La face cachée d'un symbole : ''94% des femmes à Hollywood victimes d'agressions sexuelles''



  • Alors... Vous êtes fan de ''100% Cotton''.

  • Oui, à 110%.

  • C'est bien ça. Et... Dites-moi qui vous êtes.

  • Oh ! Vilain garçon. Que dirait votre petite amie ?

  • Pourquoi pensez-vous que j'en ai une ?

  • Je le sais. Je suis juste à côté de sa salle de bain.

  • Qui êtes-vous ?

  • Elle est sous la douche. Elle a une jolie petite... voix. Allons voir ça de plus près. Oh. Elle est très mignonne, Cotton. Une classe au dessus de Maureen Prescott. À propos, faisons un petit jeu. Bonne réponse, ta copine vit. Mauvaise réponse, elle meurt. Où est Sidney, la fille de Maureen ?

  • Vous êtes qui ?

  • Quelqu'un prêt à tuer pour savoir où est Sidney Prescott. Une seule chance, Cotton. T'as des relations. Où est-elle ?

  • Écoute-moi, espèce de dingo ! Ose t'en prendre à Christine et je jure que je te tue.

  • Mauvaise réponse.




Un message qui a eu bien du mal à passer



En 2017, le cas Weinstein a fait l'effet d'une bombe sur tout Hollywood, faisant surgir de nombreuses histoires d'abus et d'agressions sexuelles dans le milieu du cinéma. Depuis la parole se libère et les affaires et autres accusations s'enchaînent. Le 4 décembre 2017 et le 14 janvier, a été menée une enquête auprès de plus de 800 femmes (des actrices, des réalisatrices, des productrices, des écrivaines et autres, toutes issues des métiers entourant le cinéma), en partenariat avec le National Sexual Violence Ressource Centre. Le constat est tragique puisqu'il révèle que 94% des femmes à Hollywood disent avoir été victimes de harcèlement, d'allusions, ou d'agressions sexuelles. Sur les 94%, 69% des femmes à Hollywood racontent avoir fréquemment été victimes de gestes déplacés, et 21% d'entre elles ont déclaré avoir été forcées à avoir ou subir un acte sexuel, le reste du pourcentage rentrant dans un cadre encore plus dramatique. Pourquoi je parle de cela ici, simplement parce que le cinéaste Wes Craven livre avec Scream 3 une dénonciation appuyée des travers d'Hollywood autour des femmes, tirant la sonnette d'alarme bien avant l'heure, avec une non-réaction du public tout aussi déroutante que coupable. Les deux premiers Scream reposaient déjà sur une critique du système cinématographique, avec pour questionnement et constat : '' l'impact du cinéma auprès des plus jeunes. '' Pour ce troisième opus, le cinéaste maintient ce regard dénonciateur mais cette fois-ci dans une direction tout autre, en dévoilant les dérives autour d'un système qui fut tant émerveillé et fantasmé par le public alors que depuis toujours, est le théâtre d'actes mortifères et nocifs passés sous silences à de nombreuses reprises.


