Avec "Take This Waltz", l'inestimable Sarah Polley livre sa propre version des relations de couple et elle est très pessimiste, il est certain qu’elle s’est inspirée de sa propre vie pour écrire le film.


La cinéaste nous montre en fin de parcours quelque chose qu’on refuse tous de voir. C’est également présent dans ses deux autres films : le vide de notre existence, cette chose qui manque a notre vie et qui selon elle, ne pourra jamais être combler. Il manque quelque chose, pourquoi nous faisons parfois certaines choses ? Rien que peut combler ce manque omniprésent dans notre existence. Votre vie est remplie genre a 97 pour cent et il reste 3 pour cent de vide et vous pouvez essayer de le remplir : c’est impossible. Un vide, pas tant de choses mais de sentiments, d’affection.


Margot (Michelle Williams étonnante), jeune femme de 28 ans, mariée depuis cinq ans avec un type qui écrit des livres de cuisines.
Leur couple est fondé sur les non-dits, les moments de complicités, les excuses, c’est très routinier et Sarah Polley entends bien tailler un portrait de ce couple ordinaire, si ordinaire que c’est un reflet d’un couple. Pendant un voyage à Louisbourg en Nouvelle-Écosse, Margot croise Daniel, quelques échanges, quelques regards, des mots et elle découvre que cet inconnu habite juste en face de chez elle, un peu plus bas et elle va le hanter. Son couple se délite au fur et a mesure du film et Sarah Polley nous épargne le suspense : car la première scène, si on est physionomistes est également l’avant-dernière du film : on sait qu’elle finira avec ce voisin… ou toute seule comme nous l’insinue le dernier plan sur la chanson très connue "Video Killed the Radio Star" des "The Buggles" qui passe plusieurs fois.


Sarah Polley en tant que femme devrait avoir une sensibilité, au lieu de ça, elle ne ménage pas le spectateur, elle ne cesse de casser ses illusions sur le genre humain, le mariage de Margot durera cinq ans (comme le premier mariage de Sarah Polley).


La cinéaste cite ses références et n’a pas peur de choquer : c’est justement là que le film pêche : sa sensibilité semble être remplie de désillusions et elle ne ménage pas le spectateur : ainsi on voit des grands-mères toutes nues frontales (j’ai pas pu regarder, c’était trop degueu', j’avais légèrement la gerbe), elle filme des partouzes, des actes sexuels très explicites, les dialogues sont très crus mais pour les dialogues, ce n’est pas désagréable, ce serait plutôt la manière féroce dont Sarah Polley décrit les relations humaines.
La réalisation est inspirée : caméra mouvante, plans très rapprochés.


Surtout, elle as un véritable don pour filmer l’incommunicabilité, sa vision très exacte de l’existence pourrait faire peur tant elle tient à montrer toutes les frustrations de la vie ordinaire.
Mais elle ne veut pas dire que "notre vie est nulle", elle ne s’apitoie pas sur son sort mais plutôt qu’il manque indéniablement quelque chose. Parer à cette éventualité, Sarah Polley nous balance plusieurs métaphores avant de glisser vers cette histoire d’amour qui semblerait remplir le vide de l’existence de Margot. Elle est aidée par un très bon casting : Michelle Williams bien loin de ses amourettes dans "Dawson" est constamment sur le fil, juste, détachée mais qui semble correspondre à son personnage, elle est étonnante et la cinéaste ne la ménage pas pourtant : montrer la vie quotidienne d’une jeune femme : c’est la montrer… dans tous ses états : on la voit plusieurs fois toute nue, faire ses besoins, baiser. Sarah Polley capte chaque fragment de son héroïne avec une incroyable précision, elle ne rate rien. Luke Kirby, impeccable dans son rôle de voisin est lui aussi très naturel, un plan le montre en train de fumer une clope sur un banc juste devant chez lui : on croirait qu’il a fait ça toute sa vie, il as une vraie présence a l’écran ; Seth Rogen, dans un rôle à contre-emploi (il est plus connu pour ses prestations comiques), s’en sort pas mal, peu à peu, on s’attache a ce nounours attachant un brin lunatique.
De prendre des acteurs comiques pour jouer des personnes comme vous et moi : c’était le pari de Sarah Polley, volontaire. Michelle Williams, visiblement n’as plus rien à prouver comme actrice, elle apparaît dans quasiment toutes les scènes : oui, c’est encore le portrait d’une jeune femme, ce film.
Margot voudrait être ailleurs, on le sent dès le début, elle cherche autre chose mais quoi ? Le dernier plan ou on voit sur un manège, se prendre dans la musique (la même chanson que j’ai cité plus haut) semble nous indiquer une réponse. Le film pour ses 111 minutes passe plutôt très vite, vous avez l’impression qu’il dure a peine une demi-heure.


