On en prend plein les yeux mais pas plein la tête

Scott Pilgrim est persuadé que Ramona, qu'il vient de rencontrer, est la femme se sa vie. Mais il découvre que pour sortir avec elle, il devra vaincre ses "7 ex maléfiques".

L'histoire, complètement absurde, peut déranger les spectateurs partisans de la vraisemblance. Personnellement, tant que c'est assumé dès le début que oui, ce garçon a des démons pour acolytes ou oui, cette fille peut se téléporter, j'accepte l'univers du film et ses ressorts dramatiques étranges sans justification. Les gags se basant sur l'absurdité m'ont donc fait rire sans problème.

Les personnages souffrent d'un manque de profondeur. Scott Pilgrim est, selon son propre aveu durant le dernier tiers du film, un petit connard. Passif, lent, incapable de comprendre ou de se faire comprendre, il ne semble même pas s'intéresser à ses amis (qui de toute façon ne sont là que pour nous faire rire, avec plus ou moins de succès). De plus, Scott n'a pas de passé et rien pour s'ancrer dans le présent, je ne conçoit donc aucun intérêt pour lui et encore moins pour son handicap amoureux. Ramona est le personnage le plus riche, qui se révèle au fil du film et pour qui j'éprouve de l'empathie. Wallace est également attachant et amusant, sans être envahissant. Knives (petite amie de Scott, juste avant qu'il ne rencontre Ramona) évolue de manière intéressante et dépasse la caricature qu'elle subit jusqu'au dernier acte. Mention spéciale à la soeur de Scott, joué par une actrice volontaire que j'apprécie beaucoup. Tous les autres personnages gagneraient à avoir plus de coeur, en particulier les 7 ex, antagonistes importants mais dont chaque affrontement est bâclé et oublié tout aussi rapidement.

L'histoire a un problème de rythme. Ce défaut vient sûrement du fait que le film adapte les six volumes du comic (soit son intégralité) en deux heures. Je ne les ai pas lus mais développer les combats et le background aurait été plus aisé en deux films. Autant le film zappe trop rapidement les scènes aux enjeux majeurs, autant elle s'attarde trop à mon goût sur des séquences de la vie de Scott qui n'apportent rien, à part savoir qu'il est paumé (mais on l'avait compris, merci). Et ce problème de rythme ressort à l'image, car sur la forme, le rythme est effréné, souligne le dépassement du héros en nous perdant avec de nombreux raccords par analogie qui construisent un dialogue sur plusieurs heures et entre plusieurs personnages. Ce parti pris est intéressant et me plait, mais il met en évidence par ailleurs le fait que l'histoire, elle, ne nous tient pas en haleine.

Finalement, la visée du réalisateur est elle aussi mal gérée. S'adressant aux geeks à l'origine, elle les déçoit. En effet, la cible n'est pas les geeks d'origine (passionnés d'informatique), mais les nouveaux geeks (personnes qui connaissent Mario Bros, traînent sur Internet et jouent à Angry Birds), ce qui alourdit les références et l'hommage, pour être certain qu'ils comprennent. [Parenthèse sur le mot geek, je sais que les expressions 'ancien geek' et 'nouveau geek' n'existent pas, mais la définition du mot a évolué, on peut rien y faire, que vous soyez un geek pur et dur, une personne qui aime faire croire qu'elle est originale ou un spectateur amusé, donc j'essaie d'inventer des expressions pour qu'on s'y retrouve, en attendant de trouver de nouvelles désignations.] Et donc les références comic et jeux vidéo se retrouvent de partout, sans être toujours justifiables. L'aspect comic est sympathique et pas trop présent, il ne gène pas le visionnage (onomatopées, traits pour montrer les chocs ou le bruit). Mais les effets jeux vidéos sont trop présents sans être détournés ou surprenants. On les remarque avec le sourire (et une pointe de fierté de comprendre) puis on comprend qu'en fait on nous prend pour des billes et on se lasse des visuels et des bruitages envahissants.

La bande originale est décevante au regard des groupes aux esthétiques biens différentes qui jalonnent le récit.

D'ailleurs, c'est le problème du film : la forme est intéressante mais le fond terriblement plat.
Raindance
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le 9 août 2013

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Raindance

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