1 minute, c'est le temps qu'il a fallu au film pour amener un jeune spectateur de la salle à dire spontanément tout haut cette phrase, mise en titre, que je pensais déjà tout bas. Le générique d'intro pose le ton : le film sera pop, coloré, ultra dynamique et un véritable régal pour les yeux et les oreilles. On savait que c'était produit entre autres par Phil Lord et Chris Miller et coécrit par Phil Lord, mais il est incroyablement difficile de deviner qu'ils ne l'ont pas réalisé tant le meilleur de leur patte apparaît dans l'intégralité du métrage. Des films dont le réalisateur imite le style de leur producteur, on en a vu et ça faisait parfois penser à un élève studieux qui essaie d'imiter le maître en moins bien. Là ça ne fait pas qu'imiter, ça digère le style, l'adapte au nouveau projet et l'enrichit d'une manière hallucinante.


C'est la réalisation la plus dingue de l'année, Spider-Man : Into the Spider-verse fait passer Les Indestructibles 2 pour un papy, et ça me blesse presque de dire ça. Après Snoopy et les Peanuts et Captain Superslip (que des adaptations de comics, le secret semble être là) on commence tout doucement à quitter la direction artistique interchangeable des Disney/Pixar/Dreamworks/Illumination habituels. Ce Spider-Man choisit d'y aller à fond dans l'imagerie du comics tandis que son animation subtilement saccadée donne un aspect faussement artisanal charmant. Il est très difficile de rendre justice à sa richesse visuelle, aux nombreux détails planqués dans le décor, à sa caméra folle, aux gags hilarants (sisi, j'étais hilare par moments et c'est pas fréquent) et aux mille-et-une idées de mise en scène qui parsèment le film. Le tout avec la bande-son de l'année, du hip-hop qui fait un bien fou au milieu de super-héros plus habitués aux percussions.


Le scénario est un modèle de film populaire. Il ne réinvente jamais la roue bien qu'il ajoute la présence d'une faille dimensionnelle pour ajouter les Spidermen de dimensions parallèles, il ne sort jamais des sentiers battus, contient quelques clichés et ne se montre pas vraiment surprenant. Mais il nous fait oublier tout ça avec une maîtrise qui n'a d'égale que la réalisation du film. Le destin de Miles Morales, jeune apprenti Spiderman de cette dimension, est cousu de fil blanc mais les personnages sont tellement attachants qu'on se sent de tout cœur avec eux comme si on nous racontait cette histoire pour la première fois. Le film ne fait jamais durer ses moments de faux suspense, permettant aux rebondissements de garder leur impact. Les moments pivots du film sont traités d'excellente manière, avec un profond respect pour la peine ou l'extase que peut subir Miles. L'alternance des blagues et de l'émotion se fait parfaitement, tout coexiste sans que l'un ne nuise jamais à l'autre et le rythme est impeccable.


Tout classique, mais du beau classique qui fonctionne vraiment et accorde un soin de premier plan à ses personnages. Les parents de Miles profitent d'une sympathique écriture, et une amie m'a fait remarquer qu'il y avait une belle utilisation de l'alternance codique pour la mère, qui passe de l'espagnol à l'anglais. Les mauvais films hollywoodiens ont la sale manie de faire représenter l'origine d'un personnage en glissant des mots de sa langue au milieu d'une phrase, du genre le mexicain qui dit "Salut amigo, comment va ton loco de père ?". C'est un cliché agaçant, comme si je ne pouvais pas parler anglais sans sortir des "mon ami". Ici ce ne sont pas des mots mais des phrases pour lesquelles il y a un changement de langue, c'est un vrai comportement humain qui consiste à profiter de l'alternance pour apporter un commentaire à ce que l'on vient de dire. Le film remplace donc un cliché par des dialogues réalistes, et ça c'est bien.


Un autre écueil que je craignais mais qui est plus ou moins évité concerne les 3 derniers Spidermen. J'avais peur qu'on nous fasse une Big Hero 6, qui a 4 personnages que l'on peut fusionner car ils agissent toujours de la même manière et se battent individuellement avec un effet domino : quand l'un perdait, les autres perdaient à leur tour, et inversement pour leurs réussites. Ici il y a un peu de ça, mais les Spidermen trouvent chacun leur rôle dans l'action. Quand ils se battent on n'a pas la linéarité de Big Hero 6 : il y en a qui réussissent quand d'autres échouent, ils s'entraident, certains ont même leur propre peine. Cela reste de la figuration de luxe, mais elle a le mérite d'être bien appliquée et les personnages trouvent chacun leurs propres gags.


J'ai cherché des regrets, je n'en ai quasiment pas trouvé. Bien sûr il y a la présence d'un ou deux footballeurs qui fait tâche dans la VF, mais on les entend très peu et le reste de cette VF est un délice. Quelques moments peuvent paraître faciles, mais on pardonne facilement. Je me suis surtout demandé pourquoi


Peter Parker et Gwen Stacy ne réagissaient pas du tout en se rencontrant, eux qui sont censés avoir fait chacun le deuil de l'autre dans leurs dimensions respectives.


C'est du pinaillage, j'en pardonnais autant aux Indestructibles 2 qui gérait pourtant moins bien la prévisibilité de son scénario, et ce Spider-Man traite lui aussi de la difficulté d'être père. Le film en offre bien plus que pour son argent à son public. Il est bondissant et cool comme l’Araignée, ne contient pas de ventre mou, pas d'idée de mauvais goût, pas de personnage pénible (même Spider-Cochon passe bien). Le film a un cœur gros comme ça et a de quoi devenir une référence pour les enfants et les adultes de sa génération. Faire un top 10 de ses films de l'année avant d'avoir vu celui-là est impensable.

thetchaff
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Quand le héros masculin fout un pain à une méchante sans la distinguer des hommes et Les meilleurs films de 2018

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le 24 déc. 2018

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thetchaff

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