A première vue simple vigilante movie, Taxi Driver est en fait bien plus que cela. Ici Travis Bickle est un soldat qui rentre du Viet-Nam et plonge peu à peu dans les enfer de son âme. Insomnies, solitude renforcée, et besoins refoulés le conduisent peu à peu dans la folie jusqu'à ce qu'il croise une jeune prostituée de douze ans qu'il va décider de sauver, comme sa seule rédemption possible. Ce n'est donc pas seulement une simple histoire de vengeance et de justice personnelle qui anime le personnage mais un mal-être permanent, bien représentatif d'une génération enragée par cette guerre du Vietnam.

Car si elle n'est jamais montrée, c'est bien de cette guerre et de ces désillusions dont il est question ici. Le personnage de Travis est si marqué par ce qu'il a vécu et cette éviction qu'il est mentalement déséquilibré et va se placer lui-même en marge de la société. Robert De Niro arrive ici à parfaitement retranscrire toute la solitude et le mal qui ronge son personnage tout en exprimant une rage à faire frissonner. La scène que tout le monde a retenu du film (le culte « You talkin' to me ?» face au miroir) et passée à la postérité est évidemment la plus représentative dans la plongée dans la folie du personnage. Mais cette folie est bien compréhensible par le public qui ressent aussi difficilement le rejet de Travis par Betsy qu'il ne peut que cautionner son attitude vis-à-vis de la jeune Iris. On notera d'ailleurs également participation au casting d'Harvey Keitel qui retrouve donc De Niro après Mean Streets mais surtout la révélation de Jodie Foster qui, si elle n'en est pas à son premier film (Scorsese venait justement de la diriger sur Alice n'est plus ici Harvey) doit composer à 12 ans le rôle d'une jeune prostituée qui se satisfait plutôt bien de sa position.

En plus de la performance de Robert De Niro, il y a aussi l'esprit désespéré qui habite les Etats-Unis à cette période qui est parfaitement retranscrit dans le récit de Paul Shrader et la mise en scène de Martin Scorsese. Avec la fin de la guerre du Vietnam, le Watergate et le choc pétrolier (et un second imminent), le flower power a laissé sa place à une rage latente et une souffrance muette qui ressurgissent pleinement dans Taxi Driver et qui préfigure déjà ce qui va arriver dans les années 80. Ici Scorsese nous fait errer de nuit avec le taxi de Bickle dans un New-York poisseux où règne la perversion et l'inhumanité, comme si la ville n'était remplie que d'âmes égarées. Le réalisateur reste accrochés à son personnage et nous montre la ville telle qu'il la voit, sous son jour le plus noir et violent. Le seul rayon de soleil qui y vivait a disparu (Betsy) et Iris reste donc le seul espoir de renaissance d'un homme mais aussi d'un système en pleine déchéance, jusque dans un final sanglant d'une rare violence, autant physique que psychologique.
FredP
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le 15 mai 2011

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