Savage
6.9
Savage

Film de Brendan Muldowney (2009)

Savage a cela d’excellent, dès le début de son histoire : il a le goût anglais du détail. Le petit plus des séries B britanniques, qui montrent qu’elles veulent vraiment en donner à voir au public en insérant une foule de détails qui sentent le vécu et qui inscrivent bien le film dans un contexte crédible. Un mal nécessaire pour un sujet aussi costaud que la « juste vengeance », facilement taxé de pratique fasciste. Coup de pot, le film n’en a rien à faire, ou mieux, ne se calibre pas sur la notion de justice. Préférant délaisser les impératifs moraux, il décide de se concentrer sur le ressenti psychologique de son personnage principal, qui n’a rien d’un héros. Après l’attaque, il y a la fameuse agoraphobie qui parasite la vie et qui fait se sentir encore plus victime (les moqueries devant le comportement ostensiblement peureux de Paul), l’addiction aux gadgets sécuritaires et les séances de psychanalyses, doublées d’un traitement lourd du à la récente amputation. Des angoisses typiquement masculines qui sont agencées par le récit (en plus de la pression morale, Paul commençait à entamer une relation amoureuse avec l’aide soignante s’occupant de son père paraplégique). Des détails qui s’accumulent et qui mettent la pression. Seulement, Paul décide de réagir par l’opposé, en se focalisant sur la façon d’exprimer sa violence. Via des cours d’autodéfense où ses traumatismes ne tardent pas à se faire remarquer en mal, et sur son apparence, ainsi que dans son fétichisme de plus en plus prononcé pour les armes. Un peu de muscu pour se donner une carrure, et voilà bientôt le nouveau Paul arpentant les rues, armé d’une lame à en faire rougir Elija Woods et prêt à en découdre avec le premier voyou qui passe. Sans se borner dans la violence. Le film n’essaye pas de justifier son héros, il se contente de suivre, s’appuyant franchement sur le statut de monstre naissant de la victime totalement brisée, et souhaitant bien fixer chaque nouvelle étape dans l’accomplissement de ce destin contradictoire. D’honnêtes ambitions, qui hélas ne font pas vraiment un film explosif. La psychologie a beau être là, elle ne soutient pas des dialogues un peu mou du genou. De même, le personnage principal manque de charisme, fait quasi rédhibitoire pour pareil sujet. Malgré son traumatisme et ses multiples aspects, l’acteur ne facilite pas l’identification, surtout quand il commence à reprendre les armes pour rendre les coups. Je pense par exemple à la séquence du mouton, qui hésite entre trash et humour, choix original mais complètement hors de propos au vu des objectifs de la scène. Un peu triste à dire, mais malgré le drame et le détail du suivi psychologique, l’histoire de Paul n’est pas très intéressante. Il peut facilement être réduit dans la simple case clichée de la victime qui devient une machine à tuer, illustration standard d’un simple mécanisme de violence qu’il aurait été facile de résumer en encore moins de temps (le film paraît long alors qu’il fait seulement 1h20) qui n’apporte que peu d’idées novatrices à son concept de base. Une certaine hargne avec la gueule de l’acteur une fois balafrée, quelques détails qui sentent le vécu, mais un pétage de câble plus diffus, sans la moindre bouffée d’optimisme (la vague rédemption par l’histoire d’amour est vite évacuée), qui se conclut sans surprise, mais avec force.

Voracinéphile
5
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le 27 avr. 2014

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