A l'heure où le comic créé par Bryan Lee O'Malley arrive lentement mais sûrement en France, il est déjà un véritable phénomène aux Etats-Unis et surtout au Canada avec des évènements rassemblant plusieurs milliers de personnes. On était donc en droit de s'attendre à un véritable succès au box-office. Pourtant, classé 5ème la semaine de sa sortie, le film peine à remplir les caisses. Adapter Scott Pilgrim au cinéma n'était pas chose aisée. L'adapter en live avec de vrais acteurs, c'était même carrément casse-gueule.

Un réalisateur s'est alors mis à la tâche, rien de moins que le geek et déjanté Edgar Wright, responsable des excellents et cultissimes Hot Fuzz et Shaun of the Dead. Il était donc parfait, surtout lorsqu'on sait qu'il a été assisté par Le Créateur Bryan Lee O'Malley qui a d'ailleurs lui-même participé au casting. Et quel casting! Après l'annonce du nouveau chouchou d'Hollywood Michael Cera (que certains accusent, parfois à raison, de ne jouer toujours que le même personnage), j'ai revu quelques uns de ses films et une pensée commençait à pousser dans mon esprit : Michael Cera EST Scott Pilgrim. En fait, au fur et à mesure que le film avançait, je me suis demandé s'il y avait d'autres acteurs pour incarner les personnages. Mais la véritable découverte ici, c'est Ellen Wong incarnant Knives Chau, ex de Scott et considérant Ramona comme sa némésis. Elle excelle, dépasse le statut de personnage en arrière plan. Son charme opère, son talent aussi. C'est une actrice à suivre de près.
Quel bonheur de voir nos personnages prendre vie. Surtout quand on a un tel niveau de casting, ainsi les personnages les plus proches de ceux créé par O'Malley sont probablement Kim Pine (Alison Pill), Stephen Stills (Mark Webber) et Wallace Wells (Kieran Culkin, frère de). Ils font également partis des personnages les plus présents. Forcément. Mary Elizabeth Winstead, incarnant à la perfection Ramona Flowers, illumine la pellicule de toutes ses apparitions. Beaucoup plus péchue que dans la BD, elle contrebalance pourtant incroyablement bien avec un Scott Pilgrim un peu plus mollasson. Mais la complicité entre les acteurs est tellement énorme que ces petits défauts disparaissent assez vite.

Evidemment, résumer 6 volumes en 2h00 soulève la question de l'adaptation. Beaucoup considèreront des copiés/collés sans âme tel que Watchmen comme d'excellentes adaptation, d'autres penseront que certains films s'éloignant complètement du projet initial, prenant sa propre route, est une bonne adaptation. Ici, Wright a probablement réussi la meilleure adaptation de comics jamais faite. Forcément, le réalisateur a dû faire des coupes. Et le scénario ayant commencé avant la parution du tome 4, des modifications, on peut le dire, assez grandes, notamment sur la fin, on été effectuée. Ainsi pendant les 45 premières minutes, on voit les cases s'animer et on aimerait que ça dure... Le parti pris par le réalisateur est discutable, ne plaira pas forcément. Le scénario, souvent complexe et bien garni dans l'œuvre original est ici assez réduit. Exit donc les relations amoureuses de second plan et certains personnages.
Pas de Lisa Miller, ni de Joseph, certaines romances ou anciennes romances ne sont pas évoquées, on pense à celle de Kim et Scott, vaguement abordée par une phrase, ou celle de Todd et de la batteuse des Clash at Demonhead. Ceci entraine donc encore quelques modifications minimes (la dite batteuse fait office de décoration, pas de bras bionic hélas). Tout comme certains personnages seront vus à la va-vite, même parmi les evil-exs (les jumeaux, malgré un combat ultra classe). Mais ce n'est pas pour rien. On pourra reprocher le rythme parfois un peu lent du comics. L'action prime ici sur le reste, et c'est tant mieux!

