Ô Sainte-Marie mère de Dieu, je te supplie d'aider ce païen à tirer juste



  • Vous êtes un homme bon. Toute ma vie je prierai la Vierge Marie pour qu'elle vous protège.

  • Juste ciel, une bonne sœur.

  • Je prierai aussi pour que le seigneur vous accorde tout ce que vous pourrez désirer.

  • Mais qu'est-ce que vous venez foutre par ici ?



Qu’il s’agisse d’une alchimie exceptionnelle entre deux acteurs ou d’un auditoire fédérateur à l’écran, certains duos ont marqué l’histoire du cinéma pour leurs associations mythiques. Impossible de parler du western Sierra Torride sans commencer par mentionner le tandem de choc incarné par Clint Eastwood et Shirley MacLaine. Une paire indissociable qui n’existerait pas l’un sans l’autre. Une rencontre improbable entre le mercenaire Hogan, et la nonne Sara, qui manque d'être violée par trois bandits jusqu'à l'intervention du cowboy qui va conduire à une alliance inaccoutumée. En tant que Hogan, Clint incarne avec charisme, ironie et énergie une version moins concise des personnages fétiches de l'Homme sans nom, Blondin ou encore Monco. Une fine gâchette motivée par l'appât du gain avec son look sévère servant à masquer son grand cœur. Il est associé à la comédienne Shirley MacClain qui en tant que sœur Sara, offre un personnage emblématique. Une chrétienne non conventionnelle qui avec son tempérament de feu va être à l'origine de situation cocasse. Une femme d'église recherchée par l'occupation française au Mexique pour avoir aidé les rebelles. Elle va trouver en Hogan un protecteur qui deviendra son compagnon de route, seulement la miss cache plus d'une corde à son arc. Deux personnalités différentes qui donnent un couple détonant ! Une formule gagnante qui va amener des clivages hilarants à travers des punchlines truculentes qui fusent à tout-va, comme :


« - Mais ma sœur, qu'est-ce que vous faites ?
- Une prière, au pied de ce calvaire.
- Vous avez dit vos prières hier soir et ce matin. C'est du gaspillage.
- C'est un péché de passer devant une croix sans prier.
- Vous n'avez qu'à passer en fermant les yeux.
- S'il vous plaît, monsieur Hogan.
- C'est un tout petit calvaire, faite une toute petite prière. »


Ou bien :


« - On a pas le droit de les laisser là, sans leur donner une sépulture chrétienne.
- Après tout ce qu'il vous ont fait vous voulez les enterrer chrétiennement ?
- Mais bien sûr, oui.
- Vous êtes pas tombée sur la tête.
- Vous avez une pelle ?
- Ma sœur, levez les yeux et regardez là-haut. Est-ce que ce sont aussi des créatures du bon Dieu ?
- Mais oui, pourquoi cette question ?
- Alors pourquoi est-ce que vous voulez les priver de viande fraîche, c'est malheureux vautours ?
- Avez-vous une pelle ?
- Oui sur mon cheval de bat de l'autre côté.
- Voulez-vous aller la chercher, s'il vous plaît. Pour la paix de mon âme, sinon de la vôtre.
- Ma sœur je veux bien tuer pour votre compte mais risquer d'attraper des courbatures ça c'est une autre affaire.
- Vous êtes aussi têtu que ma mule.
- Pire. »


Des joutes verbales acerbes ! Shirley Maclaine a une excellente chimie avec Clint Eastwood. Un duo survolté qui s’en donne à coeur joie en réussissant par la force de leurs rapports à braquer toutes les lumières sur eux. Un tandem qui dans la division se complète pour offrir également des bons moments de complicité. Une belle relation : « je t'aime moi non plus », à travers une attitude de copains qui se chamaillent, se moquent, se cherchent, jusqu'à se faire les yeux doux. Un binôme légendaire pour une aventure pétillante qui déborde d'énergie !



En cas de nécessité, la règle prévoit des accommodements.



