Il ne suffit pas d’aligner quelques références telles qu’un vaisseau, des noms ou encore un thème musical pour avoir le droit de se revendiquer de l’univers Star Trek. De ce point de vue le film de J.J. Abrams est un échec ou plutôt un reniement. Si son précédent opus avait l’avantage de briser une longue attente et de rameuter les fans, celui-ci perd son effet « hochet » et les fans constatent le vide de sens d’une œuvre toute entière dédiée aux effets spéciaux.

Il y a deux films dans Into Darkness, un film de science-fiction honorable mais sans aucune identité, presque passe-partout. Il y a aussi un soit disant épisode de la franchise Star Trek mais qui ne fait qu’en effleurer les codes et la pensée pour mieux exploiter un filon qui ne s’est jamais tari au U.S.A. Sans mauvais jeu de mot, on est à des années-lumières de l’univers original créé par Roddenberry, très loin de ces cultures vulcaines, romulaniennes ou encore des Klingons, qui étaient très approfondies dans la première série. On est loin aussi des relations entre civilisations et des règles qui les régissent et qui ne sont que survolées pendant l’introduction. La philosophie complexe voulue par Roddenberry est presque inexistante chez Abrams, signant la fin d’un univers qui avait ses fans exigeants. Un univers qui avait eu peu de succès dans l’hexagone et dont la mort fait qu’aujourd’hui beaucoup de spectateurs se découvrent d’un coup « fans » de Star trek, il y a donc bien un virage dans la franchise. On va bien rire quand ils iront faire un tour par la série originale ces nouveaux fans, beaucoup risquent d’être déçus.

Comparons donc : là où Abrams nous abreuve d’effets spéciaux, Roddenberry cantonnait son histoire sur la passerelle de l’Enterprise, chaque épisode étant presque un huis-clos. Là où Abrams mise tout sur les effets spéciaux, Roddenberry misait tout sur le scénario. Là où Abrams livre un film téléphoné, Roddenberry cultivait le mystère, l’originalité et l’imagination. Là où Abrams privilégie la baston, Roddenberry préférait la stratégie « navale ». Abrams ne respecte pas grand chose du fond de l’univers Star Trek. Scénario cousu de fil blanc, personnages insupportables, Scotty est à gifler ! Sans parler de cette histoire d’amour toute pourrie entre Spock et Uhura, totalement contre-nature et impossible à accepter, mais après deux films on ne s’y fait pas !

Le seul personnage réussi et fidèle est justement Spock, mais où est passé l’humour du personnage ?! Pas cet humour venant du décalage qu’il a avec le reste de l’équipage, mais cet humour intellectuel qui donne tant de belles joutes avec Bones. Où est passée cette référence constante et intelligente à l’univers de la marine, ici il ne reste en gros que « le capitaine sur la passerelle ! ». Il ne s’agit pas de faire de la nostalgie bon marché, mais d’insister sur la disparition d’une des plus célèbres franchises derrière un film de série et sans aucune personnalité !

Où était le besoin de faire un reboot d’un des plus célèbres épisodes de la série ? Pourquoi réutiliser le personnage de Khan, déjà abordé deux fois : dans la série originale et dans le long-métrage La Colère De Khan ? Où est le scénario original ? Pourquoi pomper, plagier même, la scène de réparation du noyau ? Un hommage ? Mon œil ! Alors certes, le film pris pour ce qu’il est se laisse regarder mais reste un film de grande consommation. Mais cette philosophie vulcaine, celle de la logique entrainant à l’origine la mort de Spock dans le noyau est ici réduite à une misérable phrase : « Ce qui est utile à tous l’emporte sur les intérêts du petit nombre. »

Si l’on s’en tient au film de science-fiction ce film mérité bien plus que 5 mais voilà, il prétend être l’héritier d’un univers, d’une culture et d’une philosophie et pour se faire il massacre cet héritage, le dilapide dans des effets à outrance, dans du spectacle déjà vu dans d’autres bons films du genre. Oui Abrams fait venir du monde en salle, mais il fera de moins en moins venir ceux qui aiment que la science-fiction ne soit pas que de la fiction mais aussi de la science. Ce film est et restera un viol, un outrage au nom du nombre d’entrée en salles, la mise à mort d’une mythologie, d’un univers qui est à la science-fiction ce que Le Seigneur des Anneaux est à l’héroïque fantaisie : une référence.
Jambalaya
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le 20 oct. 2013

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