Autopsie d'une trilogie : acte II ou quinze minutes pour tout ruiner

Rappel de mes propos préliminaires : à la suite des heures consécutives sur le dernier jeu tiré de l'univers et de la lecture navrante d'une critique sur l'un des opus de la Prélogie, l'envie s'est fait sentir de repartir dans les tréfonds de mon enfance et d'affronter l'un des piliers de ma culture cinématographique. Je ne cacherai pas que je suis l'un de ces enfants de la "génération Prélogie" (dîtes aussi génération "Septembre 2001", à vous de choisir) mais je vais essayer de dépasser la subjectivité inhérente à ce que m'ont fait ressentir ces trois opus.


En toute logique, et même dans un monde qui en manque cruellement, je dois désormais m’attarder sur l’un des épisodes les plus ambigus de la saga. Un épisode qui sur le papier a tout pour plaire et qui pourtant ne subit que rejet et ostracisation.


Comment L’attaque des Clones arrive-t-il à fédérer autant contre lui ? Tentons de décortiquer ensemble, voulez-vous ?


Des bases établies. Cet opus ne sort pas du néant, à la fois suite claire de La Menace Fantôme et film qui se suffit à lui-même, Lucas fait le pari de faire un bond de dix ans dans la narration pour mettre en branle l’un des événements les plus cruciaux dans la mythologie Lucasienne. Cette fameuse guerre des clones, dont Lucas parlait dès l’épisode IV de façon assez énigmatique à travers le message de Leia à Obi-Wan « Ben » Kenobi. Et de moments cruciaux, il en question dans ce film.


Ainsi, le texte déroulant nous apprend que la République est sur le point de se scinder en deux sous la pression de systèmes « séparatistes », s’opposant à la corruption du Sénat Galactique et étant paradoxalement soutenus et encouragés par les guildes marchandes telles la Fédération du Commerce. A la tête de ces systèmes « rebelles », le Comte Dooku, ancien Jedi et maître de Qui Gon Jinn.


Sentant la situation empirer, un groupe de sénateurs font pression pour que la République se dote d’une armée afin de contrecarrer les débordements et les invasions de planètes par les armées droïdes des séparatistes. S’y opposant frontalement, la -désormais- sénatrice de Naboo, Padmé cherche à fédérer autour d’une résolution pacifique et de dialogue avec les systèmes séditieux.


Une fois le cadre posé, le film ne cherche pas à tergiverser, le film s’ouvrant sur une tentative d’assassinat sur la personne de Padmé avec l’explosion de son vaisseau qui atterrit à Coruscant. Attentat qui donnera l’opportunité au Chancelier Palpatine de demander / d’ordonner, la mise sous protection de la sénatrice par des « vieux amis », Obi-Wan et Anakin.


Et tandis que le piège se referme sur Padmé et Anakin, qui par cette proximité forcée vont dévoiler leurs sentiments réciproques, Obi-Wan est lancé sur la piste de chasseurs de prime envoyés par nul autre que le Comte Dooku et Nute Gunray, la limace trouillarde et revancharde de l’opus précédent. Obi-Wan découvrira au passage l’existence de cloneurs qui ont passé la dernière décennie à construire une armée pour la République sur commande d’un Jedi, mort dans d’étranges circonstances…


Par ce film, Lucas cherche à faire amende honorable. Du moins, ça se ressent comme une volonté de base.


Les fans ont trouvé horripilant Jar Jar Binks ? On l’éjecte. Les midi-chloriens n’ont pas convaincu ? On passe à autre chose. L’ennemi n’avait quasiment pas prononcé un mot pendant tout le film précédent ? On affrontera désormais un Jedi déchu, politicien et manipulateur qui manie aussi bien les mots que le sabre laser. Assister au début d’une histoire d’amour avec les yeux d’un enfant est gênant ? On reprend l’histoire avec de jeunes adultes. Les dialogues étaient épouvantables ? On a embauché des vrais dia…. Non, tout n’a pas changé pour le coup.


Car, oui, si cet opus se révèle moins enfantin et encore moins naturel que son prédécesseur, on ne peut ressentir les défauts d’une œuvre où George Lucas contrôle à peu près tout, à la manière d’un Xavier Dolan. [C’est d’ailleurs assez évident quand on réalise que Star Wars V, qui met tout le monde d’accord, est celui auquel Lucas a le moins touché en déléguant la partie créative…]


Exit les Gungans, exit les enfants. Place aux assassinats, aux morts de parents, aux exécutions publiques et aux complots de grande ampleur pour détruire mille ans de démocratie. Et Vive la Bonne Humeur ! Moins enfantin donc. Et double de ration de politique vu que les ingrats de fan n’ont pas apprécié la première fois.


Pour le moins naturel, ça semble assez évident, non ? A l’exception du Lac de Côme servant de retraite sur Naboo, les deux grandes planètes introduites, Kamino et Géonosis sont intégralement numériques. Construites en parfaite opposition, l’une n’est que mer et pluie, l’autre désert et chaleur, elles servent le deuxième acte du film.


De même, le premier acte du film se passe, en partie à Coruscant, la ville-monde, dont Lucas nous dévoile une partie à l’occasion d’une course poursuite avec un chasseur de prime.

