Film inédit en France si j'en crois ce brave Jean-Pierre Dionnet qui présente - toujours - avec le même enthousiasme et la même passion les DVD des films de Douglas Sirk …
C'est une belle découverte que ce film plutôt policier qui est réalisé en 1951 donc bien avant les mélodrames qui feront sa réputation. Par contre, c'est le premier film pour la Universal qui sera la société dans laquelle il poursuivra sa carrière américaine commencée dès 1940.
Le scénario est adapté à partir d'une pièce de théâtre. En première approche, il parait un peu brut de fonderie. Dans un contexte d'inondation catastrophique, les habitants d'une ville vont se réfugier dans le couvent voisin qui fait aussi office d'hôpital. Parmi les réfugiés, une prisonnière condamnée à mort (Ann Blyth) pour le meurtre de son frère voit son exécution ajournée. Une bonne sœur (Claudette Colbert) a l'intuition de son innocence et, avec les moyens du bord, va reprendre l'enquête …
Très rapidement, on comprend que la condamnation a été prononcée sur des bases erronées.
En fait, le scénario est un peu plus subtil que ça. En effet, cette inondation catastrophique est l'occasion (inespérée, fortuite) de réunir plusieurs personnes impliquées dans le drame qui, sans ça, ne se seraient jamais revues, laissant la justice suivre son cours. D'ailleurs, c'est l'inondation qui donne le tempo au film. D'abord, la montée des eaux avec la crise liée à la présence de la criminelle dans le couvent. Puis, l'eau étale qui correspond à l'enquête, à la découverte d'anomalies. Puis la décrue des eaux avec le dénouement.
Autre point intéressant, c'est le personnage de la bonne sœur qui "mène" l'enquête dont la motivation est d'autant plus forte de voir une innocente dans le personnage d'Ann Blyth, qu'elle-même porte en elle la responsabilité du suicide de sa propre sœur. Ce point est intéressant car il me semble annoncer les ambiguïtés de beaucoup de ses personnages à venir ("Le secret magnifique", "le mirage de la vie", …)
D'après Jean-Pierre Dionnet, Douglas Sirk n'avait pas gardé un bon souvenir de "tempête sur la colline" parce qu'il n'avait pas pu tout maîtriser. Il n'empêche que le travail de mise en scène n'est pas du tout honteux en donnant une impression d'utilisation de l'espace de ce couvent avec les nombreux escaliers et corridors, les mises en perspectives des acteurs dans des pièces différentes. Il en résulte un beau film sombre avec une photographie qui joue beaucoup sur les contrastes de lumières et d'ombres.
Quant aux acteurs, j'ai bien aimé le jeu de Claudette Colbert tour à tour pleine de douceur et de fermeté, laissant entrevoir ses fêlures et ses vulnérabilités. Son costume de nonne ne lui laisse que son visage ovale, empreint de grande bonté. Magnifique. On ne dirait jamais qu'elle approche de la cinquantaine …
En ce qui concerne Ann Blyth, son entrée en scène est un peu trop théâtrale et ne me parait pas correspondre à l'attitude de quelqu'un proche de son exécution.
Pour finir, pour moi, "tempête sur la colline" est un bon film qu'on suit avec grand intérêt. Il semble, toujours d'après Jean-Pierre Dionnet, que la production voulait aboutir à un film religieux contre la volonté du cinéaste. Je pense que Douglas Sirk a parfaitement tenu son objectif de faire, non un film religieux, mais un film avec des religieuses…