Pour ce faire, Wes Craven glisse de nombreux éléments à travers ses personnages comme avec :
- Parker Posey pour Jennifer Joli qui en apprenant l'arrestation de son réalisateur précise qu'elle ne couchera plus avec lui, sous-entendant par là que c'est comme ça qu'elle a eu le rôle de Gale Weathers.
- Carrie Fisher pour Bianca Brunette qui joue le sosie de Carrie Fisher. Bianca précise qu'elle a failli être là Princesse Leila mais qu'elle n'a pas eu le rôle car Carrie Fisher avait couché avec George Lucas, chose qu'elle avait refusé de faire pour avoir le rôle et qui l'a cantonné à une carrière derrière un bureau à classer des documents. À cela elle ajoute qu'elle se moque des désolations qu'on lui porte car finalement tous le monde s'en fout (Wes Craven avait même prévu ceci).
- Emily Mortimer pour Angelina Tyler qui incarne Sidney Prescott : Elle précise de colère avoir été obligée de coucher avec le vieux porc de producteur pour avoir le rôle, sachant qu'un comédien s'en prend à elle car elle a refusé de coucher avec lui.
- Le cas Maureen Prescott, qui finalement fut la victime d'un viol abject à 19 ans par un producteur lors d'une soirée où elle devait passer une audition. Personne ne l'a cru lorsqu'elle a cherché à révéler la vérité.
- Ajoutons à cela le métier de Sidney qui répond à des appels pour femme battue.
- Même Lance Henriksen qui joue le rôle d'un producteur dégueulasse propre à Weinstein glisse une phrase percutante : ''Hollywood est plein de criminels à la carrière florissante. Hollywood, ce n'est pas la ville de l'innocence. Si vous voulez vivre à Hollywood, vous devez suivre les règles ou partir.''
- Ou encore l'inspecteur Mark Kincaid par Patrick Dempsey qui ajoute que pour lui Hollywood rime avec mort. D'ailleurs Sidney lui pose une question faisant écho avec son désarroi :
" - Hé, inspecteur ? Quel est votre film d'horreur préféré.
- Ma vie. "


Avec tout ça, on ressent le besoin urgent du cinéaste à vouloir mettre en lumière le dévoiement et les dérives d'un système que l'on pensait à l'époque intouchable. Seulement, quel fut due être sa déception en voyant finalement la réaction d'un public amorphe devant la question, qui finalement vit tout cela d'un regard extérieur et pas du tout concerné, comme si fatalement, il était tout à fait normal de voir une femme vendre son corps pour pouvoir s'élever dans un tel empire. C'est regrettable car la prise de position du cinéaste fut plus que louable. Wes Craven voulait rendre des comptes !




  • C'est pas qu'un nouveau script, c'est un nouveau film.

  • Quoi ? Quel film ?

  • Mon film. Il s'appelle : " Sarah embrochée comme une grosse truie. '' Toujours dans le rôle, Sarah ?




Place au film ! ##



En 2000, (soit 3 ans après le deuxième opus), Wes Craven signe Scream 3 le troisième opus d'une saga majeure dans le renouvellement du slasher qui fut la gloire (déjà acquise auparavant avec Freddy) du cinéaste. Scream 3 est un film divertissant malheureusement marqué par une baisse de qualité par rapport aux opus précédents, basculant dans un soupçon de caricatures et de répétitions. Pour autant, la nuance et les messages dressés sont là permettant un rehaussement de l'ensemble. Le registre horrifique est une fois encore bien représenté avec de nombreuses références cinématographiques bienvenues, comme : Brad Pitt, Reservoir Dogs, Superman, Aliens... Wes Craven continue sur son ingénieuse lancée en livrant une nouvelle satire autour de la constitution des films à suites, qui furent intelligemment déjà explorées avec Scream 2 dans, lequel le cinéaste y fait une critique métaphorique étonnante en avouant qu'il ne sert à rien d'essayer de faire mieux que le support original car l'essence de l'œuvre en fait un sous-produit de par sa condition de suite, à quoi il ajoute qu'on peut néanmoins la sublimer en apportant une véritable originalité sur l'approfondissement de ce qui fut déjà fait. Avec Scream 3, le réalisateur perpétue ce cheminement créatif par le biais du regretter "Randy" (Jamie Kennedy), par lequel il expose son constat via son dialogue :


