"Est-ce que je volais ? Par moment, je m'en croyais capable"

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https://miellez.wordpress.com/2022/11/06/spirit-letalon-des-plaines-la-definition-de-la-liberte/

A une époque où beaucoup de films d'animations se retrouvaient en 10 parties de 7 minutes sur youtube, il était très facile d'en découvrir de nouveau tous les jours.
Bien que les chevaux ne m'aient jamais attirés en temps qu'animal, j'avais eu vent du film Spirit, l'étalon des plaines vers mes 11 ans. Aussitôt trouvé sur youtube, j'eus un gros coup de cœur pour le film.
A cette époque, je regardais principalement des films d'animations, et beaucoup pouvaient me fatiguer de par leurs personnages secondaires agaçants, leurs scènes humoristiques inutiles ou les messages peu inventifs qu'ils partageaient.
C'est pour ça que Spirit, qui ne comporte que quatre personnages importants, aucune scène inutile de par son humour et un message sur la liberté très beau, sortait bien du lot.
Il en sortait même plus que d'autres puisque je ne me souviens pas avoir découvert des films aussi contemplatifs à cette époque.
Toujours est-il que, dix ans après, je suis toujours là à me planifier le film au moins une fois par an pendant le printemps, sans jamais me lasser, et en m'émerveillant de plus en plus face à l'intelligence du métrage et son visuel.

Car oui, son visuel. C'est un savant mélange de 2D et 3D qui est absolument magnifique et qui n'a pas été souvent utilisé, en tout cas à l'époque : c'est à dire que le film était d'abord animé en 3D basique, puis que les animateurs se sont basés sur ces extraits-là pour dessiner la 2D par dessus.
L'animation me bluff donc énormément, et notamment celle des chevaux. Je n'ai jamais vraiment fait d'animation mais je connais assez pour savoir à quel point il est dur d'animer des animaux à quatre pattes, et que les chevaux sont un des pires à faire.
Leur musculature est réellement complexe, ils ont un pelage court qui ne cache rien de cette force interne, et ils possèdent en plus une crinière et une queue pour rajouter à la complexité du tout.
C'est pour ça que j'admire réellement le travail des animateurs ici, parce que même s'ils ont été légèrement anthropomorphisés au niveau du visage pour nous faire parvenir leurs émotions, les corps des chevaux sont minimalistes pour coller au style de dessin animé le plus commun, mais assez complexe pour que l'on ressente réellement que leurs corps bougent.
Il y a aussi de nombreux détails, comme les mouvements des oreilles, qui sont travaillés : en effet, ces dernières sont rabattues sur le crâne quand ils courent, elles bougent comme celles de vrais animaux lorsque différents sons se produisent... Vraiment la minutie a été terriblement travaillée.
Pour rajouter encore plus à la difficulté des animateurs, au lieu de n'utiliser qu'une seule couleur pour chaque partie, comme il est plutôt de coutume lors de la réalisation de films d'animations à l'époque, il y a un effet ombre et lumière mis en place qui rend le tout vraiment beau. On est loin bien évidemment de l'effet rendu dans Klaus, sorti des années plus tard, mais au lieu de n'avoir que des personnages vraiment plats évoluant dans un décor réaliste, les ombres permettent de rajouter du réalisme et une petite touche très jolie au tout, notamment lorsqu'elles font ressortir le corps du cheval derrière la crinière, où que les personnages se trouvent en contre-jour et que leurs visages sont dans l'obscurité: ce n'est pas quelque chose qui est souvent fait dans les films d'animation.

