Est-ce que ce titre veut dire quoi que ce soit ? Eh bien, comme pour le film, mystère et boule de gomme, à vous de vous faire votre avis hein ;D.


J'ai découvert l'existence de ce film en apprenant par hasard que c’était le 2e film préféré de YMS, un youtubeur cinéma anglophone qui m'est sympathique. Intrigué, j'ai donc voulu le voir. Il avait prévenu que c’était le type de film "qu'on a pas vraiment vu si on ne l'a pas vu au moins deux fois". J'aurais dû me douter de ne pas me fier à un type dont le troisième film préféré est le Roi Lion :P.


Selon lui c'est aussi un des rares films qui "insiste à être interprété, mais qui le mérite, là où de nombreux autres films du genre ne sont pas aussi profonds qu'ils le pensent". Je pense qu'il s'agit là du facteur clivant de ce film, qui à l'air de diviser la population en trois catégories principales : les admirateurs absolus qui disent "wow c'est un chef-d'oeuvre intégral, tellement profond et intellectuel, tu peux pas test" (Rogert Ebert en fait d'ailleurs partie), ceux qui n'ont vraiment pas aimé et qui disent "c'est de la merde pseudo-intellectuelle, prétentieuse et creuse" et les incertains qui savent pas trop quoi en penser mais qui n'ont pas vraiment aimé, comme moi.


Oui, je ne l'ai vu qu'une fois pour le moment. Non, je ne me suis pas contenté de juste le regarder et de prétendre que c'est une daube parce que je n'ai pas vraiment apprécié l’expérience personnellement. Dans ce cas de figure, je suis toujours curieux et je vais regarder ce que ses amateurs lui trouvent pour essayer de piger ce que j'ai pu rater (même si je dois admettre que dans la plupart des cas, ça ne change pas grand-chose à mon avis au final). J'ai lu la page Wikipédia qui aborde bon nombre des thèmes philosophiques et psychologiques du film. J'ai aussi lu plusieurs critiques sur SC et la critique d'Ebert ainsi que ses commentaires.


La qualité du film viendrait donc de sa richesse, de sa densité de concepts intellectuels et existentiels, de sa multitude d'interprétations possibles et de son universalité, dans ce qu'il parle de, et pour, chaque être humain. Selon le fan, on n'est pas sûr si le génie vient du travail d’orfèvrerie mis en place par Kaufman pour occulter de profonds messages existentiels au travers d'une forme énigmatique, ou de l'immense potentiel interprétatif de son œuvre, similaire à un test projectif comme le Rorschach. Pour moi, les deux options sont un peu contradictoires. Après, on pourrait envisager que faire une belle tâche de Rorschach qui ne veut strictement rien dire en soi, mais qui est très interprétable, c'est un travail d'orfèvrerie digne des plus grands génies, mais je dois admettre que personnellement je ne suis pas très convaincu.


Il vient donc se poser une nouvelle question : celle de l'importance de l'intention de l'auteur pour juger l’œuvre. Il y a des partisans des deux côtés et je peux respecter chacune des alternatives. Disons que pour moi, une œuvre "accidentellement" bonne n'en devient pas nécessairement une bouse absolue, mais ça ne devient pas un chef d’œuvre non plus, simplement parce qu'il y a une myriade d'interprétations possibles.


Si je venais à renverser un café par terre et que certains lisaient dans les motifs de la tâche des révélations d'une profondeur existentielle incroyable, je ne penserai pas avoir accomplis un chef-d'oeuvre, ni être un génie pour autant. Cette tâche n'aurait pas vraiment de valeur en tant qu'œuvre pour moi, même si j'avais fait plusieurs danses de la pluie avant pour que le café en fasse une belle en tombant. Je veux bien qu'une oeuvre puisse dépasser son auteur, mais il faut bien qu'il y ait quelque chose à dépasser à la base quoi. Après ça ne veut pas pour autant dire que les réflexions engendrées par la tâche, elles, n'auraient aucune valeur. Ça, je ne le remets pas en question, je pense qu'on peut avoir des réalisations profondes et marquantes déclenchées par un stimulus quelconque, et tant mieux hein. Mais si on vient parler de la valeur de la tâche en elle-même, en tant qu’œuvre d'art, je suis désolé, mais moi, je ne peux pas faire fi de l'intention de l'auteur et de ce qu'il ou elle mets en œuvre pour l'atteindre.


Certains me diront peut-être que c'est une mauvaise analogie, très peu charitable, parce que Kaufman ne s'est pas contenté d'un accident pour faire ce film. Certes, je n'essaye pas d'insinuer qu'il a fait totalement n'importe quoi au petit bonheur la chance. Mais à quel point maîtrisait-il l’œuvre ? C'est une question qui me chiffonne.


