Lorsque j'ai découvert l'existence de ce film puis que j'ai lu le pitch, la première question que je me suis posé était : mais qu'est-ce que c'est que ce machin avec le nom d'un vieux caméscope qui a été produit par Spielberg et réalisé par Abrams ? Un hommage de J.J.Abrams à Stevie avec sous son regard bienveillant ? Une mystérieuse rencontre du troisième type avec un E.T, une maison et des vélos et un zeste d'aventure en mode Goonies ? Un truc un peu vintage à la réalisation léchée avec un gros budget ? Un film sur l'adolescence et surtout celle rêvée et idéalisée d'un Abrams sous influence "Spielbergienne" ? Et bien c'est un peu de tout ça à la fois...


On a une bande de gosses qui tournent un film amateur avec une caméra au format (suspense... !) Super 8 ! Pendant le tournage d'une scène la nuit dans une gare un train déraille à cause d'un de leurs anciens prof qui est en fait un ancien scientifique travaillant pour une division super top secrète du gouvernement et manque de tous les buter. Ils se tirent avant que l'armée n'arrive, parce-qu'évidemment le convoi contient un truc super top secret d'une division super top secrète de l'armée. En fait un putain d'alien extraterrestre bien badass qui veut rentrer maison s'est échappé du train, sauf qu'au lieu d'engager Schwarzy ou the SF Queen (Sigourney Weaver pour ceux qui seraient nés sur une autre planète) on a un mioche de 13 ans. L'âge qu'aurait eu Abrams en 1979, tiens tiens... D'ailleurs il ne devait pas beaucoup aimer sa mère... Non en fait il avait juste besoin de pathos pour rendre le film plus émouvant, mais c'est vraiment artificiel comme procédé. Après l'accident des gens se mettent à disparaître, c'est évidemment l'alien, puis l'armée tente d'évacuer la ville. Au moins le film garde le suspense jusqu'au bout concernant sa trogne et l'on évite de sur-exhiber le monstre. Pour ceux qui ne comprendrait pas de quoi je parle regardez Smaug dans le second volet du Hobbit comme l'exemple à ne pas suivre si l'hubris de la situation (en l’occurrence celui de Smaug) n'est pas voulu ou justifié. #sfxporn


Par contre l'extraterrestre en lui même est une sorte de gargantuesque pot-pourri :
- Comme E.T il veut renter chez lui. Par contre il ne monte pas sur un vélo avec une couverture ou je ne sais quoi.
- Comme le Predator il a une technologie très avancée malgré un apparence extrêmement primitive
- Comme l'Alien il fait un "nid" dans un réseau de galeries (forées par lui par contre) où il enferme ses victimes/proies.
- Comme les Zinzins de l'espace il est un peu débile (enfin il agit de manière illogique, mais ça revient au même) et cherche à réparer son vaisseau pour rentrer chez lui.


Inutile de charger le gamin, il est bien dans son rôle et puis il a une bonne bouille. Il a perdu sa mère après qu'elle ait eu un accident de travail un moment où elle n'était pas censée travailler et qu'elle remplaçait l'absent. Le type en question portant des espèces de rouflaquettes cheloues, il est donc forcément pas très net. Personne qui d'ailleurs a une fille nommé Alice dont Joe (oui, il a un nom aussi le mioche) va tomber amoureux. Son pote Charles (le réalisateur du petit film) aussi, mais comme il est gros il n'a aucune chance. Un peu de sérieux quand même. Après on a le gosse pyromane, qui ne sert à rien sauf au effets spéciaux du film, qui consistent à faire cramer et exploser divers objets. Les autres gosses sont assez anecdotiques. Et puis il y a le daron du petit Joe, le fameux condé un poil rigide avec un bon fond du cinéma américain. Dans le registre du classique voir caricatural ou même carrément stéréotypé on a le colonel ultra consciencieux jusqu'au-boutiste et le scientifique contrit. Et puis merde, c'est tous des putains de stéréotypes en fait, entre le gamin un peu loser qui prend la confiance, son pote gros, le gamin à lunette et celui avec l'appareil dentaire. Et la petite blondasse qui fait le mur avec la voiture à papa. D'ailleurs quand je l'ai vue j'ai fait : "oh putain elle est canoooon !". Ensuite elle est sortie de la voiture et là c'était le drame. Je lui ai retiré 4 ans en me demandant si ils n'ont pas fait exprès de la vieillir avec le maquillage et les effets de lumière...