Mais si l'animation est très belle, elle ne m'a jamais complètement sauté aux yeux, car au niveau 2D, j'ai d'autres chouchous. Non moi ce que j'aime dans le film, ce qui le démarque des autres, c'est sont aspect contemplatif ainsi que la manière dont cet aspect aide à la morale.
En effet, première chose qui, je me souviens, m'avait étonnée à l'époque où je l'ai vu : les chevaux ne parlent pas entre eux. C'est quelque chose de très étonnant, puisque le plus souvent, dans les films où les personnages principaux ne sont pas des humains, ils parlent.
Non ici, ceux-ci ne communiquent qu'avec leurs visages, et des sons de chevaux. Les seuls qui sont là à parler, sont les humains, et ils ne disent pas beaucoup non plus, juste le strict minimum. Celui qui parlera le plus sera Spirit, à travers sa voix-off, nous contant l'histoire et nous exprimant ce qu'il a ressenti ou vécu. Ce qui fait que, de tout le film, il y aura très peu de dialogues, et donc pas de place pour du blabla inutile : ici, ce sont le visuel et la musique qui parlent.
Déjà, dans l'introduction, il se passe une bonne minute trente avant que Spirit ne parle. Pendant tout ce temps, on ne verra que l'aigle voler à travers des paysages. Jamais on ne reverra ces endroits (la toundra, les montagnes, la rivière), ces animaux (les ours, les cerfs)... Et même lorsque notre personnage se met à parler, et que l'on voit les chevaux pour la première fois, rien n'indique qu'il s'agit du clan de Spirit : ce sont juste des chevaux sauvages qui galopent.
Donc, dans cette scène entière de trois minutes, où le personnage ne parle que quelques secondes pour dire qu'il va raconter quelque chose sur la légende de l'Ouest, et sur sa terre natale qu'il trouve magnifique, on n'a que de la contemplation : on observe les paysages, les animaux, on écoute la musique (magnifique), mais on ne s’ennuie pas. Pas une seconde. Et c'est là tout le but d'un film dit contemplatif: celui de prendre son temps, celui de poser les choses, et celui de ne pas ennuyer le spectateur.
Car en soit, le scénario du film est simple (certains diront répétitif, mais j'y reviendrais) : Spirit vit librement avec son clan en Amérique. Il découvre alors l'Homme, qui va le capturer pour en faire un cheval pour l'armée colonisatrice. Il s'échappe grâce à l'intervention d'un natif Américain, Petit Nuage, mais ce dernier le capture lui aussi pour en faire une monture. Spirit rencontre alors Rivière, la jument de Petit Nuage, et tombe amoureux d'elle ainsi que de la vie qu'elle mène, se retrouvant déchire. Comprenant qu'il ne se laissera jamais chevaucher, le natif libère l'animal car il ne sera jamais fait pour vivre avec l'Homme. Mais quand il part, les soldats attaquent le camp de Petit Nuage, et Spirit tente de sauver Rivière, blessée par le colonel. Il se fait alors à nouveau capturer par des colons qui construisent un chemin de fer, et est forcé avec une trentaine d'autres chevaux à porter une locomotive par dessus une montagne. Réalisant que les Hommes vont un jour parvenir jusqu'à sa terre natale, Spirit parvient à détruire la locomotive, et s'enfuit grâce à l'aide de Petit Nuage, qui l'a retrouvé. Mais les deux sont de nouveau poursuivis par le colonel, et ne parviennent à s'en sortir que grâce à un saut magnifique de Spirit. Le colonel accepte sa défaite, Petit Nuage laisse partir Spirit et Rivière, et les deux retrouvent le clan natal de notre personnage principal.
Un scénario, parfois, il est dur de le résumer si facilement, et l'on pourrait faire un film très court de celui-ci, si seulement les scènes ne prenaient pas leur temps.
Par exemple, au tout début : Spirit vit librement dans ce qui deviendra l'Amérique. On aurait pu le montrer juste avec ce dernier courant avec son clan, mais non : on assiste à sa naissance, à une scène où il était jeune et qu'il était bloqué sur de la glace en ayant voulu boire, puis à une scène où, jouant avec des jeunes poulains, il ne se rend pas compte de l'arrivée d'un immense troupeau de bison. Ces derniers, on ne les reverra jamais du film, mais ils sont dans cette scène, où Spirit joue avec eux. Elle n'est pas forcément utile (elle montre que le personnage n'est pas forcément à fuir devant le danger, et qu'il peut facilement gagner le respect des autres, même très jeune, mais ça aurait très bien pu être coupé au montage) mais elle est juste belle et me donne toujours les frissons, notamment quand on passe de cette scène où, jeune poulain, il se cabre pour montrer sa joie, et que l'on passe à lui adulte, courant dans les prés.
Je rappelle que là, on en est toujours à montrer que le personnage vit librement. On le voit courir pendant une bonne minute trente, jouant avec l'aigle, prenant pleine possession de sa liberté, puis sauvant deux jeunes poulains d'un puma, courant de nouveau avec sa famille, puis les surveillant la nuit, avant d’apercevoir les premiers signes de l'Homme.
Et voilà, alors que cette ligne de scénario aurait pu être finie en deux minutes, le film prend son temps et nous explique tout ça en 12 minutes, sur un film d'1h15. C'est très long mais on ne s'ennuie jamais, car le tout est encore une fois, magnifiquement porté par la musique, le visuel, et même la voix de Spirit, que ce soit en parlé ou en chanté :
« Et je grandis. De poulain, je devins étalon. Aussi impétueux et téméraire que le tonnerre sur la plaine. Galopant avec l'aigle. Bondissant avec le vent. Est-ce que je volais ? Par moment, je m'en croyais capable. » Ces phrases me donnent toujours autant de frissons, même après dix ans.

