Shall We Dance?
6.8
Shall We Dance?

Film de Masayuki Suo (1996)

Peut-être connaissez-vous le film américain Shall We Dance ? (2004) de Peter Chelsom avec Richard Gere, Jennifer Lopez et Susan Sarandon ? Peut-être même l’avez-vous aimé ? Eh bien sachez que c’est un remake du film japonais du même nom sorti en 1996 et réalisé par Masayuki Suo, énorme succès au Japon puisqu’il est le 2ème film le plus rentable de l’année après Godzilla vs Destoroyah. Un succès jusqu’à l’international puisqu’il rapporte à travers le monde plus de 43M$US (dont presque 10 pour les États-Unis) malgré une version raccourcie d’une 15aine de minutes. Lors de la cérémonie des « Oscars » Japonais, Shall We Dance ? a gagné pas moins de 14 prix dont celui du meilleur film, du meilleur acteur, de la meilleure actrice, ou encore de la meilleure musique. Un gros morceau du cinéma japonais donc qui arrive enfin chez nous, dans sa version complète, par l’intermédiaire de Spectrum Films qui a décidé de mettre en lumière ce réalisateur méconnu par chez nous. Un film très lumineux qu’on regarde avec un sourire aux lèvres tout du long. Je ne peux pas piffrer la danse, et pourtant j’ai adoré.


J’ai adoré car au fond, ce n’est pas un film sur la danse. C’est un film sur les gens et tout ce qui gravite autour au Japon à cette époque. Le train de vie harassant des japonais, les clichés à leur sujet, les codes sociaux dans lesquels ils sont parfois enfermés, … La danse n’est qu’un prétexte et Shall We Dance n’est pas entièrement consacré à cet art, mais plutôt aux subtilités du comportement humain et aux sentiments qui en découlent. Il s’agit ici de personnages qui apprennent à se connaitre, à reconnaitre ce qu’ils cherchent dans la vie et d’avoir le courage de le faire. La danse est ici une nouvelle façon de s’exprimer, de communiquer avec les autres et de se montrer sous son vrai jour. La passion que notre héros timide découvre n’est pas celle d’une femme ou d’un simple désir, mais celle de vivre pleinement sa vie. Il a honte de faire de la danse et craint le ridicule, allant jusqu’à cacher ça à ses collègues et même sa femme qu’il suit des cours de danse, mais il commence enfin à vivre sa vie pleinement, à enfin regarder autour de lui. Car la vie ne se résume pas à se tuer à la tâche, à juste aller travailler pour payer l’hypothèque de la nouvelle maison. Il faut parfois se laisser aller, même si pas toujours pour les bonnes raisons au départ (ici une jolie jeune fille qu’il voyait au loin et qu’il avait envie de rencontrer) et, que ce soit la danse ici, ou tout autre loisir / envie, enfin commencer à réellement vivre. Dans un Japon aux conventions sociales très particulières, avec un rythme de vie fou que s’imposent certains, Shall We Dance ? a dû être une sacrée bouffée d’air frais lors de sa sortie et il y a fort à parier que les cours de danse ont du faire le plein après la sortie du film. Point d’intrigues complexes dans le film, point de romance facile comme le font souvent les américains, pas d’action palpitante pour essayer de donner du rythme, juste le plaisir de la danse et surtout son utilisation comme outil d’expression de la personne qui sommeille en chacun d’entre nous.


Il n’est pas question ici de l’habituelle histoire à laquelle nous sommes habitués de l’outsider qui va sortir vainqueur de la compétition dans laquelle il s‘est engagé, mais plutôt une histoire de hauts, de bas, de hauts de nouveau, de révélations, de rédemption. La fin n’est d’ailleurs pas un conte de fées, mais elle laisse au spectateur un sentiment de bien-être. Shall We Dance est un film léger, mais on croit à la sincérité de son histoire. On y croit essentiellement grâce à la galerie de personnages loufoques, parfois improbables, qui vont provoquer tantôt des fous rires (Naoto Takenaka est absolument génial), tantôt de l’émotion. Des personnages qui ont plus ou moins de profondeur, mais surtout des personnages travaillés qui doivent faire face à des réalités douloureuses en les transcendant grâce au monde de la danse. Ils brisent les moules traditionnels et les stéréotypes de la société japonaise, ils risquent tout pour être heureux et découvrent que ce bonheur n’est pas si loin. On apprend à les connaitre et à les aimer au fur et à mesure que le film avance, et on sent une bienveillance du réalisateur envers eux. Ils sont pris au sérieux, tels qu’ils sont, et aucun n’est diminué à cause de ses imperfections. S’ils fonctionnent, c’est aussi parce que le casting est absolument génial, du premier rôle au moindre second rôle, et qu’ils leur donnent vie avec une simplicité qui fait plaisir à voir. Ils nous semblent réels, et ce malgré les bouffonnades et les exagérations de certains d’entre eux. Il est d’ailleurs à noter que, à part Tamiyo Kasukari, les acteurs ne sont pas des danseurs professionnels, et que les imperfections ou les hésitations dans les moments de danse ne les rendent que plus « vivants », un peu comme s’ils apprenaient réellement à danser au fur et à mesure que le film se déroule sous nos yeux. Ce qui pourrait sembler être un défaut pour certains devient une force pour le film. Lorsque le film se termine, on se rend compte que, bien que le film soit très japonais sans son propos, dans son humour, dans les thématiques qu’il aborde, son histoire est transposable dans n’importe quelle culture, dans n’importe quel pays. Son sujet est universel, intemporel, et Masayuki Suo réussit son pari très très haut la main.


Shall We Dance ? est un film chaleureux, ce genre de bobine qui te prend par la main, t’amène avec elle pour te raconter une histoire simple mais ô combien touchante, à la fois émouvante et amusante. Un grand film, assurément.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-shall-we-dance-de-masayuki-suo-1996/

cherycok
9
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le 3 oct. 2023

Critique lue 38 fois

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