Dernier film de la diabolique association de malfaiteurs connue sous le pseudonyme Vincent Dawn, Shocking dark a.k.a Contaminator, a.k.a Alienators, a.k.a Terminator 2 (?!), a.k.a Spectres à Venise, acta la fin de la fructueuse collaboration (Virus Cannibale et Les rats de Manhattan en tête) entre le metteur en scène Bruno Mattei et le scénariste Claudio Fragasso, après leurs récents Nato per combattere (1989) et Tre pesci, una gatta nel letto che scotta (1990). Chant du cygne d'un savoir-faire Bis crapoteux qui connut ses derniers soubresauts jusqu'au début des années 90, cette production italo-philippine réalisée fin 1988 - début 1989 se distingue toutefois à plus d'un titre. Premier indice, et mise en bouche avant de développer plus loin notre propos, illustré par l'affiche ci-contre, le film fut exploité et présenté au départ, dans la plupart des pays (à l'exception notable des États-Unis), comme la séquelle des aventures de Sarah Connor. De cette méthode de margoulin évoquant les plus belles heures du cinéma d'exploitation transalpin, notre duo précité ne se contenta néanmoins pas d'une simple désorientation nominative propre à tromper l'imprudent spectateur. Hérauts portnawak de la transgression des lois du copyright, Mattei et Fragasso puisèrent directement dans le scénario du second volet d'une autre franchise (d'où croyez-vous que vient le titre Alienators ?), mais n'allons pas trop vite...


"Venise, avant l'an 2000. Des places, des musées et des églises. Des touristes s'attroupent dans les rues. Venise est menacée par la marée. Les algues tuent l'oxygène dans l'eau, et l'eau putride ronge les fondations de la citée. Voici Venise aujourd'hui, qu'arrivera t-il demain ?" annonce, en guise d'introduction et son lot d'images usées, une voix off au ton solennel. Plus tard, dans un centre de commande, trois marines (à Venise ?!) en habits futuristes molletonnés aperçoivent sur un écran trois hommes qui leur font signe par caméra interposée :"Au secours. Vite, ils arrivent!!". Voilà, c'était tout pour « l'originalité » de Shocking dark. Soit quatre minutes montre en main. Record battu.


Le scénario de Claudio Fragassone ne s'embarrasse pas de détails. Plutôt que de perdre son temps et son énergie à adapter d'anciennes histoires et recettes qui ont fait leurs preuves, l'italien va à l'essentiel : il copie crânement le scénario d'Aliens de James Cameron durant les deux premiers tiers du métrage, avant de s'inspirer frontalement, durant la dernière partie, de celui de Terminator. Le résultat aurait pu paraitre terne, sans saveur, en somme une pâle imitation. Il n'en est rien. Mieux, Shocking Dark redéfinit la notion de plagiat. Plus proche de la parodie involontaire que de la contrefaçon, il est difficile de ne pas saluer paradoxalement l'aplomb du scénariste (?!) qui plagie sans vergogne, en plus des personnages calqués sur l'original, ni plus ni moins des scènes entières avec dialogues originels en sus ("maman me disait que les monstres n'existent pas, mais ce n'est pas vrai"). Rien ne nous sera épargné. Et pour contre-balancer l'inanité de la mise en scène, le spectateur pourra au gré du film compter les emprunts équivoques : Sara Drumbull, Samantha Raphelson, fille du professeur, et la soldate Koster en ersatz d'Ellen Ripley, Newt et Vasquez, les détecteurs de mouvement, le soldat piégé dans des sécrétions résineuses demandant à être tué, l'autodestruction de la base et la disparition de Samantha / Newt dans une trappe, etc.


Financé avec un budget des plus restreints, Shocking dark fait la part belle à un minimalisme qui séduira, n'en doutons pas, les amateurs d'expérience filmique. Point de dépenses inutiles ou de ruineux décors. Tourné intégralement dans une usine / centrale vide aux longs couloirs interminables, faisant office de Venise du futur (?!), le film pousse le concept d'œuvre SF fauchée dans ses derniers retranchements. Enfin cerise sur le panettone, avec son mélange paradoxal d'incompétence molle et d'audace portnawak, la mise en scène de Mattei gomme, ou dilue d'une certaine manière, les aspects les plus frauduleux du scénario de Fragasso.


Entouré de nombreux habitués rencontrés sur l'innommable Zombi 3, le réalisateur transalpin peut s'appuyer sur la participation du producteur Franco Gaudenzi (Robowar), le chef opérateur Richard Grassetti (Strike Commando, Robowar), le spécialiste des maquillages Franco Di Girolamo (2072, les mercenaires du futur et L'éventreur de New York de Lucio Fulci), ou les acteurs Fausto Lombardi et Geretta Geretta (alias Chocolat) croisés sur Les rats de Manhattan. Quant aux effets spéciaux pour les créatures et le vil cyborg, ceux-ci sont signés par les frères Francesco et Gaetano Paolocci (Les Barbarians de Ruggero Deodato), bref le petit monde du Bis italien s'est donné rendez-vous pour un dernier baroud d'honneur.


Avec ses acteurs en roue libre, Shocking Dark, en plus des raisons évoquées plus haut, a de nombreux atouts pour figurer parmi les nanars les plus notables de la paire Mattei / Fragasso. Seul regret, et non des moindres, alors que nos deux italiens nous avaient habitués à faire dans le mélange des genres ou à jouer la carte de l'outrance, tel leur sympathique western Scalps, leur dernier long manque d'extravagances. Pire, le gore y est absent. Un comble.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2016/01/shocking-dark-vincent-dawn-1990.html

Claire-Magenta
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le 24 oct. 2018

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