Faisons un petit aparté sur les chansons : je les aime beaucoup. Si ce n'est pas mon genre de prédilections, je trouve qu'elles s'intègrent parfaitement bien dans l'histoire, de par leur contraire du contemplatif, puisque on a là des chansons rock. La cassure surprend mais s'accorde parfaitement.
Il y a de nombreuses paroles que j'aime énormément car elles expriment parfaitement les pensées de notre personnage principal. Je ne peux pas faire toutes les chansons car il y aurait trop à dire mais voilà des exemples parlant :
Au début :
« Un nouveau monde, une nouvelle vie, un cœur qui bat au rythme de la prairie, un nouveau jour, de nouvelles joies, qui n'attendaient que moi » : on a une gradation descendante de ce que représente la vie. Tout d'abord c'est un monde que l'on découvre, puis c'est notre vie à nous que l'on découvre, et cette vie est donnée par le cœur qui bat pendant des années, des jours, et ces jours ne seront que des joies, en tout cas c'est ce que l'on croit quand on est enfant, à l'instar de Spirit qui vient de naître.
« Le ciel à l'infini, embrasse l'univers. Les clefs du paradis, sont ici sur mes terres. » : ici on a un beau parallèle qui font se rejoindre deux idées. Le ciel étant infini, il côtoie l'univers, tandis que Spirit pense ses terres infinies, telles le ciel, et donc celles-ci représentent le paradis pour lui.
« La lune sur les montagnes, le vent dans les branches. Le torrent déchaîné, on ne nous séparera jamais. » : Spirit évoque tout ce qu'il aime dans son paysage : la lune, les montagnes, le vent, les arbres, l'eau vive... Et il pense encore naïvement qu'on ne les séparera pas.
« Le chant de la prairie suffit à mon bonheur, et si la vie nous unit, nous vaincrons la peur » : Spirit ne rêve que de choses simples, à savoir le chant de la prairie, soit le vent quand il court. Il parle d'union avec les siens, comme quoi ensemble ils vaincront, mais je pense qu'il parle aussi d'union avec sa liberté : il n'aura jamais peur tant qu'il vivra ici (c'est totalement montré plus tard car quand il est capturé, il le dit : « J'avais peur »).
Quand Spirit est capturé :
« C'est quoi tous ces liens, pourquoi j'suis pas parmi les miens » : c'est très simple mais ça explique parfaitement l'incompréhension du personnage : il ne comprend pas pourquoi il est attaché, ne peut pas courir librement, et comment il a pu être séparé ainsi de son clan.
« Je suis comme la rivière, je suis fier et libre comme l'air, et seul maître de mes frontières, jamais je le sais jamais je n'abandonnerais non, je défendrai ma vie » : le personnage est libre dans sa tête, on ne pourra jamais le capturer psychiquement, d'où le fait qu'il n'abandonnera jamais. Sa vie n'est jamais réellement en danger, seulement sa liberté, mais c'est elle qu'il protège en exprimant qu'il se défendra.
« Au fil des saisons, n'oublie jamais comment j'étais. Pour moi c'est la fin, je suis fatigué. Je ne suis plus rien, rien qu'un cœur blessé. » : Spirit est fatigué d'être sans cesse capturé et de ne pas revoir les siens. Il disait qu'il défendrait toujours sa vie, mais comme sa vie et sa liberté ne font qu'un, il ne voit pas comment supporter de vivre sans avoir cette autonomie. Il en abandonne donc complètement l'envie de vivre, car il ne voit pas comment il pourrait continuer à se battre pour toujours.
« Emmène moi... Ou laisse moi mourir » : Spirit recherche une toute autre délivrance l’amenant à une liberté. C'est complètement sombre de voir un personnage principal de film d'animation vouloir mourir car on lui prend tout. C'était réellement nouveau à l'époque où j'ai vu le film, pour moi. Les personnages se mettent souvent en péril pour en protéger d'autres, mais je n'en avais jamais vu qui voulaient abandonner la vie tellement les épreuves qu'on leur donnait étaient de trop. C'est presque de la torture scénaristique et c'est très lourd à voir.
« Sans lumière j'ai peur de tomber au cœur de la nuit. D'abandonner la vie, de m'en aller. » : Spirit se rend compte de ce qu'il demande, de cette envie de mourir. Il a peur de ne plus voir la lumière, qui symbolise l'espoir, lui-même caractérisant l'envie de revoir les siens et sa liberté. Il réalise que c'est ça qui le fait sombrer, cet oubli de sa famille.
« Si tu perds espoir, ton courage va retomber. Relève toi ce soir, n'oublie pas qui tu es » : la chanson reflète parfaitement que la lumière, plus haut, était l'espoir, et donc la famille de Spirit. S'il perd sa famille de son esprit, il n'aura plus le courage de se battre. Il doit donc se souvenir de qui il est, d'où il vient, pour pouvoir se battre.
Et en plus d'avoir des paroles très justes et explicatives, les chansons sont très entraînantes. On ressent parfaitement la fougue et le côté téméraire de Spirit à travers ces mélodies.
En plus, il faut noter que les chansons, il y en a au début, et vers la fin, mais absolument pas quand Spirit se trouve chez les natifs : il le dit lui-même dans le film, il s'y sent bien là-bas. Même s'il n'a pas sa liberté. Il n'a donc pas besoin de chanter sa liberté.