Je comprends vraiment les reproches au tout « fond vert », donnant sur certains plans, un aspect assez kitch à l’ensemble, même si pour un film d’il y a vingt ans, on peut parler de résultat honorable. Nous avons bien réalisé que les cinq derniers films de cet univers sous la houlette de Disney mettaient bien en avant des décors surréalistes pour s’opposer à l’extravagance de la Prélogie.


Seulement, là, où j’en reviens à une incompréhension avec les détracteurs de la Prélogie, c’est en partie sur cette opposition au recours massifs aux effets spéciaux. Oui, le désert tunisienne de Tatooine est beau, oui, la forêt californienne d’Endor est envoûtante. Mais qui peut sérieusement parler de voyage dans l’univers et dans toute sa diversité dans des paysages ô combien terrestre face à un décors comme celui de Kamino ? Artificiel, oui sans aucun doute, mais tellement plus original. Avoir un premier aperçu de la fourmilière géante de Coruscant ne donne pas plus l’impression d’être dans une ambiance urbaine originale plus poussée qu’une Cité des Nuages de Bespin ?


C’est mon impression. Renforcée par les ajouts -numériques- de Lucas sur la trilogie originale a posteriori, notamment sur Bespin. Retouche numérique qui vaudront d’ailleurs à Yoda d‘opérer une véritable cure de jouvence, digne des plus grandes campagnes marketing de vente de crème de beauté.


Le numérique n’est pas le seul pied de nez de Dark Lucas à sa propre œuvre. Dynamisant les combats au sabre laser, il en résulte d’une chorégraphie millimétrée où les performances artistiques mêlent le spectaculaire au ridicule. Présentant dans le IV, l’affrontement entre deux bretteurs comme un combats de deux samouraïs, ce sont les gymnastes qui reprennent le rôle dans cette trilogie. Caméras nerveuses, galipettes et jeux d’ombres, rien ne sera épargné dans cet opus. A la frontière de l’illisibilité. Si le combat Obi-Wan vs Dooku est plutôt bon, l’affrontement bref entre Anakin et Dooku est assurément raté. Finalement éclipsé dans sa diarrhée visuelle par le duel Dooku (encore lui !) et Yoda.


Autant je reconnais beaucoup d’intérêt à cet affrontement entre Yoda et son ancien padawan déchu, notamment pour montrer que Yoda n’a pas qu’excellé dans la maîtrise de la Force, après re-visionnage, il m’est apparu comme excessif. Les galipettes de Yoda me paraissent cohérent pour un individu de petite taille qui cherche à compenser cette réalité face à des adversaires plus grand que lui. Mais ses cris d’attaque et la chorégraphie globale m’ont semblé assez raté.

Avant d’aborder le dernier thème, celui qui donne le titre à cette critique, plusieurs points brefs.

John Williams a clairement été inspiré par cette trilogie, le portant à son apothéose sans aucune contestation.


Les équipes créatives ont montré leur talent rare pour la création et l’imagination d’un univers riche et malgré tout cohérent.


On s’amusera de toutes les tentatives de Lucas et des scénaristes de raccrocher les wagons avec la trilogie originale, poussant parfois à l’absurde (je pense notamment à Jango Fett, son fils Boba, l’amitié entre R2-D2 et C3-PO ou encore l’apparition de la future famille de Luke sur Tatooine…).


On se félicitera des entorses de Lucas à ses propres règles (sabre laser violet de Mace Windu, réutiliser le Gungan le plus détesté de la galaxie pour un coup d’éclat dans la deuxième partie du film…).


Mais, que serait une critique de ce film sans parler de ce-dont-on-ne-peut-et-doit-pas-parler ? La romance entre nos deux tourtereaux. Qui réussi l’exploit de sembler aussi naturelle qu’artificielle. Naturelle ou évidente, tant on sent monter la dramaturgie autour d’un amour impossible et interdit, dont la conclusion forcément tragique sera la pierre angulaire du troisième opus ; et complètement artificielle tant elle est desservie par un dialogue monstrueusement con entre les deux personnages, dont son parachèvement restera les lignes sur la grossièreté du sable qui font le bonheur des Internet depuis…


Et sur les 2h20 du film servi par des moments plus que bons (l’introduction, le passage sur Kamino, la course poursuite dans l’espace de Géonosis, la globalité de la scène de l’Arène, et le début de la Guerre des Clones), ce film se fera continuellement descendre et crucifié pour ses quinze affligeantes minutes. Et qui vaudront au deuxième interprète d’Anakin, un pourrissage en règle dans la lignée du premier.


Bref, comment le dialoguiste Lucas a sabordé le travail plutôt réussi du réalisateur Lucas et des efforts du scénariste Lucas. Ou comment un Basilic (pas le bon Univers, je sais) s’étouffe avec sa propre queue. Ou quand le tête pensante d’un Univers est aussi l’artisan de sa faiblesse…


PS : la note de 7 est selon moi amplement méritée. Je reste sur ma décision originale.

BlackHornet
7
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Créée

le 5 mai 2022

Modifiée

le 3 mai 2022

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