La bataille gagnée de la bienséance contre le vice

Je n'écris que trop peu de critique, et j'ai ce besoin insatiable depuis 3 jours, depuis ma vision de Spring Breakers de l'écrire.


Devant les films où la lecture se fait sur plusieurs degrés, il est rare que je sois précurseur d'idées, je vais souvent ressortir avec les mêmes idées qu'autrui, et je vais souvent même lire ce qui se dit, approfondir sur le net quelques avis et analyses du film. Ca permet de m'offrir une seconde vision, juste derrière le film, rendant d'un coup le film meilleur.


Mais ici, j'ai l'intime conviction d'avoir vécu une expérience différente. J'approfondis mes recherches, je ne vois personne ayant eu cette impression. Je ne vois que plainte sur la fin, sur la stérilité du propos du film, et encore plus de la forme.


Je suis d'un avis contraire à la majorité, parce que voici ma lecture du film :


On suit une bande d'étudiantes ennuyées par leur vie quotidienne, leur vie morne, amplifiés par des rêves d'aventures. Les cours, la religion, leur futur qui leur est promis leur parait bien morne. Elles ne se retrouvent pas dans cette promesse, n'en veulent pas. Et ici apparaît donc l'enjeu de ce film, comme pour l'ensemble des teen-movie : la recherche de soi et le passage à l'âge adulte.


Elles font donc le choix du vice pour mettre fin à ce cercle nauséeux en trouvant le moyen d'aller au Spring Break. Le braquage et donc le danger, tout autant que l'argent, leur apporte un excès de plaisir qui confirme une attirance presque sexuelle (elle parle de vulve mouillée, se frottent contre les billets, etc...) pour ces deux premiers vices.


Elles partent donc pour la fameuse fête. Deux nouveaux vices apparaissent : la drogue/alcool et le sexe. Jusqu'à là, c'est juste de l'amusement et une confirmation de leur recherche : c'est ici le plus bel endroit, c'est ici que les gens sont plus gentil, c'est ici qu'elles ont trouvés ce qu'elles veulent être : libre.


Cela est confirmé par la voix des jeunes femmes sur fond de beaux paysages, soleil couchant, jolis corps dansant, tout est facile. Leur vision de l'endroit est magnifié par ce qu'elles en recherchaient.


Sauf que cette image n'est que la leur, on voit le Spring Break à travers leur vision, d'où toutes ces images édulcorés aux belles couleurs. Et parfois, la réalisatrice nous montre à travers un œil extérieur la bulle dans laquelle elle se trouve : lorsqu'elles s'alcoolisent sur le parking d'un restaurant, où elle se mette à danser et à reproduire la scène du braquage, leur comportement excessif, leur bikini au milieu de gens habillés. Ou encore cette scène dans le tribunal et la prison, où quatre poupées dénote avec le contexte et le lieu. Cela démontre juste la bulle un peu puérile dans laquelle elles se complaisent et s'imaginent.


C'est amusant, c'est facile. Elles voudraient y rester toute leur vie.


Jusqu'à l'excès...


Ici, on rentre pour moi dans une scène importante : la soirée où le vice est poussé à son extrême, cocaïne, sexe... Jusqu'à la prison. Elles y rencontrent les jumeaux, amis du Gangsta joué par James Franco, qui d'ailleurs leur permettra de retrouver leur liberté.


Et de là, on nagera dans toute cette seconde partie du film à travers une double lecture : la vie fantasmée des femmes continue à travers des moments dont l'absurde et la l'improbabilité est poussé au maximum : des gangsters ridicules, des braquages auxquelles elles participent sans en être réellement capable.


Mais pour moi : James Franco et sa vie est juste une image métaphorique du vice. Il représente tous les vices :



  • Drogue, à tout le temps fumés et leur partager ces moments embrumés

  • Argent, il y a en un matelas

  • Le danger, représenté par les centaines d'armes aux murs et trainant partout.


Les filles ont pour James Franco une attirance sexuelle, comme au début du film. Elles se prennent au jeu d'une vie pimentées. Mais plus que l'homme, James Franco représente l'ensemble de ces vices qui les attirent tant, et surtout l'excès de ces vices, à la façon dont l'absurdité de son personnage est présenté.