J'adore cette petite scène parce que sous son couvert de mignon, elle renferme énormément de questionnement et d'évolution du personnage, qui va au delà de ses préjugés. Et la musique de guitare toute simple est merveilleuse.

Cependant, il y a une autre chose qui sont les scènes d'actions. Le film en regorge tout autant que les scènes contemplatives et elles sont tout aussi géniales. Elles sont parfaitement rythmées, pas trop lentes et font quand même ressortir énormément d'émotions.
Celle où Spirit tente d'échapper aux humains, la première fois, est une crève-cœur complet parce qu'on observe, impuissants, le piège qui se referme sur Spirit, avec lui qui tente désespérément de sauver le troupeau et les humains qui referment autour de lui leurs cordes...
Le moment où notre personnage principal fait tomber les soldats les uns après les autres montre à quel point il est infatigable. Il sait faire, et il ne veut personne sur son dos.
Ma préférée, de par ses actions parfaitement menées les unes après les autres, est quand Petit Nuage et Spirit s'enfuient ensemble. Petit Nuage sauvant Spirit de la balle du colonel, s'accrochant à Spirit, récupérant le fusil, Spirit faisant s'échapper les chevaux, Petit Nuage ouvrant la porte... J'aimais tellement voir et revoir cette scène plus jeune, ça m'est resté aujourd'hui.
L'attaque du camp des natifs par les soldats est déchirante, notamment par son aspect historique. Eh oui, les natifs n'avaient rien faits...
Spirit qui tente de sauver Rivière des rapides fait écho à la scène du début, où il essaye de ne pas se faire capturer, parce qu'on voit qu'il peine, qu'il n'arrive pas à nager, qu'il ne peut lutter contre le courant... Et comme la première scène, il échoue, et tous les deux tombent de la cascade.
La scène où Spirit délivre les chevaux accrochés à la locomotive est terriblement plaisante, jusqu'à ce qu'il se retrouve coincé dans le chemin, avec pas d'autre choix que celui de courir pour sa vie... Ce que j'adore dans cette scène c'est qu'on dirait que Spirit ne se rend pas compte que la locomotive est un objet : vers la fin, il pourrait s'échapper sur la droite ou la gauche, mais on dirait presque qu'il jette un œil en arrière, regardant si la loco le suit toujours afin de l'envoyer dans l'autre locomotive. Peut être que j'invente mais ça a toujours été mon interprétation de la scène.
Il échappe ensuite à l'incendie et là, troisième fois qu'il aurait pu être capturé, en quelque sorte, si Petit Nuage ne l'avait pas sauvé...
Enfin, la course-poursuite de fin. On a bien vu que seul, Spirit ne peut que retarder l'inévitable, ou sauver une situation mais pas se sauver lui-même : il sauve le troupeau mais finit emprisonné, sauve Petit Nuage mais pas Rivière, sauve tous les chevaux et détruit les deux locomotives mais finit accroché... En revanche, quand il est avec Petit Nuage, ce dernier l'aide à se sauver : il le fait échapper du camp, et le délivre du tronc qui le retenait.
Ici donc, les deux vont pouvoir s'associer et sauver une grande chose, la Liberté, ainsi que sauver leurs vies.
Et la scène est géniale, l'action, les péripéties, jusqu'à ce saut magistral plein de beauté qui illustre parfaitement cette Liberté...

