Suicide Club, ovni bien timbré que seul un réalisateur japonais pouvait mettre en scène, se situe comme un drame horrifique qui pointerait la société en plein délitement que seule une caste particulière peut remettre en selle pour parvenir à une unité tant désirée envers les uns et les autres.
Le film oscille entre la contemplation d’un néant que les visages des personnages flics savent exprimer tant ils restent neutres et isolés contre leur gré, une rébellion assez morbide, l’étrangeté des comportements (Mitsuko voit son petit copain mourir et s’en va la tête ensanglantée dans un bar) et un humour sombre qui atténue la portée du geste sans minimiser son impact. Presque semblable à une épuration programmée destinée prioritairement à la jeunesse, la mise en scène se place dans le constat en rapportant les faits chronologiques d’un phénomène traité sérieusement ou à la légère pour certains en donnant lieu à des séquences au ton bien décalé. Celle du 28 mai à 28 min, deux jeunes lycéennes se lancent dans une conversation bien gaie sur l’envie de mourir et s’engagent à le faire comme si c’était un jeu. Cette envie est suivie par une bande de filles aux bentos qui en critiquait l’action moins d’une seconde avant et tout une ribambelle de lycéens. Cela laisse à penser qu’au-delà de l’acte, des valeurs humaines laissées à l’abandon par un déni quelconque reprennent vie à l’aube de la mort pour définir ces fameux liens tant souhaités. Cela reste bien évidemment une hypothèse.
Sono Sion a dirigé ses acteurs de telle sorte que les éléments émotifs restent confinés en-dessous de leurs masques, soit leurs visages pour traiter à juste mesure le lien qui semblerait les affecter d’une manière ou d’une autre. Mitsuko, blindée par sa carapace, affirme son moi, une identité qui lui est propre permettant de réussir l’épreuve sans jamais trahir ce qui la définit. Jusqu’à la fin, elle ne daignera lancer un regard affectueux ou un sourire qui n’est pas forcément un signe chaleureux mais l’esprit d’un caractère qui ne se plie à aucune exigence sociétale.
Le scénario bien ficelé n’utilise pas toutes les ressources de ses personnages (Kuroda, la Chauve-souris et Mitsuko) cantonnés chacun dans une ligne directrice qui lui est propre au lieu de les mélanger pour créer une dynamique dans l’investigation (un montage parallèle aurait été l’idéal pour les voir à l’œuvre). Ce n’est pas faute d’avoir essayé parce que Mitsuko achève le travail non résolu des flics à partir de la 80ème minute soit 40 min d’absence après sa dernière apparition face à Shibuwasa ce qui est long en terme d’absence et inégale en terme de présence. Bien avant que Kuroda s’efface, le film stagne dans son propre folklore avec le faux Suicide Club au bowling et réduit la force du personnage de la Chauve-souris à une pauvre victime criarde. Des défauts que la portée du film met au second plan pour ne pas lâcher son sujet trempé dans un spleen que seul le voyage à travers la mort peut stopper afin de réconcilier l’âme et le corps.