Maintenant venons en au fait. L'histoire est certes assez classique dans un genre vu et revu mais bien plutôt menée et même fort agréable à suivre. Par contre la fin, cette satanée fin... Elle est certes cohérente par rapport au thème de la fin de l'enfance et de la pré-adolescence présent dans le film, mais elle est extrêmement décevante. Là c'est gros spoiler, on balance : le gosse se pointe devant l'alien et lui explique qu'il n'y a pas que des gens méchants dans ce monde de brutes et qu'il doit les laisser en vie parce-que ce sont de gentils enfants... C'est d'une vanité... Merci J.J.Abrams, la prochaine fois qu'un bordel alien de 4 mètres de haut avec une force herculéenne ainsi qu'une vélocité féroce capable de démonter un bus comme si il s'agissait d'un vulgaire carton tente de me chopper et de me tuer je saurai quoi faire. Après on a l'héroïsme cliché du prince charmant Joe qui fait tout son possible pour sauver sa donzelle en détresse, l'armée qui fout le gros boxon, le daron à Joe qui se met à porter de plus en plus ses cojones à l'image de son fils et même un schlag fumeur de weed qui veut pécho la sœur du petit gros.


Même si j'ai tendance à être un tantinet méchant, je n'ai pas trouvé que des défauts à ce film et je pinaille quelque peu. Au moins le film est vraiment impeccablement réalisé, en plus la photographie est assurément superbe. L’univers est convaincant et on obtient une ambiance fin 70's absolument géniale, malgré un rendu un peu lisse. On sent que l'époque a été certainement idéalisée. J'y ai même trouvé une atmosphère "paradis de l'enfance" assez fantasmagorique dans les lieux, un peu en mode Goonies. L'histoire concerne des gosses, vue à travers des yeux de gosse (rassurez-vous, ce n'est ni un found foutage, ni un P.O.V...). Par exemple les parents sont quasiment étrangers à ce que font leurs enfants, ils ont un regard très superficiel. Sauf au début, où le père de Joe se la joue vieux réac et veut le foutre dans un camp d'été pour avoir la paix. D'ailleurs ce sont Joe et Alice qui "réconcilient" leurs pères respectifs (enfin les empêchent de se tirer dessus à vue, ce qui est déjà pas mal). Ce côté est assez réussi, tout comme l’ambiance science-fictionelle qui est totalement maîtrisée. Peut être même trop d'ailleurs. Au niveau de l'accompagnement musical c'est vraiment réussi, la musique est vraiment subtile et discrète. On est loin de certaines bandes-son grandiloquentes si caractéristiques des blockbusters. Les bruitages sont au niveau aussi, vu le budget c'est le contraire qui serait inquiétant... Quand au sujet assez lourd du deuil et de la culpabilité il est assez vite éclipsé par le positivisme du film. On peut voir ça comme une bonne ou une mauvaise chose mais en tout cas ça ne m'a pas dérangé et j'aurai trouvé ça inutile d'en rajouter sur le sujet au risque de rendre ça lourd. Ce qui n'est pas le but recherché par le film, qui vise plutôt l'entertainment et a le mérite de ne pas tomber dans la bêtise crasse.


En bref on a quand même un des meilleurs films pop-corn de ces dernières années. Certes vraiment léché, mais à qui il manque malheureusement quelque-chose de très important : une âme un peu plus consistante. À force de vouloir faire comme Stevie, de s'inspirer de Stevie et même de faire bosser Stevie sur son film on obtient plus une compilation de ce qu'a pu faire Stevie dans le genre qu'un film d'Abrams. De plus le film est trop lisse et conventionnel pour que l'on y croie vraiment, et puis il tape trop fort à grands coups de nostalgie pour donner un simple air mélancolique à sa production, du coup ça manque clairement de naturel. Le surnaturel lui est en bonne place et ne surprendra personne tellement les références sont évidentes. Surtout ne pas brusquer le spectateur. Mais à côté des merdes souvent associées aux productions de ce calibre il est vraiment rafraichissant et pas vraiment déplaisant à regarder. Ce film n'est pas un boulet non plus, on navigue en terrain connu, Abrams est d'ailleurs très bon pour pasticher le maître. Malheureusement il apporte trop peu personnellement à ses films, ceci expliquant qu'il soit la coqueluche d'Hollywood choisie pour réaliser le prochain Star Wars... Je pense pouvoir prédire qu'il n'aura pas beaucoup de marge de manœuvre avec la prod constamment aux basques et que son film manquera de... personnalité.


Et pour finir une petite citation :



Ce n’est pas parce que tu as une personnalité que tu as de la personnalité.



Voilà, merci Quentin !

Brad-Pitre

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