Les Nouvelles Aventures de Hans Yolo – A Star Wars Story.

Pour ce que j'en comprends il existe deux grandes catégories de fans de Star Wars. La première, visiblement intellectuelle, se pose des questions sur la nature sous-jacente des phénomènes de l'univers et apprécie donc les élucubrations pseudo-philosophiques des fameux mages en sortie de bains que sont les adeptes de la Force. Leurs « pouvoirs » sont « mentaux ». C'est pour cela qu'on les voit souvent ouvrir les portes automatiques de leur supermarché favori d'un petit geste de la main. Parfois, quand ils sont seuls, ils font semblant de se battre au sabrolaser avec leurs brosses à dents électriques. Ou leurs v***********s. C'est selon. Les membres du second groupe, juste un brin plus terre-à-terre, préfèrent les pschiouuu-pschiouuu des blasters aux découpes élégantes des lames luminiques. Leur but n'est pas de comprendre mais bien de constater les beautés insondables de l'univers. Ils rêvent d'explorer l'immensité du firmament dans un vaisseau magique capable de les amener de manière presque instantanée d'un coin à l'autre de la galaxie. Ou de prendre leurs repas lyophilisés face aux reflets de l'infini tout en jouant d'un air distrait à cet indescriptible jeu d'échecs holographique qui leur sert de table d'appoint. Parfois, quand les nuits sont froides, ils aimeraient avoir un gigantesque nounours à leurs côtés pour pouvoir se blottir dans son épaisse fourrure tandis que celui-ci émet des petits bruits gutturaux mais cependant rassurants. Vous l'avez compris  : ce sont les fans de Han Solo. Ce n'est pas sale.


La logique dicte donc que Disney déploie une attaque couvrant les divers marchés principaux de la série tout en tentant d'en créer un troisième. Je ne sais pas si vous l'aviez remarqué – c'était très subtil, hein, il n'est pas impossible que tout ceci vous ait échappé – mais New Star Wars suit maintenant la formule traditionnelle des Aventures Disney pour Filles où une Princesse triomphe de l'adversité par la pureté de ses sentiments. Elles sont généralement dotées d'un pouvoir magique et suivent une sorte prophétie qui les amènent à gagner sans jamais avoir à ne serait-ce que mettre le pied dans le domaine de l'ambiguïté morale. Or, c'est un paradoxe, le public de jeunes filles auxquelles la Maison de Mickey Mouse destine ces produits n'est pas plus intéressé que ça par les produits dérivés qui en sont tirés. Leur génération n'est juste pas très jouets. Ce concept leur semble un brin désuet. Il va donc falloir agir. Faut vendre des unités. Surtout depuis que le marché des hommes en robe de chambre s'est effondré suite au traitement réservé à leur chef Lord Skywalker. (Une figure fictive qui leur sert sans aucune ironie de père, de grand-père, de représentation idéalisée de leur propre personne ou même de pape. Vous savez, car il aime traire des aliens.) Par chance, dans l'ombre, les fans d'Han Solo – je vous ai déjà dit que ce n'était pas sale – attendent leur tour. Pour leur faire plaisir il suffit de suivre une formule très simple : réaliser un film d'action-adventure où un protagoniste cynique et désabusé prêt à tout pour survivre se trace un chemin potentiellement meurtrier à travers les secteurs les plus sombres de cette galaxie lointaine que l'on voit maintenant tous les six mois au cinéma. Un projet qui pourrait aisément servir de ballon d'essai à un film ayant l'audace de ne pas être tous-publics. L'idée principale est d'établir précisément à quel point Solo était un enfoiré durant sa jeunesse afin de souligner à quel point il est remarquable que l'optimisme d'un beau garçon coiffeur californien aux cheveux dorés ait pu faire fondre ses aspects les plus laids. Cela renforce simultanément le personnage de Luke qui en a soudain bien besoin tout en soulignant les différences entre ces deux pivots principaux de la Trilogie Originale. Tout ceci n'est pas très dur. La preuve, je suis capable de l'expliquer en une phrase : c'est un arc de rédemption. Après ça, ma foi, il suffit d'assembler le puzzle en suivant les instructions. Si nécessaire... faudra regarder quelques westerns. Je sais. Ils sont généralement soporifiques. Mais c'est grosso-modo l'histoire d'un desperado de l'espace doté d'un bon fond dont il est question. Faudra donc subir quelques films de John Ford. C'est comme ça. On n'a rien sans rien. Prévoyez du whisky. Vous en aurez besoin.