La deuxième partie du film diffère donc, changeant même complètement le déroulement de la fin (allez, si vous avez lu les comics, sachez que la fin en elle-même reste pareil, pas d'inquiétude pour ça donc). Ces changements ne sont pas vains. Tout d'abord, pour certains qui auraient pu être déçu par le déroulement du 6ème tome, on assiste à une intrigue auquel on était largement en droit de s'attendre à la fin du tome 5. Ceci apporte donc une maturité beaucoup plus forte que ce qu'avait créé Bryan Lee O'Malley, pas seulement au niveau de l'histoire, où l'enjeu principal est plus fort puisque plus rapide (oui, toute l'action se déroule en plus ou moins un mois) et qu'il n'y a pas d'autres intrigues parallèles. Mais surtout, ce sont les personnages qui ont gagnés en maturité. Ainsi, on s'éloigne un peu des éternelles adolescents (non, je n'utiliserai pas le terme adulescent) du comic en se rapprochant plus du monde des adultes (mais pas trop quand même hein, faut pas déconner) et cela nous permet peut être de nous identifier plus aux personnages.

En faisant une pause dans sa Cornetto Ice Cream Trilogy (Shaun of the dead, Hot Fuzz, The World's end), l'excellent et génial Edgar Wright change de ton en s'occupant de ce film incroyablement geek. Délaissant la campagne anglaise, celui-ci n'en perd pas moins de sa superbe. On retrouve donc ses petites touches qu'on connait bien, ses plans rapides et rapprochés. Mais, il a effectué un réel travail visuel. Et surtout, il ose.
Si toutes les onomatopées présentes, et Dieu sait si elles sont nombreuses, que ce soit pour les coups de poing ou même la sonnerie du téléphone, n'étaient pas là, peut être que le public ne serait pas aussi visé. Car là, on est clairement devant un OVNI. Ni tout a fait un film, ni tout a fait un comics. Un mélange des deux. Quand on voit certaines parties dessinées par O'Malley lui-même (les flashbacks). Les armes apparaissent en pixels, les ennemis tombent en pièces, et tout paraît pourtant incroyablement réel. Oui, les effets spéciaux sont fabuleux.

On pourra faire cependant 2 reproches au film. Tout d'abord, de trop ciblé. Wright a mis un nombre incalculable de références aux jeux vidéo, allant de la musique de regénération de Zelda lorsque Scott est aux toilettes aux bruitages de Donkey Kong. Il y en a tellement qu'il faudrait plusieurs visions du film pour toutes les voir, et surtout, être un fin connaisseur du monde vidéoludique. Si vous n'avez pas entre 15 et 40 ans et si vous n'avez jamais joué à une console, il vous sera difficile de reconnaître un dixième de ce que je parle. Mais sachant que la promo vend bien le produit, on sait dès le début à quoi s'attendre. Et justement, il y a trop de choses en peu de temps. Enchaînant les scènes d'actions, le travail ne donne ni une impression de bâclé ni de fouillis, juste peut être d'un peu trop chargé. Certains d'entre vous décrocheront peut être, surtout, encore une fois, ceux qui ne connaissent pas trop le milieu.
Malgré ça, tout est complètement maîtrisé, la musique est exceptionnelle. Beck et Nigel Godrich ont effectué un travail de fou pour créer une identité musicale au film et surtout aux Sex Bob-omb, tout en y insérant (encore une fois) beaucoup de références audio. Ils se permettent même un peu de musique 8-bit et un petit trip vraiment inattendu tout droit sorti de Bollywood (mais je vous laisse la surprise).

Très ciblé, trop ciblé peut être, Scott Pilgrim VS the World est cependant un véritable voyage dans un monde à part. Le film ne marchera probablement pas, à raison peut être. Pourtant on doit le voir, parce qu'en plus d'être un divertissement fabuleux et intelligent, en plus d'avoir tout pour être un blockbuster, c'est aussi une magnifique histoire d'amour. Nous transposant du rire aux larmes, on en a clairement pour son argent. Notons qu'avec une sortie le 1er décembre, le DVD sortira en zone 1 dans un très joli combopack Blu-Ray/DVD avec des sous-titres VF. Alors si vous ne voulez pas attendre, achetez-le. Vraiment. Il en vaut la peine. Et quand il sortira, retournez-y.
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le 7 oct. 2010

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