A l'UNISSON DE VERDI

Les désordres de la passion amoureuse, interférant avec les convulsions de l’Histoire, dans une composition picturale superbement raffinée : tel est ce film, conçu comme un opéra.Il s'agit ici en effet avant tout un somptueux « melodramma », au sens noble qu’a ce terme en Italie : grand drame musical, mêlant passion privée et toile de fonds historique.Visconti, familier des mises en scène théâtrales, puise là son inspiration, de plus en plus éloigné du néo réalisme.En contrepoint de la vision marxiste d’une époque en crise, nous assistons à la déchéance d’une femme.Le titre même est ambigu : il désigne aussi bien les (amers) plaisirs des sens que le sens (profond) de l’Histoire.On pourra gloser sur le personnage de Franz Malher, éphèbe perverti, qui annonce le Tancrède du « Guépard », le nazi débauché des « Damnés », le Ludwig du « Crépuscule des Dieux », autres créatures célèbres de Visconti.A ses côtés, Alida Valli incarne- à la perfection- la femme esclave d’une passion qui la conduit à la folie.Sur la plan plastique, Senso est une magnifique réussite.On y retrouve des réminiscences de Delacroix, Manet et du Quattrocento.Un certain hiératisme de la mise en scène ne trouble en rien le plaisir que l’on ressent à pareils élégances.Sans doute le film le plus juste, le plus précis de son auteur.