''" Si le tueur fait son come-back, je veux dire un vrai come-back, il y a plusieurs choses que vous devez vous rappeler. Si c'est une simple suite, les règles ne changent pas. Mais attention ! Si on vous balance une histoire du passé et que l'exposition dure, oubliez ce que vous savez. Vous n'avez pas affaire à une simple suite mais au chapitre final d'une trilogie. C'est assez rare dans les films d'horreur mais ça arrive. Et là, il vaut mieux s'y connaître. Dans une trilogie on revient au début pour découvrir un truc qui était faux au départ. ''Le Parrain'', ''Jedi'', montrent qu'une vérité peut-être mensonge. Si vous faites face à une trilogie, voici le mode d'emploi d'une trilogie.
- N° 1 : Le tueur est un Superman. Le buter, pas la peine. L'éventrer ça marche pas. À la fin, il faut cryogéniser sa tête, le décapiter, ou le faire exploser.
- N° 2 : Tout le monde, même l'héroïne peut mourir. Pigé Sid ? Désolé. C'est le chapitre final. Ça peut être comme ''Reservoir Dogs''.
- N° 3 : Le passé revient vous emmerder. Oubliez tout ce que vous savez, le passé revient toujours. Les fautes commises dans le passé vont refaire surface et vous détruire."''


Des paroles pleines de sens en adéquation avec le propos de Wes Craven qui clairement annonce la couleur. À défaut de faire aussi bien que l'original, la promesse d'un bouleversement certes codifié mais inattendu nous attend. Le chapitre final. Le troisième film d'une trilogie censé répondre à toutes les questions en bouleversant tout ce que l'on pensait déjà acquis, venant détourner toutes les règles. La fin du game, où le héros peut mourir.




  • Vous connaissez les trilogies ?

  • Au cinéma ?

  • Vous semblez aimer ça, inspecteur.

  • Ce que je sais dans les trilogies, c'est que dans le troisième y a plus rien de sûr.



Kevin Williamson n'est plus derrière le scénario et ça se ressent sur quelques éléments, malgré tout, en plus des messages multiples présentés habilement par Wes Craven la franchise continue à être consciente de son histoire via le tournage de la fiction Stab 3, qui retrace les personnages de la vie réelle (vie réelle dans le film). Cette fois-ci les personnages ne regardent plus Stab depuis un écran mais le vivent en direct depuis le lieu du tournage qui a reconstitué en studio Woodsboro (une belle manière de retourner dans la célèbre ville). L'idée est géniale car des personnages d'une fiction se retrouvent plongés dans le coeur de la fiction qui représente l'histoire vraie de chacun face à leur propre caricature fictive. La fiction devient le réel, le réel devient la fiction, et finalement la fiction disparaît pour ne laisser que le réel. Fallait le faire ! L'histoire est assez habile car elle regroupe les deux premiers films et met au grand jour tous les éléments importants pour les condenser dans un seul récit finalement logique et cohérent. La pièce maîtresse gardée dans l'ombre est révélée et l'histoire que nous pensions tous vrais autour du meurtre entourant la mère de Sidney Prescott : ''Maureen Prescott'' (Lynn McRee) et qui est à l'origine de tout, cache encore bien des mystères qui seront révélés. Ajoutons à cela des personnages qui sont assassinés dans l'ordre dans lequel ils sont censés mourrir dans la fiction Stab 3, sachant qu'il existe trois versions différentes du script et qu'on ignore quelle version le tueur suit, ce qui ajoute de la tension. Un théâtre des horreurs idéal pour Ghostface, annonciateur de meurtres à coups de couteau, de harcèlement téléphoniques, et surtout de cris !


Bien que certains moments semblent ringards et caricaturaux, Wes Craven parvient à rendre un troisième opus imprévisible plein de rebondissements par le biais d'un rythme effréné qui laisse place à de nombreux cadavres. Techniquement c'est du bon travail, la réalisation est propre via une direction de qualité qui laisse une mise en scène nerveuse s'installer dès la séquence d'ouverture. Les meurtres s'enchaînent, la qualité de ceux-ci difficilement s'affirme, pour un final à la hauteur qui vient boucler la boucle dans un de contexte dramatique. La composition musicale à suspense de Marco Beltrami est toujours aussi efficace et bien employée. On retrouve l'excellente chanson ''Red Right Hand'' accompagné d'autres titres durant quelques séquences offrant un plus bienvenue.


