« Seul sur Mars » : le titre français de The Martian ne laisse pas planer de doute sur la prétendue dimension survivaliste du long-métrage. Notre traduction locale se paye même une connexion sémantique avec un des plus grands représentants du genre, le Seul au monde de Robert Zemeckis (volontairement ou non). Mais cette fois, on parle d’un concept encore plus fort et ambitieux : le protagoniste n’est pas isolé dans une quelconque montagne, île ou forêt. On parle d’un exil à plusieurs millions de kilomètres de toute forme de civilisation, dans un environnement hostile à toute forme de vie. Difficile de faire plus radical.


Malheureusement, la note d’intention se heurte assez vite à l’exécution de Ridley Scott. Pour faire simple, Seul sur Mars est un film d’isolement, non pas de solitude. Son traitement de la survie est fun et décomplexé : les périodes d’anxiété ne doivent pas durer, l’action doit être constante, il faut que le spectateur soit diverti par des traits d’humour réguliers. Les enjeux dramatiques sont calqués sur une recette de scénario hollywoodien assez basique dont les retournements sont visibles à des kilomètres. Quand un personnage prononce la phrase « En espérant que tout se passe bien », on sait pertinemment que la scène suivante va présenter un obstacle supplémentaire (et qui sera très vite surmonté).


Seul sur Mars se veut feel good. Aucune scène ne bousculera nos attentes, ne fera naître d’angoisses. Certaines séquences créent de manière efficace leur tension, mais c’est sans aucune sorte d’appréhension quant au sort du protagoniste. Mais peut-on lui reprocher cela ? Les intentions du film ne sont tout simplement pas celles que j’attendais de lui, cela n’en fait pas une œuvre de mauvais calibre. Il faut s’en accommoder. Le film a plus des airs de road trip scientifique que d’un véritable duel entre l’homme et son environnement.


Parce lorsqu’il faut transformer Matt Damon en MacGyver de l’espace, capable de fertiliser des patates à partir de ses excréments, Seul sur Mars se montre jouissif. Oui, c’est rigolo de le voir manipuler la science comme un super pouvoir, et ça donne à ce film un caractère presque vidéoludique. En fait, quand on y pense, il ressemble un peu à ces jeux de survie qui pullulent depuis le début des années 2010, à base de mécaniques de craft et d’entretien de base. Et c’est fun. Même les passages les plus prévisibles savent être généreux et on reste pris dedans : on ne voit pas passer les 2h20.


Mais on ne peut que regretter le potentiel raté du projet. La comparaison n’est pas toujours le meilleur des exercices, mais quand le survival spatial Gravity d’Alfonso Cuarón paraît l’année précédente, difficile de ne pas imaginer ce qu’aurait pu être Seul sur Mars avec un angle différent. Dommage, pour un film qui vaut néanmoins le coup d’œil, pour ses beaux paysages martiens et Matt Damon qui se transforme en YouTubeur botanique de l’espace.

oRealSan
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le 10 juil. 2023

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