant, la rage, et il a peu de chance de tomber en panne.


Le pitch est une variation sur un thème imposé par ce genre particulier qui naît dans les replis du cinéma populaire italien.
Les rues de Rome ne sont plus sûres, à chaque recoin, un petit truand attend pour vous piquer votre sac à main, vous violer, vous tuer, puis vous revioler, car les petits truands romains sont méchants.
Et la police a les mains liées par les lois, ces satanées lois qui protègent les brigands et laisse les pauvres gens à leur merci.
Contre la montée du crime, une seule solution "il faudrait monter une police spéciale, au dessus des lois".
Un juge dans le coup pour couvrir les exactions miliciennes de cette police spéciale, et hop, on sort les chaines de vélo et les battes cloutées pour passer à tabac un voleur de tapis.

Bon, j'arrête le spoil, le décor est posé.

Vous allez me dire, ça sent la dérive milicienne fascisante, tout ça.
Et bien, euh... bon, d'accord, ça pue un peu, c'est vrai.

Chose amusante, c'était à l'époque perçu plus comme un brûlot populaire que comme une apologie des bavures policières, notamment par les réalisateurs s'étant collés au genre.

Il y avait deux façons de voir la chose.
La Force de Droite, c'est Maurizio Merli qui l'incarne le mieux, tant à l'écran que (malheureusement) dans la vraie vie, sa vision personnelle de ce rôle qu'il campe avec maestria dans des dizaines de films, le seul qui lui aille comme un gant, étant très "premier degré", disons.
L'Anarchiste Violent et Engagé, c'est certainement Thomas Milian qui l'incarne le mieux, malgré son absence à l'affiche de ce film-ci.
Souvent cantonné dans ces productions au méchant psychopathe pourchassé par Merli, l'ambiance sur les plateaux était toujours extrêmement tendue entre les deux acteurs, qui portaient un regard diamétralement opposé au "message" des films dans lesquels ils partageaient l'affiche.

Mais revenons à Rome Violente le bien nommé.
La violence démesurée des méthodes du commissaire Belli est tout bonnement hallucinante, même aujourd'hui.
La réalisation est une leçon de nervosité pour tout réalisateur ayant décidé de se lancer dans le cinéma d'action sans avoir recours à l'option kung fu, omniprésente cette dernière décennie, rarement pour le meilleur, soit-dit en passant.
Les poursuites en voitures me font généralement royalement chier. Du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à ce que j'en voie une vrai, bien foutue, nerveuse comme jamais, qui ne débande pas.
Où ça ? Oui, vous l'avez deviné, c'est ici que ça se passe.
Voir Merli défoncer son propre pare-brise truffé d'impacts de balles à coup de talons tout en roulant à contre sens dans une bretelle d'autoroute, ça met le frisson, ça pue la testostérone et la détermination.
Et ce n'est pas un hasard si Tarantino réutilise la musique de la série pour la poursuite finale du Boulevard de la Mort en guise de clin d'oeil bien appuyé.

Oui, la série B aura pondu des daubes sympathiques, des bouse immondes, et des monuments de surenchère devant lesquels on ne peut que s'incliner.

Rome Violente fait partie de ceux-là.
Dans le domaine du divertissement absolu, du film d'action ultime, ce film se pose là, sans vous demander votre avis.
Jubilatoire au dernier degré, ce serait une erreur de passer à coté.
Sauf, évidemment, si vous êtes à la recherche d'une once de finesse.
toma Uberwenig

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