"Take This Waltz" est un film très original, légèrement enfantin, rempli de couleurs légères et jolies, aussi dans le comportement de Margot et son mari Lou : dans des délires enfantins, le film est léger dans ce sens la, euphorique et c’était risquer mais ne prends jamais le parti du drame pur et dur sauf peut-être a la fin quand la sœur de Lou (Sarah Silverman) prends le parti de dire les choses. Le film montre que la vie n’est pas facile, remplie de non-dits, de réconciliations, de frustration, d’humour et ces problèmes de communications. Sarah Polley a pris le choix casse-gueule de montrer son opinion du couple à travers un film : ainsi dans une scène au restaurant, Margot et Lou fêtent leurs cinq ans de rencontre au restaurant mais ils n’ont rien a se dire, Lou ne veut pas faire semblant de dire quelque chose juste pour dire quelque chose.


Pour Sarah Polley, il est clair, qu’au bout de cinq ans de mariage, on a plus rien a se dire, ses opinions, elle les fait dire dans les bouches de ses personnages : on sent l’authentique, le vrai. Au delà, de l’aspect euphorique du film, de certains de ses répliques qui sont très tristes, montrant le dérisoire d’une relation amoureuse, ses répliques se révèlent être très drôles car très franches. Le film ne hausse pas le ton, quasiment jamais.


Quand Lou comprends que Margot aime Daniel, il la laisse partir, sans lever la voix, il lui dit simplement de partir, parce que visiblement c’est ce qu’elle veut. Sarah Polley, qui n’est jamais en manque d’humour montre la réaction de Lou après, à travers une série de plans fixes ou il est assis sur une chaise face à nous, Seth Rogen peut y aller de son talent pour exprimer plein d’émotions différentes Margot le rejoint pensant le trouver à la plage et le temps d’un travelling subjectif, elle le voit et puis ils sont tous les deux, refusant d’attendre trente ans.


Par ailleurs, si il n’est rien dit sur l’enfance des protagonistes, il est fortement insinué que Margot a été violée : ça se voit dans sa façon de réagir, elle est très lunatique, dans une scène, elle et Lou s’amusent et il l’appelle : "Petite fille." alors qu’il l’embrasse sur la bouche, le jeu tourne court et Margot dit vexée qu’elle ne veut pas qu’il l’embrasse sur la bouche en lui disant "Petite fille." : pourquoi ? La théorie qu’elle a été violée toute petite semble la plus probable, d’ailleurs si la famille de Lou est bien présente, on ignore tout de la famille de Margot : rien est dit sur sa famille du film, elle n’est jamais mentionnée.


Par ailleurs, Sarah Polley visiblement maître de sa magnifique mise en scène, s’amuse avec les bandes-originales, elle a toute une collection de chansons qui apparaissent des le début, l’actrice-cinéaste se serait inspirée de la chanson éponyme de Léonard Cohen (que l’on entends quand Margot et Daniel se mettent a danser et puis où on voit leur vie en accélérer) pour écrire le film, mais aussi plein de chansons et on se demande un peu parfois si les chansons sont écoutées par les personnages ou que c’est seulement des bandes-sons.


