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Parmi tout les films du cinéaste Martin Scorsese, auteur de nombreux films aussi populaire que culte tel que Les Affranchis, Shutter Island, Taxi Driver ou encore le récent Le Loup de Wall Street, ce sont ceux qui traitent directement et intégralement de la religion qui ont le plus divisés et qui ont souvent fait du bruit. Mais le cas de Silence est à part par rapport à Kundun et La dernière Tentation du Christ.


Tout d’abord parce que c’est un projet qui a prit plus de 30 ans à être réalisé et à voir le jour, Martin Scorsese ayant eu plusieurs démêlés pour porter le roman de Shusaku Endo à l’écran. Entre problèmes légaux et financiers, le projet reporté plusieurs fois, le cinéaste lui-même ne sachant pas après avoir lu le roman comment le transposer à l'écran, il aura fallu attendre pour que cette adaptation voit le jour.


Mais pourtant, lorsque le sicilien s’y est penché à travers ses films et ses thématiques, notamment le questionnement sur la notion de bien et de mal à travers la religion, cela donne toujours des œuvres intéressantes dans leur traitement, leur image mais aussi dans l’esthétisme. Exemple le plus évident à mon avis : si beaucoup ont crié au scandale face à La Dernière Tentation du Christ ou Kundun, ces films avaient le mérite d’avoir la vision d’un auteur aussi imparfait qu’ils soient et même si aujourd’hui ils divisent bon nombre de personnes. Ce qui sera très probablement le cas de Silence, surtout en raison du contexte qu’il dépeint et des partis-pris de son réalisateur dans cette quête de deux jésuites portugais recherchant leur mentor dans un Japon extrêmement austère et fermé à toute autre forme de religion que le bouddhisme.


Sauf que même comme tel, j’ais énormément de réserves sur Silence, mais pas forcément pour ses partis-pris religieux. Et pourtant la première heure démarre de très belle façon : Martin Scorsese montrant qu’il assume pleinement son style austère à travers l’usage rarissime de la musique (ici confié à Kathryn et Kim Allen Kluges) et le ton donné à travers son ambiance. Car esthétiquement, le film est magnifique à regarder et le réalisateur remplit superbement son travail d’esthète : la photo est aussi belle que déprimante, les cadres ainsi que les plans sont d’une beauté renversante en particulier sur les côtes du Japon aux abords des villages de Tomogi et l’île de Gôto. La profondeur de champ, l’absence de musique et la présence forte du brouillard à travers cet environnement aussi accueillant et glacial qu’un morceau d’iceberg attaché à notre dos.


Le fond aussi connaît un début de traitement convaincant, le rythme optant pour la lenteur habituelle des long-métrages du cinéaste afin de prendre son temps pour reconstituer l’époque tourmenté connu par le pays du soleil levant face aux missionnaires européens voulant répandre le christianisme (ici deux jésuites portugais) sur ces terres. De plus, Adam Driver et Andrew Garfield font preuve d’énormément d’implication dans leur performance (la narration en voix-off de Garfield ne m'a pas posé problème), et l’atmosphère du film ainsi que leur quête pour retrouver leur mentor et répandre la parole du Christ dans les villages japonais sont des parties intéressantes qui permettent de découvrir un Japon en plein obscurantisme religieux.


Même la scène du sort réservé aux Kirishitan du village Tomogi (chrétien en langue japonaise) ne tombe pas dans la lourdeur, elle en devient pénible et difficile lorsqu’on la voit mais l’implication qu’on a eu en les voyant montrer leur fidélité à la chrétienté nous font avoir de la peine pour eux.


Si on excepte quelques jumps cut un peu aléatoire placé dans une même scène, le ton était très bien lancé pendant cette première heure et le film aurait gagné à rester sous la barre des 2 heures.