J'aimerais vous dire qu'après une série de soirées marathon placées sous le signe du six-coups Lawrence Kasdan a écrit un scénario parfait où un orphelin Dickensien paumé sur une hostile planète bidonville survit de rapines en petits larcins pour enfin trouver les étoiles en quête d'un salut qui l'amènera à effacer l'ardoise d'une vie passée dans les tréfonds sordides d'un monde minable... mais il semblerait que l'homme ait tout oublié de Han Solo depuis l'époque où il retapa les deux films les plus efficaces de la Première Trilogie. Ce n'est malheureusement pas le cas. À la place vous subirez l'étrange histoire d'un jeune homme idéaliste élevé par on ne sait trop qui dans les portions les plus dangereuses de la planète industrielle de Corellia. Son rêve ? Devenir pilote et s'échapper de cette contrée triste comme le Luxembourg en emportant avec lui une demoiselle surjouée par une Emilia Clarke étrangement propre face aux décors bourrés de détritus où les deux personnages évoluent. Son plan, soyons généreux, consiste à voler une goutte de cet hypercarburant dont les vaisseaux ont maintenant besoin pour voler depuis quelques films. Il semblerait qu'une quantité infinitésimale de cette substance suffise à assurer le passage de deux orphelins d'une trentaine d'année dépourvus de papiers à travers ce que j'assume être un spatioport placé par l'Empire sous le type de restrictions qu'une planète en guerre subit d'habitude dans ce genre de récits. Nous sommes, après tout, pris dans l'un de ces éternels conflits stellaires dont la série semble avoir le secret depuis des millénaires. Sans surprise l'affaire capote quand Han est séparé de la Reine des Dragons par une complication scénaristique marquant la fin du premier acte.


Par la suite, pour faire court, il se voit offrir un nom de famille par l'agent de recrutement qu'il supplie de le laisser rejoindre le conflit sans nom qui embrase le firmament. (Avant ça ses amis l'appelaient Han Toutcourt ce qui n'est toujours pas sale.) Il espérait finit pilote d'élite – comme l'était Anakin à ses heures – mais finit simple troufion dans les confins d'un conflit censé illustrer les horreurs de la guerre dans un film pour enfants. C'est très convaincant. Tout le monde est couvert de boue. Des cascadeurs tombent au sol en esquissant ces petites pirouettes sinusoïdales qui font la fierté de la profession tandis qu'explosent au loin des charges pyrotechniques. Certains sont visiblement des cosplayeurs sapés en Stormtroopers. Ils doivent être très contents d'être là. Vous voyez même de temps à autres de grandes gerbes de sable fin monter très très haut dans l'atmosphère sous l'impulsion des canons à air comprimés déclenchés par des artificiers au passage des divers figurants qui constituent le conflit. C'est un spectacle épique, sérieux, on dirait Saving Private Ryan en un brin plus futuriste. Face à tant de beauté Han Solo – momentanément très sale mais ce n'est pas de sa faute – se sent obligé de se réfugier dans l'une des diverses tranchées qui ont été excavées à même le sol par les hommes de main de Ron Howard. Par chance, car le scénario l'exige, c'est là que notre protagoniste retrouvera Woody Harrelson et sa belle bande de contrebandiers. Oui, les temps sont durs pour Monsieur True Detective. On aurait pu espérer qu'une émission de ce calibre sauve sa carrière mais le voilà qui rebondit de film de genre en film de genre comme une boule de flipper dans une métaphore des années quatre-vingts. Mais bon, faut ce qu'il faut. Il lui explique sans que ce soit vraiment nécessaire que lui et son équipe sont là pour s'acquitter du casse du siècle. Car, dit-il en regardant par-dessus son épaule, pas trop loin d'ici se trouve un train magnétique chargé d'une quantité phénoménale d'hypercarburant et s'il arrive à s'en emparer... peut-être qu'il pourra racheter sa liberté au maléfique gang de l'Aube Écarlate. (Oui, nos personnages ont presque tous la même motivation ; essayez de ne pas trop y penser.) Au milieu de tout ceci s'insère une séquence où Solo est rembarré par l'équipe de joyeux gangsters et finit dans un puits où réside une créature dangereuse. Sans surprise... c'est Chewbacca. Par hasard notre orphelin inculte venu d'une planète sans forêts parle quelque peu la langue des habitants de Kashyyyk. C'est très pratyyyk. Après un bref combat plus ou moins humoristyyyk nos deux compères rentrent immédiatement dans les rôles qui leur furent assignés par George Lucas au siècle passé. Il est donc temps... pour le casse du jour.