Sarah Polley s’éclate aussi quand son film prends le parti d’une comédie musicale dans une scène sacrement osée : ainsi on entends une chanson, Margot est à l’intérieur de la maison, Lou dehors de l’autre cote de la fenêtre, assis sur le pavillon, quand la camera cadre a l’intérieur, on entends la chanson, quand la camera cadre de l’extérieur, on entends pas la chanson et on comprends que c’est une chanson que Margot écoute à la radio (bien qu’on ne voit aucune radio a l’écran) et se met à bouger les lèvres en silence interprétant la chanson, Lou la voit et fait la même chose et ils se regardent en le faisant.


Les relations de couple, les ruptures, incommunicabilité entre les êtres, le vide sentimental obsède Sarah Polley : ce sont ses thèmes fétiches.
Mis a part, le plan des grands-mères toutes nues (qui m’as traumatisé),"Take This Waltz" est un film Vraiment Différent, il est genre de films ironiques, piquants et à la fois extrêmement réalistes et précis, en le tournant Sarah Polley savait très bien ce qu’elle faisait. En fait, elle montre la réalité mais pas d’une façon dramatique et frontale mais légère, gaie et qui mine de rien te balance des piques et un reflet sur la réalité. Un film étonnant, dont tu sors pas indemne, encore toute ces images dans le crâne et puis peu à peu que le film se déroule, tu l’apprécie de plus en plus et le final : la dernière scène : Margot sur un manège, sur une chanson, un visage passif d’abord puis est prise par l’action. Un dernier plan comme je les aime : magnifique.

Derrick528
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les années 2010 que j'ai vu et Les films canadiens que j'ai vu

Créée

le 7 août 2021

Critique lue 110 fois

1 commentaire

Derrick528

Écrit par

Critique lue 110 fois

1

D'autres avis sur Take This Waltz

Take This Waltz
Rawi
7

Critique de Take This Waltz par Rawi

Après avoir vu sa sortie reportée maintes fois, elle est depuis ce matin officiellement annulée par UGC. Sortie en DVD le 15 mai J'ai hésité entre 7 et 8 (pour la grâce de Michelle) Le scénario de...

Par

le 18 avr. 2013

36 j'aime

9

Take This Waltz
Gand-Alf
8

Eternel recommencement d'une valse incessante.

La comédienne Sarah Polley avait fait des débuts remarqués à la mise en scène en 2007 avec "Loin d'elle", drame pudique fort intéressant mais qui ne m'avait pas d'avantage touché que ça. Avec un...

le 11 mars 2014

24 j'aime

6

Take This Waltz
BobineSélective
9

Intelligent, juste, beau, sincère, drôle... : la perfection.

Il y a des films qui vous bouleversent. Je pensais avoir perdu ma capacité à m'accrocher à ce point à un film. Ça faisait si longtemps que ça ne m'était pas arrivé... Take this waltz c'est un film...

le 11 sept. 2012

15 j'aime

1

Du même critique

Love Sux
Derrick528
7

Retour aux sources

Avec le single "Bite Me" sorti il y a quelques mois : un son bien pop-rock et un clip qui nous rappelait les bonnes années 2000, il était clair qu'Avril Lavigne allait revenir à ses sources, à ce qui...

le 25 févr. 2022

3 j'aime

13 vies : Une vision du Japon
Derrick528
7

Traversées humaines

Cet anime anthologique est une adaptation d'"Human crossing" : manga publié entre 1981 et 1991. Il s'agit de 13 histoires indépendantes les unes des autres narrant les histoires de japonais(e)s...

le 10 sept. 2022

2 j'aime

Souvenirs goutte à goutte
Derrick528
9

Ce qu'il nous reste de notre jeunesse

J’ai continué mon cycle Takahata avec « Souvenirs goutte à goutte », c’est le film qui m’intriguait le plus dans la filmographie du réalisateur, ayant lu vaguement le pitch : d’une personne se...

le 7 oct. 2021

2 j'aime