Pour Rosie, la coupe (Davis) est pleine

Rosie Davis est une irlandaise encore jeune, mère de 4 enfants (3 filles et un garçon) qui vit à Dublin avec John-Paul (Moe Dunford), le père de ses enfants. On découvre Rosie en voiture avec ses enfants. Le matin, c’est elle qui les conduit à l’école, car John-Paul est au travail, dans les cuisines d’un restaurant. Dès qu’elle peut, Rosie utilise son téléphone portable pour appeler des hôtels à la recherche d’une chambre familiale qui pourrait les héberger pour une ou plusieurs nuits. La mairie de Dublin lui a fourni une liste d’hôtels où elle peut chercher de la place, sachant qu’elle pourra payer avec des bons fournis par la ville. Avec quatre enfants à charge, Rosie peine à trouver le temps pour trouver un toit. La situation dure depuis 15 jours, la famille ayant dû quitter la maison où ils habitaient, car le propriétaire la vend. Rosie et John-Paul vivent sur le salaire de ce dernier et probablement une aide sociale de la ville. Ils ne roulent pas sur l’or, mais cherchent un logement correspondant à leurs moyens. John-Paul surveille les annonces de location pendant que Rosie recherche un hébergement provisoire en hôtel. L’une comme l’autre, ces recherches sont épuisantes et démoralisantes.


Dans un premier temps, le film se focalise sur la recherche de Rosie (litanie des appels avec un dialogue court et très répétitif). Puis, la journée avançant, on distingue les âges et personnalités des enfants : Kayleigh l’aînée 13 ans qui va au collège et tente de faire ses devoirs dans la voiture (à l’avant à côté de sa mère), Millie 7-8 ans qui vit mal la situation et tombe malade, Alfie 9-10 ans le garçon boudeur et joueur avec ses deux dents en avant et Madison la petite dernière (5 ans ?) qui a encore besoin de Peachy, son doudou (à sa mère qui demande régulièrement où est Peachy, Madison un peu désabusée se contente de le montrer).


Les enfants vivent assez mal la situation et au début se chamaillent bruyamment à l’arrière de la voiture pendant que Rosie passe ses appels. Ses demandes de silence passent de plus en plus mal. Ce malaise s’accentue avec la disparition de Kayleigh. Rosie et John-Paul la recherchent chez ses amies, repoussant le moment de prévenir la police. On imagine qu’ils redoutent qu’on leur demande une adresse de résidence.


Le cinéma britannique nous a habitués aux constats sociaux. Ce film fait son effet, aussi bien dans sa relative concision (1h26), que par l’émotion qui s’en dégage, notamment grâce à Sarah Greene dans le rôle-titre et le naturel des enfants qui fait mouche (voir Alfie réclamer des frites ou bien Madison annoncer qu’elle a besoin d’aller aux toilettes… tout de suite !) Le constat social (crise du logement) vaut pour Dublin, et certainement aussi pour bien d’autres grandes villes d’aujourd’hui. Cela méritait sans doute un film et Paddy Breathnach (le réalisateur) illustre correctement un scénario de Roddy Doyle. Révélatrices d’un petit budget, de nombreuses séquences filmées avec la caméra sur l’épaule (l’image ne saute pas trop, le cameraman ne montant pas sur le trampoline où Alfie s’amuse, prétendant qu’il ne saute pas…) gênent moins qu’une réalisation plutôt terne, sans trop d’imagination. L’ensemble manque aussi cruellement d’humour. On ressent même un certain malaise sur une séquence où toute la famille se lâche en crachant de la nourriture dans la voiture, leur seul abri réel, comme si par cet acte ils reconnaissaient leur impuissance à se sortir de l’impasse (sur un fond musical puissant qui accentue le besoin d’évacuer la tension accumulée).


Un point positif pour conclure, le film parvient à faire sentir la force de cohésion de cette fratrie, envers et contre tout (les nombreux refus, y compris de la part de proches, les réticences et les brimades). Rosie pourrait laisser ses enfants à sa mère (qui ne demande pas mieux), John-Paul (Lennon-McCartney ?) pourrait trouver un hébergement chez son frère pour libérer une place dans la voiture, Kayleigh rêve de regarder la TV avec une copine, Millie voudrait caresser Nuggett son chien, etc. Non, finalement, ils trouvent la force de rester ensemble, leur seul atout pour conserver l’espoir d’un avenir décent.

Electron
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le 17 mars 2019

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