Quoi de plus concret, quoi de plus prégnant que le passage d'un train ? Mathématicien de formation James Benning propose avec RR un voyage cinématographique d'une obsédante beauté, qui se livre telle une oeuvre passionnante sur la structure du mouvement : filmant de manière très étudiée pléthore de trains de toutes sortes et de fonctionnalités diverses le chantre de la rémanence revient aux origines du cinématographe, à cela près que son édifiant long métrage se compose non pas de vues mais d'authentiques plans de cinéma.
Nulle symbolique - et donc nulle abstraction - ne vient empiéter sur cette forme aride, presque ascétique qui constitue le cinéma de James Benning. Le réalisateur donne à voir ses plans dans leur durée, débarrassés d'éléments accessoires ; ils donnent à voir les trains tels qu'ils sont, dans leur densité visuelle et sonore, chaque squelette métallique apparaissant, passant puis disparaissant pour mieux parachever le plan donné. Le flux des wagons, de vitesse et de forme variables, invite aussi bien le spectateur à patienter qu'à contempler, esquissant des trajectoires conférant à l'étonnement le plus salutaire qui soit. La manière dont James Benning place sa caméra permet de mettre en valeur chaque ossature, chaque excroissance : encore et toujours maître en l'art du plan fixe le réalisateur de Ruhr et de Ten Skies signe avec RR peut-être l'un de ses films les plus efficaces. Et l'un des plus beaux. Magique.