Terence Davies chante la liberté existentielle que la femme cherche pourtant au travers des fenêtres qui composent sa maison, que l’homme prétend éprouver en partant exécuter la tâche sanglante que ses pères exigent de lui. Cette liberté, d’ordre physique, s’éprouve un court instant, quelques jours, quelques mois, avant que l’Histoire ne vienne séparer les amants et briser la famille. C’est dire que Sunset Song déclame avec une beauté saisissante le déclin de l’astre solaire et des rayons ardents qui réchauffèrent il y a peu le cœur des jeunes personnes : le film fait de l’amour le plus pur et du mensonge le plus patriotique les deux pôles entre lesquels louvoient les protagonistes ancrés dans la terre écossaise. Les nombreux fondus enchaînés font ainsi cohabiter deux espaces, l’espace intérieur du foyer et l’espace extérieur composé de champs lumineux et sereins, aux semences balayées par les vents : la frontière entre le dedans et le dehors s’avère des plus poreuses, et les saisons semblent scander l’existence sensible de l’héroïne, magnifiquement interprétée par Agyness Deyn. Ici la femme est une figure qui tient tête au monde déréglé de la masculinité triomphante : destinée à éduquer à la fois ses propres enfants et ceux des autres – le métier d’institutrice revendiquée par Chris n’est pas anodin –, elle porte les valeurs de l’espèce humaine, est capable de pardonner et même de rendre sublime la désertion du père. Si le cinéma de Terence Davies est politique, cet engagement est donc à chercher dans le mouvement même qui anime chacun de ses films, dans les creux d’une œuvre au lyrisme fermement enraciné dans le quotidien de l’Écosse du premier XXe siècle. Dommage, par conséquent, que la lourdeur de certaines scènes, en particulier l’exécution finale relatée en flashback, ralentisse ce présent teinté de nostalgie qui aurait gagné à ne capter que le soleil naissant dans les fenêtres d’une cuisine encore déserte. Reste une œuvre sublime dont beauté rugueuse émeut profondément.

Créée

le 28 juin 2019

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