Tarnation
7.2
Tarnation

Film de Jonathan Caouette (2004)

TARNATION (ou L’exutoire et la libération de Jonathan)

Tarnation, anagramme de Tarantino ou mélange de « Eternal » et « Damnation », signifiant incarnation déchirée (c’est vous qui choisissez) est une claque dans ta gueule !


Repéré par Gus Van Sant, projeté en 2003 à Sundance, à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes et au Festival de Los Angeles, où il reçoit le Grand Prix, Tarnation est un film au budget dérisoire de 218$, monté sous IMovie, avec comme matière principale des centaines d’heures de rushes (Super-8, VHS, DV), mais également des photos de famille, des messages laissés sur répondeur, des cartons à l’instar des films muets.


Jonathan Caouette se raconte dans ce film, où il retrace le destin de sa famille mais surtout le sien et celui de sa mère. Pourtant tout paraissait comme un rêve américain : Rosemary et Adolph (ses grands-parents) se rencontrent, sont amoureux et se marient. Adolph a une épicerie, qui marche plutôt bien à Houston. Comme dans tout conte de fées, ils ont un enfant, Renee. Pour elle aussi, tout commence bien : elle est plutôt jolie et est repérée gamine par un photographe new-yorkais et se retrouve dans des spots tv, des magazines de mode, …


Mais voilà la vie n’est pas un rêve américain. A 11 ans, elle tombe du toit de sa maison, entraînant une paralysie des membres pendant 6 mois. Ses parents, pensant qu’elle fabule, décident, sous l’avis d’un voisin, de lui faire subir des électrochocs ! Elle parcourt l’état d’hôpital en hôpital (une bonne centaine), afin d’essayer de soigner sa « maladie mentale », déclenchée par les électrochocs, à coup d’électrochocs. Adulte, elle rencontre un type, se marie. Il lui fait un gamin, Jonathan, et prend la poudre d’escampette. Renee n’est pas vraiment apte à gérer un gamin. Il se retrouve placé dans des familles d’accueil et finalement adopté par ses grands-parents. Il revoit de temps en temps sa mère dans son appartement. Un jour, un dealer est là, il lui file 2 pets, qui passent mal et Jonathan déclenche une dépersonnalisation. Désormais il est là, sans être là, comme à côté de la réalité, comme dans un rêve.


A 11 ans, après avoir fait de son grenier une salle de ciné, avec cabine de projection, il acquiert une caméra et va se filmer pendant 20 ans. Sa caméra lui servira de protection contre le monde, qu’il ne comprend pas, mais également d’arme contre lui-même et ses troubles, puisqu’il se mettra en scène dans sa réalité à lui. « Filmer n’a jamais été seulement pour m’amuser. C’était un mécanisme de défense. C’était une question de vie ou de mort. » (Caouette)


Le film et surtout son montage mettent bien en avant ce qu’est la dépersonnalisation à coup de démultiplication, superposition, destruction d’images, avec des effets kaléidoscopiques hypnotiques. C’est un documentaire de part la proximité des images réelles, mais également un film avec la distance que met Caouette, en utilisant la 3ème personne, pour parler de lui (non, il ne se prend pas pour Delon ^^).


Tarnation, c’est un journal intime, une catharsis exutoire, et surtout, comme le dit Caouette, « une lettre d’amour à ma mère ». Encensé par la critique, je vous conseille également, si vous le trouvez, son deuxième film « Walk with Renee » et comme le dit son grand-père, Adolph : « Le temps s’éclaircit mais il pleut encore. Tout revient à la normale. C’est drôle comme le temps change, du soleil à la tempête ! ».

floops
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le 13 sept. 2016

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floops

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