Un génie qui n'a d'égale que son ambition et son égo ?

Dans la foulée des biopics sorti et nominé chez nos voisins américains aux Oscars du cinéma de 2016, Danny Boyle, réalisateur populaire pour les excellent Transpotting et Slumdog Millionnaire a fait son retour deux ans après Trance avec une nouvelle biopic sur le célèbre inventeur et entrepreneur dans le milieu de l’informatique et du digital, Steve Jobs après une tentative qui a beaucoup déplu en 2013 avec Jobs de Joshua Michael Stern.


Personnellement ça a été un grand plaisir de découvrir cette biopic au cinéma (dans sa langue originale pour une fois), car c’est ce film qui m’a introduit davantage au cinéma de Danny Boyle et à faire un cycle lui étant consacré. Sans être un réalisateur sans faille, Boyle s’est attaqué à de nombreux genres et s’efforce toujours d’innover ne serait-ce qu’un minimum dans sa mise en scène et la narration dans ses films. Comme le démontre le biopic sur Aaron Ralston dans 127 heures, ou la fausse comédie pour adolescent Petits meurtres entre amis. Sauf qu’ici, la biopic sur Steve Jobs était un projet qui était en pré-production depuis un moment et qu’il a été engagé en cours de route à la place de David Fincher pour réaliser cette biopic.


Tout le film est un long portrait sur l’homme considéré comme le visionnaire qu’était Steve Jobs, à travers trois événements majeurs de sa vie. Si le procédé n’est pas novateur dans la forme (Lincoln et Selma avaient fait de même, avec un seul événement, afin d’établir une image d’Abraham Lincoln et de Martin Luther King), elle fonctionne parfaitement ici dans les trois parties qui sont bien équilibrées dans leur durée malgré un sentiment de répétition qui se fait sentir après le visionnage.


Chaque partie prend son temps pour développer l’état des relations entre Steve Jobs et son entourage, en particulier Joanne Hoffman la responsable marketing et sa fille Lisa. Si tout le film prend le point de vue de Steve Jobs, il réussit toujours à donner de plus en plus de profondeur et de consistance aux personnages qui entourent l’inventeur de l’Imac, ce qui permet de toujours avoir un intérêt pour tel ou tel personnage.


Ce qui fait marcher ces trois parties, c’est surtout l’écriture ainsi que la performance du casting qui est très difficile à reprocher en termes de qualité. Chaque dialogue que Steve Jobs entreprend avec un des proches de son entourage est diversifié, riche et se distingue toujours du précédent, ce qui permet de faire le point sur l’état des rapports qu’entretient Steve Jobs avec son entourage, comme avec son premier associé Steve Wozniak qui sont passé d’amis d’enfance à des rapports très tendus au fil des années et des sorties des inventions de Jobs. De même pour les analyses et le point de vue de Jobs sur ses rapports, le commerce dans le milieu de l’informatique et ses décisions exubérantes quand à son ambition renforçant l’image de cet homme qui en ressort après avoir suivi les trois sorties d’ordinateur. Aaron Sorkin avait déjà fait du très bon boulot avec The Social Network, le mérite lui revient pour beaucoup ici en termes d’écriture pour les dialogues.


Le mérite revient notamment, et beaucoup, à Michael Fassbender qui continue de prouver son talent d’interprète, en plus d’accumuler des projets intéressant ou ambitieux actuellement. Très énergique mais toujours dans le ton juste pour jouer Steve Jobs, arrivant même à être drôle avec ses sarcasmes correctement dosé, et renforçant l’aspect complexifié qu’on peut se faire de cet homme qui veut avoir un contrôler sans pareil sur tout ce qui touche à ses créations. Le reste du casting fait un boulot sans reproche également, en particulier Kate Winslet fidèle à elle-même et Jeff Daniel (bien plus crédible et convaincant que dans Divergente : au-delà du mur, et de très loin). Seth Rogen aussi alors que je ne le suis absolument pas en principe, chacun campant un personnage très bien imagé par le script.


La mise en scène de Danny Boyle aussi aide à rendre la biopic vivante et bien moins académique et convenu que n’importe quel film destiné à gagner une simple statuette. Simple et quasiment dénué d’effet de style, jamais plate et plan-plan en plus de retrouver son style habituel avec certains cadres penchés et ses grandes prises de vues lors des présentations des inventions de Jobs. De même pour le montage image, un détail qui m’emmerdait pas mal dans ses Sunshine et Trance et qui posait plus problème qu’autre chose. Sans oublier la musique de Daniel Pemberton que j’ai globalement bien apprécié, le thème principal léger et simple à l’orgue créant une ambiance qui s’ancre très bien avec la biographie faite autour de Steve Jobs.


Tout cela constitue au final la grande force du film qu’est l’image à multiple facette du visionnaire de l’informatique qu’était Steve Jobs de son vivant, un génie incontestable mais en mal de relation avec sa famille, voulant contrôler tout ce qui touche à ses œuvres mais qui se révèle parfois plus humain que ne laisse paraître son obsession pour l’informatique, les prévisions marketing et sa réussite. Ces multiples facette étant renvoyé grâce à chaque échange qu’il aura avec son entourage (sa femme, le PDG d’Apple, son ami d’enfance et ancien co-associé, ainsi que son agente spécialisée en marketing). Aucun d’entre eux n’est jamais délaissé et ne semble jamais transparent, superficiel ou vide, chacun a son mot à dire dans les trois événements que narre cette biopic, on n’a pas affaire à des robots simplifié à l’extrême en terme de personnalité ou de background, même si Jobs reste le centre d’intention du début à la fin jusqu’à la présentation de l’IMAC en 1998.


Tantôt attachant voire touchant, repoussant, incontrôlable, exigeant et égocentrique, il y a beaucoup de mot pour le décrire ici à travers son parcours depuis sa présentation de l’Imac et sa relation familial, on se sent investi par le personnage car Steve Jobs a vraiment l’air humain ici et tient les ficelles pour rendre les personnages autour de lui vivant.


Le réalisateur de Slumdog Millionnaire ne fait pas un travail sans faille ni surpasse des metteurs en image comme Spielberg, Fincher, Scorsese, Eastwood ou encore Ridley Scott. Mais comparé à tout ce qui peut sortir à côté si on exclut les grands noms cités, Danny Boyle ne se permet jamais de faire un film sans personnalité juste pour la statuette, il cherche toujours à proposer quelque chose et il y met tellement plus de bonne volonté que n’importe quel cinéaste inconnu qui nous pond n’importe quel Spotlight.
Rien de mieux pour mettre en confiance avec ce film avant la suite future de Trainspotting programmé par Danny Boyle depuis un long moment déjà.

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