Pour l’amateur de cinéma asiatique, Jeff Lau est un réalisateur dont le nom évoquera sans doute des bobines à l’humour nonsensique et une collaboration fructueuse avec Stephen Chow. Pour le grand public, le nom de Jeff Lau ne dira sans doute strictement rien. Rares sont ses réalisations arrivées jusqu’à chez nous si ce n’est les 2 Chinese Odyssey ou Saviour of the Soul à l’époque HK Video et peut-être un ou deux autres sans faire aucun bruit. Pourtant, certains ont déjà vu sans le savoir un extrait d’un de ses derniers films, Soccer Killer, puisqu’une vidéo virale d’un extrait du dit film a tourné plusieurs semaines durant sur les réseaux sociaux. Mais si, vous savez, cette scène de football en costumes d’époque, avec un ballon en fer avec des piques que se disputaient un groupe d’artistes martiaux et une équipe de super héros Marvel version lowcost, le tout à la sauce Shaolin Soccer ? Voilà, vous y êtes. Alors voilà la question qui tue : Est-ce que le film dans son ensemble est aussi fun que cette fameuse scène l’est ? Et bien pas du tout. Clairement, le cinéma de Jeff Lau a connu de biens meilleurs jours.


Je tiens à préciser que le visionnage se sera fait en VO pure, sans aucun sous-titre. J’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé. Pas eu le choix, et la curiosité l’a emporté. Autant préciser qu’il aura donc été compliqué de juger tous les gags de dialogue et autres références qui auraient pu s’y glisser. Mais je ne pense pas que des sous-titres auraient changé mon avis final sur le film. Soccer Killer n’est pas très bon, qu’on comprenne ce que les acteurs baragouinent en grimaçant ou pas. On se pose certaines questions car ce genre de comédies nonsensiques pouvait provoquer des éclats de rires soudains il y a quelques années. Suis-je moins sensible à cet humour ? Il y a peu de chances, des bobines récentes telles que la trilogie From Vegas to Macau arrivent à me faire monter des larmes de rire et un Sacré Robin des Bois me fait toujours autant marrer. Est-ce seulement le signe d’un réalisateur fatigué ? Qui n’arrive pas à se renouveler ? Qui se repose sur ses acquis en forçant juste de plus en plus le trait parce qu’il est nécessaire d’aller toujours plus dans la crétinerie, dans la grimace, dans le débile ? Voilà qui est déjà plus plausible.
Parce que Soccer Killer, c’est un peu ça, des acteurs qui cabotinent jusqu’à l’écœurement, en grimaçant le plus qu’ils peuvent jusque dans les combats (pas trop mal chorégraphiés). Trop c’est trop et Soccer Killer se range immédiatement dans la comédie cantonaise lourdingue au possible. Pas mal de gags, souvent très visuels (le tatouage en forme de logo de Apple, les onomatopées qui s’affichent à l’écran), mais au final peu qui font mouche. C’est ballot pour une comédie…


Il faut attendre le final, la fameuse scène, pour retrouver un peu cette fibre Jeff Lau, avec son casting de têtes connues : Charlene Choi, Gillian Chung, Fung Hak-On, Yuen Cheung-Yan, Lam Tze-Chung ou encore Corey Yuen, également chorégraphe du film, dans un cameo. Le problème, c’est que, comme on l’a déjà vu tourner sur la toile, l’effet de surprise n’est plus et l’impact n’est donc plus le même. Le fun est toujours là, avec ces Thor, Hulk, Spiderman, Wolverine, Captain America et autres Daredevil faits de bric et de broc, mais… mais on l’a déjà vue sur le net… La revoir nous fait sauter aux yeux ses nombreux défauts, à savoir des effets spéciaux pas toujours très réussis et une mise en scène pas géniale, contrairement au reste du film qui lui est plutôt soigné en termes de visuel et de photographie (même si parfois un peu trop coloré), ou encore juste le fait que cette scène n’est au final qu’un seul et unique gag et que, aussi fun qu’elle soit, elle n’arrivera pas à remonter le niveau général plutôt bas du film.
Mais lorsqu’on y réfléchit, est-ce que cette scène est un simple gag ou est-ce que Jeff Lau a voulu faire passer quelque chose de plus profond à travers elle ? Est-ce qu’il n’y aurait pas là derrière un message sur l’état du cinéma local depuis quelques années ? Celui des blockbusters Marvel qui envahissent les salles à grand coup de matraquage médiatique, représentés ici par leurs versions lowcost, ne laissant que peu de place aux productions locales en costumes qui du coup se ramassent souvent, représentées elles par les fameux cadors des huit sectes d’arts martiaux évoquées dans le scénario ? Et le Roi Singe qui vient leur porter secours alors qu’ils sont à terre ne serait-il pas une référence à la trilogie The Monkey King de Soi Cheang et ses très beaux scores au box-office local (en plus du fait que Jeff Lau a réalisé plusieurs films centrés sur ce personnage) ? Enfin, ce passage où un grand dragon asiatique attaque et détruit la tête de démon ne serait-il pas une allégorie de tout cela ? Peut-être que je pousse là les choses un peu trop loin et que jamais ô grand jamais Jeff Lau n’a essayé de faire passer un tel message… Quoi qu’il en soit, message ou pas message, Soccer Killer n’est pas réellement ce qu’on pourrait appeler un bon film.


Jeff Lau en très petite forme avec Soccer Killer, une comédie nonsensique matinée d’action, qui en fait des tonnes et des tonnes au point d’en être extrêmement lourdingue. Revoyez plutôt Chinese Odyssey 1 et 2…

cherycok
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le 26 juil. 2018

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