 
Avec Sierra Torride, le cinéaste Don Siegel offre un western savoureux, récréatif et attrayant, auquel vient se greffer une réalisation impeccable. Une cinématographie soignée sur une intéressante photographie de Gabriel Figueroa, qui présente des vues saisissantes à travers un environnement hostile idéalisé par les décors secs de José Rodríguez Granada. Instantanément la composition d'Ennio Morricone pose le ton en offrant une sensation de grandeur décalée à un long-métrage qui vient pourtant à peine de démarrer. Une excellente musique qui sera réutilisée des années après par Quentin Tarantino, ou encore Guy Ritchie. Un far west articulé autour d'une histoire divertissante écrite par Albert Maltz d’après un scénario de Budd Boetticher qui situe son expédition durant le règne de l'empereur Maximilian au Mexique. Une intrigue principale qui ne fait que s'améliorer avec quelques chouettes moments d'action, qui dès les premières secondes plongent le spectateur dans le concret du récit à travers un rythme soutenu. Un déferlement de péripéties axées avant tout autour des situations improbables vécues par la nonne et le cow-boy, au détriment de grandes chevauchées vers le soleil couchant, ou des duels épiques aux pistolets. On se régale de quelques situations délicates comme lors de la révélation de la véritable identité de Sara auprès de Hogan, qui tire une tronche à mourir de rire lorsqu'il la voit se faire peloter les fesses par une autre femme. S'ajoute le sabotage de la voie ferrée, où Sara va devoir escalader le pont pour y déposer une charge explosive qu'Hogan devra faire exploser en tirant dessus. Une escalade que la sœur doit accomplir seule, Hogan étant handicapé après avoir reçu une flèche indienne à l'épaule. Ayant le vertige, la séquence prend une tournure amusante avec l'ami Clint qui pour supporter la douleur a tellement bu qu'il est saoul au point de ne plus pouvoir tirer correctement sur la charge explosive alors que le train est à quelques secondes d'arriver.


« - Je dessoûle très vite. Vous n'avez qu'à me faire boire une bonne tasse de café.
- Je vais vous en faire moi du café ! Mais tu vas dessoûler ! Dessoûle espèce de bâtard, où je t'étripe ! Dites-moi quand il faudra respirer. Ô Sainte-Marie mère de Dieu, je te supplie d'aider ce païen à tirer juste. »


Des rebondissements traduits par l'hilarité de ce couple complémentaire, qui à tour de rôle vont se sauver la vie via des actions conjuguant le drôle au périple sans pour autant tomber dans la comédie pure, ni perdre l'atmosphère lourde de sens articulée autour de la guerre. Quelques aspects rugueux viennent contrebalancer le tout sous un parfait jeu de juxtaposition de ton. En découle une longue séquence douloureuse durant laquelle Shirley Maclaine tente de soigner Clint Eastwood en lui retirant une flèche, ainsi que la grande bataille de fin dans les fortifications de la ville de Chihuahua. Une fusillade finale haletante et impressionnante illustrée au cours d'une guerre entre les révolutionnaires et une garnison française. Un combat incisif auquel le cinéaste transmet tout son talent d'exposition lors d'un affrontement massif où ça canarde dans tous les sens. Clint Eastwood laisse enfin rugir son pacificateur : le Colt Single Action Army et la dynamite, sous un déluge de violences et d'explosions qui vient achever avec maestria ce western décidément peu commun avec son couple de choc qui crève l'écran. 



CONCLUSION :



Sierra Torride réalisé par Don Siegel est un western très divertissant puisant sa force dans l'osmose parfaite des comédiens Clint Eastwood et Shirley MacLaine qui offrent l'un des couples les plus emblématiques et saugrenus du cinéma. Une alchimie incroyable faisant le sel de cette œuvre à part, à laquelle se joignent de nombreux rebondissements savoureux, une réalisation soignée, ainsi qu'une composition musicale mouvementée signée Ennio Morricone.


Un combo redoutable !




  • J'ai fait un marché. Je suis chargé de m'emparer et de détruire la caserne. Si j'y parviens, j'aurais droit à la moitié des primes.

  • Vous ne le faites pas par sympathie pour leur cause ?

  • Ni pour leur cause, ni pour aucune autre cause. Je viens de me battre 2 ans aux États-Unis. Et à présent, il n'y a plus que l'argent qui m'intéresse.

  • S'il n'y a que l'argent qui vous intéresse pourquoi vous y êtes vous battu ?

  • Tout le monde peut se tromper au moins une fois.


B_Jérémy
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 100 de mes meilleurs films tous genres confondus., « WESTERN ! » : classement du meilleur au pire des films du genre et Le viol dans les westerns

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le 17 juin 2022

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