Tous les comédiens sont de retour et quel plaisir ! La merveilleuse Neve Campbell revient en tant que Sidney Prescott. Une approche de Sidney aussi intelligente que nuancée qui en toute logique après toutes les difficultés vie recluse en dehors de la société perdue dans les bois, s'étant érigé une forteresse pour se protéger de l'extérieur. Une vie de solitude à la mesure du trauma subi qu'elle partage avec son chien Cherokee. Le traumatisme est manifeste, étant victime de violents cauchemars qui l'a pousse à ne jamais sortir de son sanctuaire, au point de travailler à domicile en tant qu'agent téléphonique pour un service d'urgence pour femme, faisant comprendre que malgré le choc psychologique elle continue d'être une femme forte. Elle n'entrera en action que durant la seconde partie du récit et repassera en mode survivor, et ça lui va si bien. Durant le combat final, elle se livre à un véritable duel à grosses patates dans la tronche avec Ghostface qui ne l'épargne pas non plus. Neve Campbell est une fois encore excellente ! Mon personnage masculin préféré Cotton Weary par Liev Schreiber revient pour une courte durée qui fonctionne habilement. Courtney Cox Arquette (à cette époque) est de retour sous les traits de Gale Weathers la journaliste culottée, malgré un jeu approximatif on est ravie de la retrouver. Dwight Riley alias Dewy par David Arquette est toujours aussi pato et vaillant parvenant enfin à avoir une réelle utilité dans la saga. Il était temps pour lui. Puis arrive les nouveaux personnages et là c'est problématique. Des nouveaux arrivants insipides et par-dessus le marché mal joués à quelques exceptions près, ce qui est dommage car le coup de faire de ceux-ci des répliques des comédiens est absolument génial. Du lot, je ne retiens que Scott Foley pour Roman Bridger, ainsi qu'à moindre mesure Parker Posey pour Jennifer Joli la doublure de Gale. Je terminerai par un clin d'œil sympa du réalisateur qui apparaît une nouvelle fois cette fois-ci dans un groupe de touristes visitant le studio, accompagné par Silent Bob et son camarade Jay. Un autre grand maître des films d'horreur vient également nous dire bonjour en la personne de Roger Corman. Enfin, le Ghostface fait un retour fracassant en étant une version bien plus destructrice qu'à l'habitude avec cette fois-ci un fond dramatique bien plus poussé et difficile, très difficile, autant pour le ou la tueur(se) que pour Sidney.



CONCLUSION :



Avec Scream 3 Wes Craven fait preuve de quelques difficultés mais parvient malgré tout à rendre un troisième opus efficace qui aborde des thèmes cinématographiques ingénieux en adéquation avec les deux autres opus faisant de ce slasher une satire complète du genre. Ravi de retrouver le casting principal en particulier Sidney Prescott et le terrible Ghostface qui fait du sale. Bravo au cinéaste pour avoir livré une véritable critique du système hollywoodien autour du traitement scandaleux des femmes, qui malheureusement trouvera peu d'impact autour d'un public à l'époque amorphe devant ce genre de procédé.


Ce n'est pas parfait, mais Scream 3 reste suffisamment fourni en substance pour en faire une œuvre solide.




  • Oh, c'est dur d'être ami avec toi Sidney. Quand on est ami avec Sidney, on meurt. Pour eux, c'est pas forcé. Ça dépend de toi.

  • Comment je sais que leurs voix sont...

  • Réelles ? Et si tu entendais des voix ? Et si j'étais dans ton imagination ? Caché dans un coin de ta tête ? Et si j'étais bien réel ?

  • T'es mort !

  • C'est pas eux que je veux, c'est toi. C'est simple. Tu viens, ils vivent. Tu t'enfuis, ils meurent. Tu veux pas savoir, Sidney... qui l'a tuée ? Tu veux pas savoir qui a tué ta mère ?

  • Où ça ?

  • Elle aurait été tellement heureuse, Sidney de nous savoir enfin ensemble.


Créée

le 16 déc. 2021

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