Sans surprise, c'est un échec cuisant qui coûtera – si ça c'est pas pratique – la vie au pilote de cette fine équipe de bras cassés. Par chance notre héros a été établi par des films qui n'ont pas encore eu lieu à ce stade comme un spécialiste plus que respectable dans le domaine de la navigation. Ça tombe bien. Presque comme si un scénario pas terrible guidait la moindre péripétie de ce spectacle sans âme vers une conclusion dépourvue de sens. (Spoilers : la fin est encore pire.) L'homme autrefois connu pour voler des speeders en milieu urbain s'habitue très vite à son nouveau rôle de pilote d'élite et permet aux siens de s'enfuir. Mais, oh noes, leur échec signe leur arrêt de mort... sauf s'ils arrivent à convaincre le patron du gang local de les laisser effectuer une dernière opération de choc : voler le substrat hautement volatile nécessaire à extraire de larges quantités d'hypercarburant. Sans surprise, Emilia Clarke bosse pour le méchant – interprété par Paul Bettany dans l'une de ses meilleures performances des dernières années – et intercède pour sauver la vie de son ancien petit ami. Pour mener ce plan à bien il leur faudra infiltrer une mine, voler le MacGuffin, le ramener à temps aux commandes d'un vaisseau des plus rapides mais surtout... traverser le fameux Run de Kessel en douze parsecs. (Ce qui nécessitera d'accomplir l'une des nombreuses pages du site Wookiepedia en permettant à Han de gagner le Flocon Millénial des mains d'un nouveau Lando Calrissian qui aime faire des choses à ses droïdes ; ce qui est une grande victoire pour le fameux lobby des gens toasterf*****s.) Vous savez, dans le temps, l'un de ces divers points scénaristiques aurait probablement suffi à un film entier et l'on n'aurait pas eu à les compresser en une seule histoire de cent-trente-cinq minutes afin de donner un air épique à l'affaire. Mais bon, ainsi va la vie.


Ce qui nous amène enfin à la fin de cette affaire titanesque. Notre héros vient de tirer en premier sur son mentor Woody Harrelson. Il voulait le doubler car tout dans ce récit édulcoré répond à une logique héroïque étrangement déplacée en ces terres sans foi ni loi. Le monde commence à faire sens pour le petit gars des bidonvilles. Suffit de tirer sur les gens et l'on peut prendre leurs effets personnels. Puis, quand vient l'équivalent local de la gendarmerie, l'on s'enfuit. La logique tient le coup. C'est là que le Grand Scénariste dans le Ciel pose un dilemme cornélien face à Han Solo – enfin, c'est sa chance de devenir sale – on lui propose de garder soixante millions de crédits ou d'en faire cadeau à une gamine/terroriste que l'on a entrevu dans l'une des scènes précédentes. Elle faisait partie du gang qui tentait de le tuer dans la scène du casse, au fait, pour ceux et celles qui cherchent encore à suivre ce micmac. Qu'imaginez-vous que le fameux contrebandier va faire dans une situation pareille ? Va-t-il suivre les instincts de survie qu'un orphelin né en enfer devrait avoir et empocher assez d'argent pour lancer ses opérations ? Va-t-il suivre la morale improbable qui lui a été greffée par Disney afin d'éviter qu'il puisse sembler méchant aux petits enfants ? Si vous aviez choisi la réponse la plus éloignée des motivations du personnage joué par Harrison Ford, vous auriez mis dans le mille. Il décide d'aider à financer la Rébellion dans ce coin de la galaxie et s'inscrit ainsi du côté des héros dès sa première aventure. Ce qui nie tout l'arc de rédemption entamé dans la Trilogie Originelle et fait de lui un personnage considérablement moins intéressant pour les films à venir. Ah, au fait, des suites sont prévues. Probablement deux. Vous savez à quel point la série est portée sur les triplettes.


Dans le prochain épisode : Méchante Emilia Clarke dirige un gang interstellaire tout en étant aux ordres d'un


Darth Maul quinquagénaire qui s'est décidément très bien remis du fait d'avoir été coupé en deux lors de sa première mission en tant que Guerrier Sith.


Yep, rien que ça. Faut croire que le ridicule ne tue pas.

MaSQuEdePuSTA
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le 30 mai 2018

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