C'est vrai qu'il y a certains passages avec lesquels j'ai vraiment résonné, mais ils contrastent avec d'autres scènes pour lesquelles je peine à trouver ne serait-ce qu'une parcelle de sens.
Par exemple, la scène où il est au chevet de sa fille, avec son paradoxe discordant entre l’émotion forte et la situation (et surtout le dialogue) très absurde, pour moi n'en a aucun. On a du mal à savoir si la scène vise le tragique ou la farce d'un goût plutôt douteux. Certains diront que c'est justement là le génie, mais je reste dubitatif. Est-ce qu'on n'est pas là dans une sorte de biais de confirmation ? Un effet barnum du génie ? Chaque fois qu'on voit un moment qui nous semble profond, lourd de sens, émotionnellement puissant, on y voit bien la preuve du génie et on oublie en douce tous les autres où on n'a rien ni bité ni ressenti.


Je trouve ça trop simple de faire une petite soupe en mélangeant plusieurs thématiques philosophiques et psychologiques à l'envi et de venir dire ensuite "regardez ça tous mes grumeaux de trucs existentiels et complexes, si c'est pas du génie ça ma bonne-dame, je ne sais pas ce qu'il vous faut". L'art, c'est comme la cuisine, ce n'est pas juste parce que tu mélanges plein d'ingrédients individuellement bons ensemble que t'obtiens de la grande gastronomie.


C'est peut-être mon côté prolo culturel. Je n'aime pas trop les œuvres sur-complexes qui disent tout, mais sans vraiment rien dire. Me repasser en boucle une œuvre en griffonnant frénétiquement des notes pour essayer de piger quelque chose qui n'a potentiellement au fond aucun sens, c'est pas trop mon truc. Les œuvres qui me parlent le plus sont justement celle qui distillent leurs messages plus profonds via leurs personnages, leur intrigue et les émotions qu'elles nous font ressentir. Des messages d'abord compris intuitivement et émotionnellement plutôt qu'uniquement intellectuellement et à posteriori.


Je suis toujours mitigé sur ces œuvres très interprétables où le fait qu'il y ait un message intentionnel de la part de l'auteur est très ambigu. Le chef-d'oeuvre de Schrödinger, c'est un peu de la triche à mon avis. Est-ce qu'il suffit de provoquer suffisamment de confusion et ainsi d'obtenir le bénéfice du doute pour faire du grand art ?
Je suis plus à l'aise quand soit il y a une bonne interprétation (principale en tout cas), à la sorte d'un puzzle, soit aucune réelle intention précise, mais sans prétentions non plus de la part de l'auteur, qui s’intéresse plutôt à l’expérience véhiculée que le message.


Par exemple, l'intrigue assez sibylline d'Hotline Miami est une de mes préférées dans le jeux vidéo, mais ses auteurs ont admis eux-mêmes qu'il ne fallait pas trop chercher. C'est juste un délire avec plusieurs idées cool sans trop de cohérence, mais c'est ce qui m'a permis d'échafauder mes théories en connaissance de cause. Un des autres avantages avec ce jeu, j'imagine, c'est que l'histoire est somme tout assez discrète et qu'on a parfaitement l'option de n'y prêter aucune attention. Chaque joueur a donc le choix d'à quel point s'impliquer dedans. Malheureusement, l'intrigue est à peu près tout ce qu'il y a suivre dans Synecdoche, New York je n'ai donc pas bénéficié de ce privilège. Il y a bien quelques moments émotionnels forts et d'autres où l’absurdité en devient franchement drôle, je dois bien l'admettre, mais ce sont des petits îlots dispersés.


(Comme les séances chez la psy avec le livre, à propos d'un anti-sémite qui rejoint le KKK, dont l'auteur a 4 ans ou le dialogue suivant : "Caden does that feel terrible?" "Yeah." "Okay, good.")


Enfin bref, tout ça pour aboutir sur la critique la plus longue que j'ai faite sur SC jusqu'ici, sur un film dont je ne sais pourtant pas trop quoi penser. Comme quoi, même les réflexions autour de la qualité du film ont beaucoup de matière à interprétation. C'est véritablement un test de Rorschach fractalement méta, ce bouzin. (Bigre, je viens de voir qu'il est sorti un premier avril en plus, non mais quel petit troll ce Kaufman).


Quand je ne sais pas trop quoi penser, je ne cède pas à la facilité de défoncer l'œuvre, mais je ne vais pas non plus l'encenser en prêtant une confiance aveugle aux groupies.


Je vais donc me fixer sur un 6 pour l'instant, vu que le 5 de la médiocrité me semble un peu trop méchant.


Il faudra que je le revoie une nouvelle fois dans le futur, juste pour être sûr, même si j'ai la forte impression que je vais juste regretter deux longues heures de ma vie.

ashtrail
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le 29 sept. 2021

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ashtrail

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