Et venons-en donc, à la liberté. Elle est le point central du film, ce sur quoi repose tout l'histoire. Elle est symbolisée tout au long du métrage, exprimée par différentes actions,
Il est courant dans un film d'animation de parler de la liberté. Belle dans la Belle et la Bête, Clochard dans la Belle et le Clochard, Mébh et Robyn dans le Peuple Loup, Quasimodo dans le Bossu de Notre-Dame, Elsa dans la Reine des Neiges, Moana dans... Moana, Blue et Perla dans Rio, Ariel dans la Petite Sirène, Mérida dans Rebelle... Les personnages rêvent liberté, parlent liberté, vivent liberté.
Cependant, la liberté d'un animal autre que l'Homme est moins souvent abordée. La Liberté au niveau de l'Homme, c'est ne pas avoir de contrainte que peut imposer sa situation dans la société, ou bien sortir d'une prison psychologique ou physique.
Pour les animaux, peu d'exemples me viennent vraiment en tête, hormis Clochard dans la Belle et le Clochard et O'Malley dans les Aristochats. (Robyn et Mébh dans le Peuple Loup sont des exceptions car elles se transforment en animal pour vivre leur liberté). Et les deux personnages des films Disney ont un point commun, c'est que si pour eux, la liberté est de vivre en dehors de la coupe de l'humain, ils finissent le film en vivant avec eux.
Donc il ne me reste qu'un exemple précis, celui de Blue et Perla dans le film des studios Bluesky, Rio.
Dans celui-ci, Blue est un perroquet vivant parfaitement sa belle vie avec son humaine, car il a été enlevé de sa forêt quand il était petit. Le film va avoir un parallèle très conséquent entre celui de la liberté (incarné par Perla et le fait qu'elle puisse voler) et de la captivité (incarné par Blue, incapable de voler depuis qu'on l'a privé de sa liberté). D'ailleurs, comme dans Spirit, les deux compères vont se retrouver attachés l'un à l'autre, empêchant Perla d'être libre et de pouvoir voler. Cependant, la métaphore filée s'arrête ici car Blue réussit à voler à la fin, avant d'être relâché par sa maîtresse, donc le message est un peu plus flou.

Quand Spirit veille sur les siens, la nuit, il finit seul, en haut d'une colline, presque dans les étoiles. Il est libre, il est heureux, proche du ciel.
La première fois qu'il est capturé, Spirit commence à aller vers la lumière, puis la corde l'attrape au cou et le fait dégringoler d'une corniche. La corde l'a empêché de s'enfuir ; la capture l'a privé de sa liberté, et lui a ôté d'un coup son envol.
(Pour parler très rapidement de la lumière, le reste du clan sont tous dedans, mais quand Esperanza s'avance, elle va de plus en plus dans l'ombre, montrant que si elle tentait d'aider son fils, elle finirait elle aussi prisonnière).
Lorsqu'il regarde les étoiles, dans le camp des soldats, les siens sont dans le même plan que lui plus tôt: en haut d'une colline, regardant les étoiles. Mais lui est séparé du ciel par les constructions humaines et retenu au sol par cette corde.
Alors qu'il s'est cru libéré des Américains, Petit Nuage le capture de nouveau. Quand il arrive au camp natif, ce dernier se trouve en contrebas d'une colline ; encore une fois, son emprisonnement signifie qu'il est condamné à rester en sol, voire même plus.
Quand il échoue à sauver Rivière, il tombe de la cascade, sans avoir rien pu faire. Il était encore rattaché à la jument, sans corde cette fois, mais par ses sentiments envers elle.
La montée de la colline avec la locomotive est difficile et n'est pas une partie de plaisir. Elle est longue, douloureuse, sous les coups de fouet des travailleurs. Arrivé en haut, il se souvient des siens et se rend compte d'où se dirigent les Hommes. Après avoir libéré les autres chevaux, il est forcé, par la chaîne qui le retient et la loco, de redescendre cette colline à toute vitesse, de repartir vers le sol.
De nouveau, il chute d'une falaise dans l'eau. Mais cette fois-ci, c'est pour échapper aux flammes et se sauver : il y a dans ce saut quelque chose de désespéré et de salvateur.
Pendant la course-poursuite finale, Spirit manque deux fois d'envoyer lui et Petit Nuage au fond du ravin : les deux fuient pour leur survie, en se basant sur leurs aptitudes, en montant de plus en plus haut.
Enfin, évidemment, il y a le saut final. Spirit et Petit Nuage sont acculés, sans issues, avec les armes à feu d'un côté et le précipice de l'autre. Le mustang sait qu'à ce moment il ne doit plus juste se sentir « presque » capable de voler, mais bien voler : ce n'est plus pour jouer, pour s'amuser, pour se sentir bien, c'est pour retrouver sa liberté et ne pas mourir.
C'est pour ça que cette dernière scène est terriblement importante : parce qu'elle rejoint tous les messages précédents. Tel le pygargue, Spirit est devenu le messager du Ciel ; il a gagné, grâce à ce moment de bravoure, le respect du Colonel, qui ne le voit plus comme un mustang a dressé mais comme une créature qui ne se pliera jamais à sa volonté.
Il est libre, il est Pégase, il est messager des cieux.

