Terrible épreuve que de critiquer ce film, je ne suis pas encore sûr que les idées de défauts que j'ai actuellement soient l'explication à ma dépréciation du film. Peut-être est-ce simplement une question de sensibilité. J'ai pour idée qu'il soit possible d'objectiver (partiellement) le cinéma, je vais donc tenter d'expliciter pourquoi je pense que ce film est mauvais. Pour être tout à fait honnête, il y a un certain plaisir à critiquer Kubrick, ne pas se ranger du côté de la majorité. Et pourtant j'apprécie "Les Sentiers de la gloire" et relativement "Orange mécanique", je ne déteste donc pas fondamentalement Kubrick.

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Mais commençons par ce que j'ai pu aimer dans ce film :

- L'architecture impossible de l'hôtel (le labyrinthe qui apparait et disparait, les grandes salles trop grandes, les fenêtres impossibles), ça peut instaurer une forme de malaise, quelque chose ne va pas là où les personnages évoluent.

- Le personnage de Wendy : C'est le seul jeu d'acteur qui passe bien, sa tête candide initialement, sa pureté font que quand elle finit terrorisée et dépassée, c'est réellement impactant. Son visage lors de la scène de la hache est le seul moment qui me donne un réel frisson, j'arrive à être empathique d'elle, de sa peur de son mari, sa peur pour elle-même et pour son fils. D'autant qu'elle est active, ce n'est pas une cruche qui ne fait que subit. Sans qu'elle soit héroïque pour autant, c'est le seul personnage qui me paraisse réel.

- La scène de la hache : Le seul moment où je sens réellement la menace, si jack rentre, Wendy ne pourra rien faire, elle est réellement en danger. A ce moment, le jeu de Jack ne me dérange plus, il est réellement complétement fou donc son surjeu est plus compréhensible, il cesse d'être ridicule (j'y reviendrai). Ici la musique embrasse bien l'action : les violons qui doublent les coups de hache, le rythme des coups qui s'interrompt en conjugaison de la musique pour nous faire espérer que les coups s'arrêtent avec que jack de détruise vraiment la porte.

- Quelques trouvailles éparses qui fonctionnent bien : la première rencontre de Danny et les jumelles. A ce moment, rien n'est expliqué ni annoncé. Le surnaturel fait réellement immixtion dans une situation banale (Danny joue aux fléchettes). On voit sa réaction avant ce qui la cause, il y a un petit instant suspendu de "oh ?"

- La scène où Wendy se rend compte que jack écrit la même phrase en boucle, ça dure un peu longtemps, elle tourne plein de page pour voir toujours la même chose, elle ne réalise pas, ne veut pas réaliser. J'aime l'apparition de Jack à se moment, il est de dos, dans le noir, je l'ai sentis un peu menaçant, menace senti car je ne vois pas son visage à ce moment là.

- Les scènes en tricycle de Danny, on le voit pas où il va, il n'y a que le bruit des roues, on s'invente la menace au début, car là on ne voit presque rien (jusqu'à voir les jumelles).

- Les jeux de miroirs qui participent à perdre le spectateur, même si c'est vraiment léger.

- L'annonce que la voiture à chenille ne fonctionne plus, on a vu jack détruire la radio mais pas la voiture. Donc pour le spectateur, il y a toujours cette option malgré la perte de la radio. L'espoir du spectateur est brisé en même temps que celui de Wendy.

- Une certaines audace ? Je n'ai vu que très peu de film d'horreur donc je ne suis pas sûr de ce point là mais dans l'idée, pour créer de la tension, la peur de l'inconnu, on limite ce que le spectateur voit (comme dans la scène du tricycle). Ici, rien n'est sombre ou véritablement caché (à part ptet quand Dick meurt). Apparemment Kubrick est connu pour faire des films de genre, des films très codifiés donc, en particulier l'horreur. Alors on peut lui reconnaître le mérite de pas avoir utilisé tous les poncifs du genre (merci de nous épargné les jumpscare notamment).

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- Un dernier point qui m'intrigue que je ne qualifierai pas de qualité mais qu'on ne peut enlever à Shining, peut-être même à Kubrick de manière générale, c'est de créer des images qui tapent, qui marquent. C'est surtout le cas dans Orange mécanique mais il y en a ici aussi : le sang dans l'ascenseur, le visage de Jack à de nombreuses reprises, les jumelles (moi ça ne fait rien depuis que j'ai vu "Faux-semblants" mais passons). Cette tendance qu'a Kubrick de vouloir impressionner m'apparait surtout comme une limite comme j'essaierai de l'expliciter ensuite mais on peut reconnaître à Kubrick ce talent de plasticien. Finalement ça ne reste que des images, pas des plans, ni des séquences qui me restent en tête. Même dans la scène de la hache, ce que je retiens c'est plus le visage de Wendy que la tension de la scène en elle-même.