Se joue alors une bataille entre leur éducations, leurs convictions et cet excès qui peut faire peur. Selena Gomez, dont on voit des flashback en train de chanter, prier et participer à une cérémonie à l'église, est la première à craquer. Elle se rend compte de ces vices, la religion lui rappelle ce qui est bon et ce qu'il faut éviter, comme un personnage le mentionne "ne pas se laisser aller à la tentation".
Une deuxième fille, dont le réveil se fit par une balle dans le bras, compris que les risques pris pour un peu de plaisir illusoire, ne vallait le coup d'y laisser sa propre vie, la vraie, celle qui l'attend sur le chemin retour du bus.


Et les deux autres ? Contrairement à ce que montre le film : elles rentrent chez elle aussi. Après avoir fait le tour de toutes les expériences au Spring Break, dont le sexe imagé par une relation à trois dans la piscine avec James Franco, font face a leur immoderation, et qu'il est tant de retourner dans leur vie qui est un cocon bien plus rassurant que ce lieu où tout peut partir en vrille.


**Lors du dernier braquage, les voix off des deux filles surplombent la scène, annonçant à leurs mères qu'elles souhaitent devenir meilleures, qu'elles vont rentrer et à nouveau faire tout bien. La saturation leur a provoqué un électrochoc. James Franco meurt, sans qu'elles sourcillent, c'est aussi la mort de la représentation de ces vices. Elles peuvent donc dire au revoir à ces excès qui les ont mentalement détruit. Elles disent au revoir au Spring Break, à la débauche, en tuant toute forme de vice, tuant ce que représente les gangsters au sein du film.


C'est l'histoire de 4 filles de bonnes familles, dans une bonne école, qui veulent s'éclater pour une fois dans leur vie et s'exiler de la bonne pensée ennuyante, ce qu'elles ont déjà avortés par leur physique provocateur. C'est l'histoire de 4 filles qui trouvent une sortie au labyrinthe de l'ennui et aux peurs du passage à l'adulte. C'est l'histoire de 4 filles qui vont beaucoup trop loin pour trouver leur identité. C'est l'histoire de 4 filles qui, face à tant de superficialité, se rendent à l'évidence vis à vis de leur valeurs, leur éducations, leurs croyances ; elles retournent dans une vie plus dessinée, mais aussi plus protectrice. Leur expérience les a transformée comme elles le souhaitaient, pas dans le sens où elles l'imaginaient au départ.**


Et la réalisation, le montage et le scénario laisse énormément d'indice pour ça :
- Images buccoliques (leurs visions) contre images absurdes (la réalité)
- Le montage du film, avec la citation des jeunes filles du débit en reprise en cours et en fin de film.
- Les flashback religieux
- James Franco qui chante avant le dernier braquage qu'il a perdu les 4 filles.
- James Franco laisse partir les jeunes filles sans résistance, car il n'a qu'une représentation morale, une fois qu'une des filles ne crois plus en cette vie, rien ne peut la retenir de retrouver sa vie normale et saine.
- La façon dont est vendu le film : comme pour ces grandes adolescentes qui rêve de débauche et d'amusement, on nous vends une bonne partie du film un film de fête aux images sexualisés, pas très profonde de prime à bord, qui finalement décevra face à beaucoup plus de violence.
- Le choix des 4 actrices, anciennes représentes de la jeunesse Disney, images de la pureté féminine qui casse leur image en goutant à la dépravation.
- L'image phalique des armes avec lesquelles elles simulent des actes sexuels.
- Selena Gomez, est la première à partir. Elle semblait pourtant la plus imprégné par ce nouvelle vie. Parce qu'elle était déjà la plus sage avant son départ, ce nouveau départ l'a bien plus imprégnée et touchée. Mais cette sagesse l'a aussi rappelé plus vite à la réalité face aux excès.
- James Franco repère les filles plus fragiles, comme le danger sera plus prenant pour la personne qui n'a pas encore expérimenté
- Et j'en passe, tout justifie cette lecture.


On est donc sur un film dont la lecture est bien plus poussée que ce que la forme veut bien montrer, d'autant qu'elle sublime son propos. On est devant un teen-movie à la violence psychologique osée, traitée de façon complexe, apposé sur des images brutes. Un film qui nous rappelera que pour trouver du sens à sa vie, la morale est plus forte qu'un égarement dans le plaisir superficiel

AdrienCrucet
9
Écrit par

Créée

le 31 janv. 2021

Critique lue 98 fois

AdrienCrucet

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