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Homonyme d'un des premiers films de Fred Olen Ray réalisé quatre ans plus tôt, ce Scalps signé par un mystérieux Werner Knox est, comme le signale magistralement l'affiche ci-contre, un western aux arguments solides, sinon prometteurs. Sans plus attendre, dévoilons l'identité secrète du, ou plutôt, des metteurs en scène qui se cachent derrière ce pseudonyme aux accents germano-anglophones, un duo qui marqua de son empreinte la décennie 80 par leur foi inébranlable dans le cinéma et le portnawak, en signant (1) des œuvres aussi subversives que Virus Cannibale ou Les rats de Manhattan : Bruno Mattei / Claudio Fragasso. Davantage réputés pour leur opportunisme et la qualité controversée de leurs productions, nos deux compères, responsables d'un précédent western nommé Bianco Apache sorti également en 1987, déjouent les pronostics cette année-ci avec un diptyque inattendu. Mieux, à une époque où le western spaghetti est mort et enterré depuis bien longtemps, Scalps devance de quelques mois, sans évidemment l'éclipser, le retour du personnage culte interprété par Franco Nero dans la séquelle Django 2: il grande ritorno, en proposant une héroïne vengeresse sachant manier l'arc et les flèches explosives. Tout un programme.


Tandis que la fin de la Guerre de Sécession signe la défaite des états confédérés, l'irréductible colonel texan Connor (Alberto Farnese) et sa poignée de soldats perdus résistent encore et toujours à l'envahisseur yankee. Dirigeant d'une main de fer son camp et les contrées aux alentours, le colonel brûle d'avoir une nouvelle maîtresse à ses côtés en la personne de Yari (Mapi Galán), fille aînée du chef indien Aigle noir (Charly Bravo). Pour se faire, ils demandent à ses hommes d'aller récupérer, de gré ou de force, l'objet de son désir en échange de quelques bouteilles de whisky, fusils et autres munitions. Las, devant le refus et l'obstination des autochtones, les soldats obéissent aux ordres reçus, et massacrent la tribu Comanche afin de leur rappeler, une toute dernière fois, qui est le maître des lieux. Désormais prisonnière, Yari est sur le point d'être conduite à son futur amant psychotique, quand celle-ci réussit à s'échapper et trouve refuge dans le ranch de Matt (Vassili Karis), un ancien soldat confédéré qui voue une haine envers les indiens depuis la mort de son épouse...


Co-écrit par Bruno Mattei d'après une histoire écrite par l'acteur Richard Harrison (dont le fils Sebastian jouait dans le précédent Bianco Apache), Scalps pourrait bien en déconcerter plus d'un pour de bonnes et de mauvaises raisons. Fortement inspirée par le film Soldier Blue (1970) avec Candice Bergen, Peter Strauss et Donald Pleasance (allant jusqu'à lui emprunter quelques scènes au passage), l'histoire se garde bien de suivre les aspects contestataires du western mis en scène par Ralph Nelson. Pur produit du cinéma d'exploitation, Scalps élude donc sans surprise la question amérindienne et le rôle néfaste tenu par le gouvernement étasunien. Non sans raison, le scénario de Mattei et consorts préfère opter pour une valeur sûre du cinéma bis, la présence d'un bad guy sadique, officier sudiste ce qui gâche rien, afin de justifier la violence du film.


D'une facture très classique, voire timorée, à la limite de la léthargie durant sa première partie (à l'exception du massacre susmentionné), l'ambiance générale du film s'éloigne de la supposée et promise profanation du genre. Plus étrange, peu d'indices indiquent en fait clairement durant la première heure la signature de nos deux hommes, dont la réputation n'est pourtant plus à faire. De ce qu'il convient à considérer comme un long prologue, Mattei et Fragasso ayant enclenché le frein à main, les trente dernières minutes de Scalps corrigent fort heureusement cette morne paralysie formelle. Sans atteindre, avouons-le, les extravagances post-modernes auquel le duo nous avait habitués par le passé (au hasard l'intermède du tutu vert dans Virus Cannibale), le film saura néanmoins satisfaire ceux qui auront eu la patience d'attendre. Sans doute un des westerns les plus gore jamais réalisés, Scalps, comme son nom l'indique, s'illustre en premier lieu par ses séquences sanglantes et sa poignée de cuirs chevelus fraîchement scalpés. Point d'orgue de cette collusion entre le cinéma d'horreur 80's et le western, les deux réalisateurs intègrent au spectacle une longue séquence de torture avec crochets dans la poitrine en prime. Pour amateurs de steak tartare.


Incarnés par Vassili Karis, connu pour ses rôles dans les films de science-fiction crapoteuse d’Alfonso Brescia (La bête dans l'espace), et par la séduisante Mapi Galán, les deux personnages principaux subissent également un traitement particulier. Inversion des rôles héritée de l'originel Soldier Blue, Yari porte la culotte face à l'impotence de son compagnon, allant jusqu'à le sauver des griffes du colonel Connor. Aidée de son arc et de quelques bâtons de dynamite, la jeune femme se transforme alors en « Rambette » et sème la panique parmi la troupe de Connor. Ultime.


Avec son lot de figurants grimés en indiens, les clichés qui vont de pair, et sa musique western jouée aux synthétiseurs signée Luigi Ceccarelli, Scalps saura enfin satisfaire les derniers déviants récalcitrants. Ajoutons le soin quasi publicitaire apporté aux scènes où apparait la belle Mapi Galán et la présence de l'actrice francienne Beni Cardoso (Femmes en cage, Crimes dans l'extase) dans le rôle de la femme du colonel Connor, et vous comprendrez que cette production italo-espagnole, à l'instar de L'autre Enfer, n'est pas le mauvais film sympathique attendu. Une curiosité bis avec ses défauts et ses fulgurances, dernier témoignage d'un cinéma de quartier qui connait ses derniers soubresauts.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/09/scalps-werner-knox-1987.html

Claire-Magenta
4
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le 19 déc. 2015

Critique lue 683 fois

Claire Magenta

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