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Maintenant, passons à tout ce que je n'aime pas. Je vais me risquer à être relativement exhaustif, au risque d'être lourd. J'écris avant tout pour moi. Je vois 2 problèmes majeurs dans ce film, un qui me parait presque objectif et l'autre où je suis encore un peu dubitatif.

Le premier est que tout dans ce film est annoncé, expliqué, de sorte que je ne puisse pas être surpris par ce qu'il se passe. De fait, comment avoir peur ? Evidemment quand on regarde un film supposément horrifique, on s'attend à avoir peur mais ce n'est pas de ça dont je parle. Le film livre son intrigue tout le temps. Il ne livre pas ses clés de compréhension, ça c'est autres chose. Cet aspect ne m'intéresse absolument pas qui plus est, décortiquer le film, essayer d'y voir un sens, tout ça ne changera pas l'expérience subjective que j'ai eu.

Quand je dis que tout est annoncé je fais référence à la discussion avec l'embaucheur au début qui annonce les problèmes d'isolement, l'assassinat des enfants. Dick explique à Danny très tôt ce qu'est le Shining (les visions du passé/futur), jack qui fait un rêve où il dit avoir tué Wendy et Danny. Donc quand tout ça arrive, ça n'a rien de surprenant, ça ne me met pas mal à l'aise, je n'ai pas peur.

D'autant que tout est étrange dès le début. Jack parait dérangé dès le début, même le générique veut mettre mal à l'aise. Il n'y a pas d'immixtion du surnaturel dans un quotidien auquel on pourrait s'attacher. Il n'y a aucune situation où on a une famille normale. Donc quand ça devient vraiment le bordel, ça à moins d'impact, on baigne dedans depuis le début. Par exemple, quand Jack se comporte comme une pute avec Wendy, à part les réactions de cette dernière, je n'ai rien pour rattacher, ça ne me touche pas. Tout ça est très essentialiste (comme Orange mécanique), déconnecté de toute réalité. Ajouté aux autres problèmes du film, ça devient un défaut. Il n'y a pas d'ordinaire dans lequel prend place l'horreur, juste de l'horreur (et Wendy un peu, comme j'ai dis avant).

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On m'a cité comme qualité du film l'analyse des personnages, la psychanalyse (psychanalyse comme principe abstrait, où est l'inconscient ici ?). ça me semble juste faux, à aucun moment on étudie la psyché de jack ou de qui que se soit. Jamais on étudie comment la folie s'installe, jack est tout de suite dérangé en maniaque, on aborde à peine les relations de couple (encore une fois car il n'y a pas de quotidien), ni la relation de jack à l'alcool. ça n'intéresse pas Kubrick tout ça, ce qu'il veut c'est impressionner le spectateur. Je ne vois pas trop comment contrer cette idée car pour elle moi elle n'a juste aucune place, la charge de la preuve revient à ceux qui prétendent qu'elle existe. De plus, d'après certains avis que j'ai pu lire (appuyé sur le livre de ce que j'ai compris), se serait l'hôtel lui-même qui possèderait Jack, se ne serait donc même pas lui qui sombrerait dans la folie. Même en admettant que ceci était le propos du livre (idem pour l'alcool) et que Kubrick s'en éloigne, de quoi parle-t-il en plus ? Vraiment je ne vois pas.

Pourtant il y quelques moment où on aurait pu croire à la représentation du quotidien (la scène de la voiture au début, le petit dej servis par wendy) mais la première ne s'attarde pas sur l'aspect familial, il est juste question des cannibales et dans la seconde, Jack est déjà étrange donc échec à nouveau. A cela on m'a retorqué qu'au début, lors de la visite, jack et wendy semblent complice, qu'il n'a rien de bizarre. Seulement c'est factuellement faux, jack regarde certaines touristes de l'hotel en train de partir d'une manière sans équivoque, il lit un livre érotique dans le hall de l'hôtel. Par la suite il prétend que Wendy le dérange dans son travail alors qu'il joue à la balle au lieu de travailler comme il l'a dit à Wendy lors du déjeuner. Ce couple ne va pas bien. Sinon pourquoi jack aurait embrasser la femme nue de la chambre ? Peut-être déjà possédé ou je ne sais quoi, mais dans ce cas ce n'est déjà plus jack, donc plus un humain. L'argument de la bonne relation Jack/wendy ne tient plus dans tous les cas.

