Ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace

Après le naufrage en plein désert de Quantum of Solace, je me revoyais bien renouer avec la tradition de ne regarder les James Bond que sur mon écran de télévision, et puis Sam Mendes a été choisi.

Pour redresser la barre Craig et les producteurs ont donc misé sur un metteur en scène venu du théâtre accoutumé à Shakespeare, donc apte à se mettre au service d'une oeuvre existante tout en apportant sa patte personnelle, ils l'ont confié à un réalisateur qui s'était déjà chargé d un mythe vacillant, celui du mâle américain ( voir American Beauty...)

Ceci dit soyons clair net et précis, Skyfall n'est pas un film de Bond de plus, il est un film SUR Bond, comme il existe des films de guerre ( genre le jour le plus long ou il faut sauver le soldat Ryan) et des films SUR la guerre ( Les Sentiers de la Gloire ou Voyage au bout de l' Enfer ).
Mendes et Craig nous livrent leur point de vue sur le mythe dans la lignée de Casino Royale.

Pour commencer on a droit à la chute du mythe. Bond est en survie au sens littéral et métaphorique du terme. Il n'est pas loin d'être ringardisé dans un monde où l' on aurait plus besoin de 00 mais d'ordinateurs pour traquer les méchants. il est aussi ringardisé par Jason Bourne et Batman qui s'y sont mis à deux pour le faire chuter à terre ce bon James. La métafiction de la première partie m' a plu sans m' emballer car elle est trop transparente, trop démonstrative, trop signifiante... De la même manière qu'il est déconseillé de donner une boite d 'allumette à un enfant, il est dangereux de confier une boite à cliché à Sam Mendès. Il les accumule comme des perles pensant que la dose de subversion qu'il y insuffle suffira... ( Nolan un autre british a le même genre de prétention, de là à penser que c'est une tare britannique contemporaine...)

Et puis il y a Macao, l' enfeu du jeu et une esthétique fabuleuse, et puis il y a l' apparition du méchant, et là j'adore mon Sam Mendès, sa mise en scène et sa direction d'acteur. Le duel Craig -Bardem est brillant et jouissif, promettant une seconde partie étourdissante.

Auparavant je voudrais dire un mot de Judi Dench dans le rôle de M.
Jusqu'ici sous-employée malgré ses références de grande comédienne shakespearienne, elle donne la pleine mesure de son talent dans la partition que lui ont offert les scénaristes et le réalisateur. Par son jeu elle ajoute une dignité et une stature de reine et de mère à la chef du MI5.

Venons en à présent à la seconde partie, cher lecteur, fini les voyages, les belles pépées, les beaux paysages, place à Londres et à l' Ecosse. le Roi est nu et le roi est James Bond. Cette plongée dans l'abyme de Bond, son passé, ce qu'il est réellement quand il n' est pas cette redoutable machine à tuer au service de sa Majesté, tout cela m' a emporté et levé mes premières réticences.
S'il fallait en passer par la chute de Bond pour un retour salvateur et jouissif au fondamentaux, à l' ancienne, hé bien il fallait en passer par là, pour être subjuguer par le final et la révélation de Skyfall.
Mendès a toujours été très fort pour le final ( voir American Beauty et les Sentiers de la Perdition ) et celui là est tout simplement magnifique, il m' a laissé baba.
Oubliée la lourdeur psychanalytique autour du méchant, le ratage complet ( selon moi ) du nouveau Q et quelques autres détails comme ce chef de commission qui coupe la parole à la ministre comme si c'était lui le boss...
Réussie la place redonnée à Bond dans un monde où plus que jamais l'ombre plane, comme pendant de la lumière..
La parabole des deux rats réunit avec bonheur ces deux parties et marque l' ensemble de son empreinte, d'une cruauté salvatrice dirons-nous.

Alors que je m' apprête à refermer le chapitre Skyfall de la saga, et parce que je sais qu'il reviendra, un regret néanmoins doublé d' une réflexion.
La Décontraction de Bond. Celle de Connery, de Brosnan et même de ce bon Roger Moore, elle me manque.
Ce mélange de classe et d ' humour tout britannique à ne pas confondre avec la coolitude américaine, il me manque.
Et je sais que je ne dois faire porter tout le chapeau à Craig ou Mendès. Car je sais que le 11 septembre est passé par là et que ce maudit 11 septembre a envahi cinéma et séries, pour nous infliger entre autres tous ces héros super héros, Jack Bauer, Batman, Bourne, et donc ce Bond-reboot, terriblement sérieux, écrasés par leur devoir, portant leurs lourdes caparaces comme des fardeaux, tous ces hoplites du XXIème siècle, on voudrait qu'ils laissent place de nouveau à ces souples cavaliers, ces bretteurs plein de classe qui faisaient la joie de notre enfance.

Deuil de Bond ou Deuil d'une époque à jamais révolue, allez un peu de décontraction que diable, ou alors "ils " ont vaincu.....
PhyleasFogg
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le 30 oct. 2012

Modifiée

le 31 oct. 2012

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PhyleasFogg

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