Serpico est à la fois le meilleur rôle et un des meilleurs films de Al Pacino. Au delà du fait d'être un policier intègre qui refuse les pots de vin et dénonce cette pratique généralisée, c'est un homme cultivé,curieux et libre comme en témoigne les rencontres avec ses compagnes.J'aime aussi cette volonté de ne pas porter l'uniforme et cette vision trés moderne en pleine seventies d'incarner une autre idée de la police. Au niveau de l'allure et de son mode d'intervention, ce flic d'origine italienne est un peu le père spirituel de Starsky et Hutch malgré lui.
Au niveau de la mise en scène,Sidney Lumet en a choisi une trés changeante. Une façon de filmer son anti-héros en perpétuel mouvement, au propre comme au figuré. Un film qui épouse donc le style de vie anarchique,bordélique et bariolé de Serpico, dont la carrière policière s'apparente à un odyssée idéaliste semée d'embûches et d'épreuves.
La première partie du film se concentre sur la présentation du policier qui s'enchaîne trés vite, à la façon d'un fondu enchaîné sur la justification même du film de Lumet: la corruption à tous les échelons de la police new-yorkaise. Thême ô combien audacieux alors que les Etats-Unis étaient en pleine guerre du Vietnam et que Nixon avait déjà été mêlé à ce sacré trafic d'influences via le Watergate. Quoiqu'il en soit,Serpico a réussi le tour de force de coller à l' époque politique troublée en Amérique via un individu trés flower power et dissident.
Curieusement et heureusement, Sidney Lumet choisit aussi de ne pas se cantonner à un film réquisitoire qui aurait pu tomber dans un "film-tribunal" dont sont friands les Américains.Il n'en est rien car la revendication, le ras le bol de Serpico se passe sur son lieu de travail ( de l'identification judiciaire aux stups). La difficulté pour le flic sera de se faire écouter d'une hiérarchie qui sait cette corruption mais refuse de mettre le débat sur la place publique pour éviter un tsunami socio-professionnel. Avec Serpico, le spectateur vit ce casse-tête institutionnel, la solitude de cet homme stigmatisé puisqu'il est honnête et passe par toutes les émotions, de l'espoir jusqu'à la résignation.
Aujourd'hui, combien de Serpico dans le monde professionnel, combien de personnes face au burn-out dans un système qui les presse? Ce que décrivait Lumet qui paraissait être un cas isolé à l'aube du premier krach pétrolier est devenu une généralité générationnelle depuis les années 2000. Voilà pourquoi Serpico a été précurseur dans l'exposition du malaise et que comme beaucoup de films américains des années 70 ( Taxi-driver,Macadam cowboy entre autres), il a participé à l'essor d'un cinéma réaliste, sans concessions et engagé. A voir donc et à apprécier avec plusieurs niveaux de lecture et de contextes.
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le 9 mars 2015

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