Parce que c’est, ironiquement, le premier gros défaut de ce dernier Scorsese alors qu’en principe c’est un point qu’il a toujours bien géré : l’étirement de son histoire qui débute dés la seconde partie du film. Et cette longueur a deux origines qui sont les deux grosses tares de ce Silence et gâche l’immersion à travers la quête de Rodrigues.


La première est le personnage de Kichijiro, un pêcheur japonais qui a renié sa foi par lâcheté et qui a demandé la confession et le pardon par remord auprès du père Rodrigues… une première fois.


Parce que ce procédé, Scorsese et Jay Cocks la réutilisent 3 autres fois après la première heure, 3 fois : Kichijiro montre qu’il a des remords, se confessent, mais n’hésitent pas à renier sa fois en piétinant le portrait de Jésus ou en crachant sur sa croix. Comment peut-on croire un seul instant à la sincérité ou à des réels regrets de ce Kirishitan dés lors qu’on exploite la même formule pendant le deuxième et troisième tiers ? Autant le laisser de côté après la première heure.


La seconde, c’est justement la lutte de foi de Sebastião Rodrigues dés la deuxième moitié. Cela dit à la base, ça n’est pas une mauvaise idée : confronter la foi d’un missionnaire européen face aux persécutions religieuses non pas infligés à lui mais aux japonais devenus fidèles à la chrétienté pour mettre la croyance de Rodrigues à l’épreuve et justifier le titre même du film : le silence de dieu face aux horreurs subis par les violences au nom de la religion.


Mais encore une fois, Silence tombe dans le piège de la répétitivité et ne sait pas comment mettre en image cette lutte qu’en exploitant le même schéma d’écriture :


l’inquisiteur et les japonais anti christianismes confrontent Rodrigues aux remontrances subit par les japonais adeptes de cette religion, l’un ou plusieurs d’entre eux est tué de manière effroyable et Rodrigues cèdent sous le coup de l’émotion.


On a parfois des moments qui fonctionnent (


la mort de Garupe ne m’a pas laissée indifférent


), mais toujours des étirements à chaque fois que le film exploite ce même schéma. La réalisation et l’imagerie reste très soignées et certains dialogues aussi marchent, mais c’est gênant de voir Scorsese patiner pour varier son histoire, sans parler de Liam Neeson qui ne revient que pour 10 minutes sur ces 2h40 après 2 minutes d’apparition en début de film. Un bon Liam Neeson certes mais qui reste très absent en dehors de ces 12 minutes.


Le film tombe même dans le piège de donner une voix à dieu lorsque Rodrigues est sur le point de piétiner l’image du Christ pour sauver des japonais ayant apostasié, alors que le principe même du film est que dieu n'est présent que dans l'esprit des personnages. Avec le ralenti en prime, ça n’aide pas et la scène n’en est que plus grossière et devient trop appuyée.


Quand aux dix dernières minutes, là encore, le film s’étire inutilement et aurait pu se contenter de 3 minutes pour son épilogue. Alors que pourtant certaines qualités de la première heures restent, mais ça ne suffit pas à étoffer cette quête de spiritualité, dommage.


Malgré toutes les maladresses et étirement qu’on peut reprocher à cette deuxième moitié, je persiste à croire que ça reste un Scorsese intéressant et loin d’être dénué d’intérêt. Le projet lui était très personnel et assumer le ton de Silence jusqu’au bout ainsi que son point de vue religieux vis à vis, c’est tout à fait louable. Mais on peine à retrouver la maîtrise de la longueur habituelle des films de Scorsese tant on sent qu’il veut rester fidèle au matériau de base et qu’il peine à diversifier le traitement de son personnage central dans cette deuxième moitié. Je ne peux que conseiller l’expérience, car même si elle divisera beaucoup de monde, elle vaut le détour, en attendant (et en espérant) que Martin Scorsese se rattrapera avec The Irishman qui devrait signer le retour de Robert De Niro et Joe Pesci devant sa caméra.

Créée

le 9 févr. 2017

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