Dans la filmographie de Steven Spielberg, nous avons souvent tendance à placer son téléfilm Duel en tant que premier film d'une longue série, sous prétexte que ce dernier a connu ensuite une exploitation en salles à l'international, nonobstant le fait que Sugarland Express est le premier véritable long-métrage réalisé par Spielberg pour le grand écran. Hors il est primordial pour moi de faire la différence entre téléfilm et film de cinéma, leur conception étant totalement différente. Car malgré le brio de la mise en scène du futur papa de E.T, les origines télévisuelles de Duel se ressentent tout au long d'une production pensée pour le petit écran, même dans sa version longue bidouillée pour le cinéma. A l'inverse de Sugarland Express qui, malgré un sujet se prêtant parfaitement à l'exercice du téléfilm de la semaine, dévoile une envergure purement cinématographique.


Découvert à Cannes et malgré un prix du meilleur scénario, Sugarland Express connaitra un succès confidentiel à sa sortie, ses producteurs ne sachant pas trop comment vendre une oeuvre aussi pessimiste, et jonglant avec plusieurs tons. Il permettra cependant à Steven Spielberg d'hériter de la mise en scène d'une petite série B estivale peu attendue, mais qui connaîtra un succès retentissant, propulsant son cinéaste sur orbite.


Librement tiré d'un fait divers survenu à la toute fin des années 60, Sugarland Express narre la cavale tragi-comique d'un couple ayant prit un officier de police en otage, afin de récupérer la garde de leur jeune enfant. Qu'il s'agisse des deux anti-héros, montrés comme des gamins irresponsables mais prêts à tout pour retrouver leur gosse, ou du chef de la police locale tentant de boucler l'affaire en faisant le moins de casse possible, Sugarland Express ne porte jamais le moindre jugement sur ses personnages principaux. Bien au contraire, le film fait preuve d'une véritable tendresse, notamment dans la relation très paternaliste entre les fugitifs et le policier qui les traque, ainsi que dans celle, fusionnelle, avec le jeune officier kidnappé.


A l'extrême opposé, Sugarland Express s'en prend violemment aux excités de la gâchette, et plus encore aux médias, vautours pourchassant le moindre scoop et influençant fortement l'opinion publique. Le film s'attarde d'ailleurs sur la fascination morbide de l'Amérique pour ses hors la loi, qu'elle transforme, en dépit du bon sens, en véritables héros nationaux.


Dans ses courses-poursuites comme dans ses moments plus intimistes, Sugarland Express témoigne de l'incroyable fluidité de la mise en scène de Steven Spielberg, le bonhomme mettant brillamment à profit son expérience à la télévision. Le film bénéficie également de superbes paysages, dont la beauté est renforcée par la superbe photographie de Vilmos Zsigmond.


Porté par un excellent casting mené par une Goldie Hawn aussi solaire que manipulatrice et par la partition épurée de John Williams, Sugarland Express marque les débuts au cinéma d'un cinéaste talentueux, une oeuvre tout autant tragique qu'absurde, aussi attachante qu'émouvante, s'achevant sur un final sacrément amer.

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le 15 juil. 2015

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Gand-Alf

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