Viens alors la critique du « le scénario trop répétitif ». Mais en fait, c'est là tout le but du scénario : que le personnage principal perde de plus en plus d'espoir, qu'il soit tellement emprisonné, tout le temps, qu'il ait envie de mourir ! Combien de chevaux, combien d'animaux ont été persécutés de cette manière, et continuent de l'être ? Des milliers, des millions, des milliards ? Le film se termine bien parce que Spirit retrouve les siens, et heureusement, sinon je pleurerais encore plus en regardant le film.
Mais le combat ne sera jamais vraiment gagné. C'est là que la version française pêche un peu, parce que on nous sort de grandes phrases du style « Nous avions gagné notre combat pour la liberté » ou « Lève-toi soldat, il reste encore un combat. Et tu dois gagner pour la liberté », comme si Spirit symbolisait réellement cette indépendance, alors que à notre époque, on le sait : l'équitation est un sport connu, et les natifs ont quasiment tous été décimés.
La version anglaise est plus subtile parle non pas de la Liberté avec un grand L, mais seulement de celle de Spirit et Petit Nuage : « La façon dont nous avions retrouvé notre liberté ensemble » et « Tu es un soldat qui se bat dans une bataille afin d'être libre une fois de plus, ça vaut le coup de se battre ». Le film en anglais n'essaye pas de montrer que le monde est beau et juste etout le monde y vit bien, seulement que certains se battent pour ce qui leur est cher.

Voilà tout ce que j'aurais à dire sur ce film. Je dois avouer en avoir écrit plus que ce que j'imaginais, et encore, j'en ai laissé de côté (Les théories sur le père de Spirit ? Les scènes entre Spirit et Rivière ? Le fait qu'on n'ait pas traduit le nom de Spirit et en latin, quand on m'a demandé ce que ça signifiait, j'ai dis « libre » parce que ça me semblait plus logique que « esprit » ? Les divers faux-raccords ? Le fait que je n'aime pas les chevaux mais je les adore là-dedans ? Et que sont devenus les chevaux libérés par Spirit, ceux de la locomotive, ils vivent libre harnachés comme pas possible ? Et pourquoi les natifs ont rebâti leur camp aussi loin que ça d'un point d'eau, il n'y a plus de place pour eux nul part, le film essaye de montrer que ça ne finit pas si bien que ça ? Combien de temps est parti Spirit ?) mais j'ai parlé de ce qui me tenait le plus à cœur, à savoir le symbolisme du métrage.
Ces symboles de liberté, de vol, de messager, comment le spécisme est contraire à la liberté d'un animal, comment le racisme est contraire à la liberté de l'humain. Comment le tout se mélange dans un film se passant dans l'Ouest, en cassant certains clichés, comme le fait que oui, le cheval est un symbole de liberté seulement si on le respecte, car au fond, il est un animal bien plus précieux que ce qu'on en a fait.
Dans notre monde aujourd'hui, courir sur un cheval, c'est le symbole d'être libre, alors le film montre que, non, si l'Homme l'est, le cheval, lui, ne l'est pas du tout. Le cheval doit aller où bon lui semble, quand il lui semble, pour redevenir cet animal sauvage qui incarnait les plaines d'Amérique. Tout comme le pygargue, qui symbolise toujours l'Amérique, tout en ayant été une toute autre métaphore à une autre époque.

Miellez
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le 12 déc. 2022

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