Pour en finir avec ça, j'évoquerai une réplique de jack "i'm home", typiquement la réplique cliché d'un homme rentrant chez lui. Cette réplique est très ironique étant donné qu'il rentre dans sa chambre d'hôtel, qui n'est précisément pas sa maison, ce n'est pas un lieu familial. Le fait que le danger vient du cercle familial le plus proche aurait pu être une brillante idée. Cette réplique aurait été d'autant plus percutante et frissonnante. ça aurait été l'occasion de développer la psychologie des personnes pour ceux que ça intéresse tant...

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Désormais, attaquons nous au jeu des acteurs, celui de Jack en fait. Porté aux nues par tout un tas de gens, c'est le point le plus incompréhensible pour moi, qu'on ne soit pas d'accord sur les points précédents, je peux le concevoir, qu'on passe outre aussi. Mais trouver ce jeu fantastique, c'est une énigme. Tout d'abord, je le traite à part ce point pour des raisons de clarté mais il est évident que le jeu délivré ici s'inscrit dans la démarche impressionniste de Kubirck, vu son poids et sa maniaquerie, s'il n'avait pas voulu que jack fasse ça, il ne l'aurait pas fais. Même si je vais parler de jack, c'est bien Kubrick qui est en cause. Je le trouve juste ridicule tout le temps en fait. Vraiment, j'ai ris plusieurs fois (3 exactement) en le voyant, c'est tellement forcé tout le temps (dans la première partie du film, avant que ça devienne le bordel), je ne vois que ce surjeu, ça ne m'apparait en rien comme crédible, c'est presque caricatural. Et comme j'ai dis, c'est tout le temps comme ça, c'est écris sur sa gueule que rien ne va, ça diminue encore l'impact du moment où ça le devient vraiment. A partir du moment où il a la hache ça va (cf plus haut)

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Ainsi j'en ai finis avec les gros reproches, voici en vrac d'autres problèmes que je vois:

- La musique omniprésente qui teinte toutes les putains de scène de cette pseudo ambiance dès le début, elle est super forte en plus, vraiment c'est trop. Même quand ya rien elle est là, encore une fois, ça diminue la porté des vrais moments.

- Les quelques facilités scénaristique permises par le Shining: Dick qui revient pour se faire tuer histoire qu'on ai quand même un meurtre, jack qui s'échappe du garde manger.

- Les quelques moment avec Dick en dehors de l'hôtel, je vois pas pourquoi on en sort, ça brise le peu d'ambiance qu'il y a. ça ne fait qu'appuyer qu'ils sont seuls mais on le sait déjà, on le vis déjà quand jack annonce que la voiture est foutue.

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Pour finir, au rayon des incompréhensions, j'aimerai évoquer quelque chose de récurrent dans les critiques que j'ai pu lire : Beaucoup mettent en avant les profondeurs thématiques du film, déjà sur la fameuse "analyse" des personnages mais aussi sur ce qu'il dirait sur les états-unis, les multiples théories comme quoi on ne verrait en fait que le roman que le vrai jack écrit, la question de la schizophrénie etc. Le mot est peut-être un peu inexacte et exagéré mais celui qui me vient est "puéril". Mettre autant d'emphase sur l'aspect technique du film, son attention au détail dans la construction des décors, des plans est vain. Bien sûr que ça à une importance mais si le film ne produit pas l'effet voulu, c'est inutile. Alors certes, les gens qui font ça aiment le film en revanche je ne suis pas sûr que le fait que la page du livre soit cornée une fois dans un sens puis dans l'autre participe à leur appréciation. Ce que je critique c'est la démesure, on est de l'ordre de l'anecdotique. Malheuresement, les anecdotes nous font plus facilement aimer un film, on se sent plus proche de lui mais finalement en s'éloigne de son essence (eh eh pas mal non ?).

Ensuite, croire que Kubrick aurait tant que ça de choses intéressante (dans ce film en tout cas) à nous dire me semble être symptomatique d'une forme de pauvreté de réflexion (à l'instar d'Orange mécanique) ou d'une facilité à être impressionné. Toutes ces théories a posteriori déportent l'intérêt de ce film qui est de faire peur/créer du malaise. Je trouve ça vraiment usant de rarement parler du film. A la limite je veux bien reconnaitre que l'aspect "chacun peut y voir ce qui veut" peut être une qualité dans le sens où ça parle à beaucoup de gens de façon intime ou les places dans des grandes considérations qui les dépassent (si j'en crois ce que je lis). Seulement, tout ça est trop symbolique et abstrait pour moi, je préfère quand du particulier on tend vers l'universalité. Ainsi, comme Proust, j'essaierai de me battre contre l'obscurité...

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PS : je ne suis toujours pas sûr d'être au point quant à mon avis sur le film. J'ai notamment peur d'avoir voulu trop chercher de défaut pour justifier que je n'aime pas afin d'expliquer pourquoi je m'extasie pas comme tout le monde devant ce film. Les critiques sont les bienvenues.

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le 25 oct. 2023

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