Cela commence par un petit rhume a priori anodin. Et puis il y a cette sensation de fatigue, persistante, encombrante, usante. Les médecins sont pourtant affirmatifs : Carol White (Julianne Moore) est en parfaite santé. Tout devrait rentrer dans l’ordre avec un peu de repos. Elle est « surmenée » disent-ils. Nouvellement installée dans une banlieue chic du nord de Los Angeles avec son fils et son mari, un cadre supérieur peu attentionné, Carol White mène pourtant une existence bien confortable, apparemment éloignée de tout stress. Face au psychiatre qu’elle finira par aller consulter, elle se présentera comme une « femme d’intérieur » travaillant sur « la décoration de sa maison », quand elle a du temps libre prendra-t-elle le soin de préciser. En réalité, sa vie est à peu près totalement vide. Son quotidien est fait d’allers-retours vers le centre commercial et le pressing, de jardinage et de séances d’aérobic. Son mariage est stable, mais austère, froid, dépourvu de réelle intimité émotionnelle. Son fils, d’une présence fantomatique, est en fait son beau-fils, issu du mariage précédent de son mari. Ses amies existent et elle les voit régulièrement, mais leur amitié est distante, superficielle, éteinte.


(...)


On pourrait qualifier Safe, film étonnant et singulier, qui nous rappelle la vivacité du cinéma indépendant des années 90, de « thriller psychologique », mais cette appellation en surprendrait plus d’un étant donné le rythme particulier du film. L'angoisse est pourtant bel et bien au rendez-vous. Le réalisateur, Todd Haynes, dont il s’agissait du second long métrage, a une manière assez fascinante de nous montrer le lent processus de décomposition et d'isolement de son personnage principal. Il procède par touches imperceptibles, en creux. Il apporte notamment un soin particulier à la bande-son, silencieuse et principalement faite des bruits de fond issus du quotidien de l’héroïne, peu à peu dérangeants, envahissants, énervants. La première partie du film, c'est-à-dire jusqu’à ce que l’héroïne entre dans l'institut isolé, est de loin la plus réussie et maîtrisée. Le découpage est harmonieux, le ton, lent, déploie une force tranquille, sereine, sûre de parvenir à ses fins. Il ne se passe pratiquement rien, l’action est réduite à des petits riens sans importance, mais un malaise diffus sourd de chaque plan et devient de plus en plus évident. Les incidents paraissent d’abord anodins, mais à mesure qu'ils s'accumulent l'inquiétude s'installe. Todd Haynes cultive une tension insidieuse, gênante, bizarre. Julianne Moore, idéale dans ce rôle, est d’abord une petite femme tirée à quatre épingles, figée dans un coin de l’image, perdue dans des décors vides, immenses et sans vie. Puis elle devient progressivement une plante desséchée, agonisante, sur laquelle l’ultime plan du film, glaçant, finira par se focaliser, en nous laissant à peine espérer un sursaut de vie.


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ilaose
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le 29 mai 2018

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