O.F.N.I.
Visuellement impressionnant, Tetsuo a ouvert des portes aux réalisateurs cultes contemporains. Que ce soit Cronenberg, Fincher ou certains frenchies comme Noé ou Kounen, ils sont nombreux à s'être...
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le 9 avr. 2013
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Le film Tetsuo, sorti en 1989 et filmé en 16mm, me paraît comme étant un exemple unique du mélange entre transhumanisme, cyberpunk et body horror au cinéma (je me pencherai davantage sur ces termes à la fin de l'analyse).
Que ce soit le montage violent, les effets spéciaux dérangeants bien que cheaps ou encore la musique hallucinatoire industrielle et noise (composée à l'aide de pièces de récup), tout est fait, ici, pour nous marquer à vif.
Si bien qu'il est difficile d'en ressortir indemne. Je pense qu'il s'agit de ce genre de film qui peut en fasciner certains alors que d'autres passeronts totalement à côté de la proposition de Shinya Tsukamoto.
J'en profite pour faire un petit avertissement : Sachez que ce film ne nous épargne pas dans la violence qui nous est montrée. Vous serez en proie aux scènes ultra-violentes, aux métamorphoses dégoûtantes, au sexe malsain et au montage épileptique.
Le caractère expérimental du premier long métrage de Tsukamoto pourra en déboussoler plus d'un mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une autoproduction du réalisateur et donc de sa vision inaltérée du projet.
Là où certains films de science fiction délivrent de grandes morales, posent des questions sociales et philosophiques qu'englobe le concept de transhumanisme ; Tetsuo, lui, nous invite dans un monde cinématographique fou et enragé. Ici, il n'est pas question de comprendre ce que l'on voit mais de ressentir.
Ce n'est pas si important que ça d'après moi mais je peux vous faire un résumé du film :
Un "homme moyen" et sa compagne renversent un autre homme en voiture et commettent un délit de fuite. L'homme moyen rentre chez lui et se métamorphose petit à petit en monstre de métal.
S'en suit plusieurs situations et conflits sanglants.
Il perd son humanité comme il perd toute notion de vie ou de mort, de plaisir ou de douleur et surtout de morale.
À la fin, il fusionne avec l'homme infecté pour devenir une grosse machine de guerre phallique et s'en va pour détruire le monde entier.
Tsukamoto tourne, avec ce premier projet, sa filmographie vers le questionnement sur l'individu et de sa place dans un univers nourrit par les références de l'auteur.
Au croisement entre le cinéma japonais et ses kaïjus (Godzilla), l'esthétique et le jeu expressionniste (Le cabinet du docteur Caligari), les mangas et les dessins animés (Akira), la pornographie dans son aspect violent et mécanique (performances fantasmées) et, bien-sûr, les mutations propres au body-horror cher à David Cronenberg (La mouche, Vidéodrome) ou John Carpenter (The Thing). Shinya Tsukamoto va donc puiser dans toutes ces influences pour accoucher d'une oeuvre absolument subversive.
J'apprends avec plaisir que Tsukamoto s'est inspiré du manga et film d'animation Akira (le film est sorti un an avant Tetsuo), véritable bijou d'animation et pierre angulaire du cyberpunk japonais, dans lequel un personnage appelé Tetsuo (tiens, tiens...) va subir des mutations monstrueuses jusqu'à perdre le contrôle. En regardant le film de Tsukamoto, je remarque un nombre tellement important de similitudes que l'on pourrait carrément parler d'hommage.
Dans une société déshumanisée qu'est le Japon, on remarque que l'homme perd petit à petit sa place avant de se faire remplacer. Dans Tetsuo, le personnage principal ne fait plus qu'un avec la machine. La forme du film semble dépeindre de façon ambiguë et psychotique une fresque de la société japonaise futuriste ayant héritée des traumatismes qu'ont été la seconde guerre mondiale et l'impérialisme des USA.
En effet, l'horreur mécanique de Tetsuo semble intrinsèquement liée à l'essor technologique du Japon et de son histoire. La technologie, au-delà de faire progresser les conditions de vie, sert à la guerre et laisse des marques indélébiles dans la culture japonaise.
Ces inspirations culturelles vont se mêler à l'interprétation que fait le réalisateur de la société japonaise jugée comme dystopique ou plutôt pré-apocalyptique.
J'ai vraiment adoré le visionnage de ce film culte dont j'avais entendu parlé depuis longtemps.
Une véritable claque. Un choc intense qui dure 1h07m.
Le montage épiléptique voire subliminal rend les plans presque incompréhensibles si on tente de les analyser un à un. Cependant, chaque image, chaque vision que Tsukamoto nous délivre transpire la classe. C'est un avis subjectif bien-sûr mais c'est une pépite pour tous les amateurs de films qui n'ont pas peur d'aller au bout de leurs ambitions peu importe leur budget. C'est aussi une pépite pour les amateurs de trucs bizarres, creepy, over the top, gore, dégueulasse, etc.
Il n'est pas nécessaire d'analyser ce film plan par plan car il se regarde comme un tout.
La rage extrême que ce film dégage et l'impression d'avoir été hypnotisé qu'il me laisse me fait dire qu'il s'agit d'un métrage spécial.
Comme dit plus haut, c'est un film qui se ressent avant tout.
Et, comme promis, voici venu le moment de vous parler du concept de cyberpunk, de body horror et de transhumanisme (je ne vais qu'effleurer les dits sujets) :
Le transhumanisme est le concept de faire évoluer l'humain à travers les progrès de la technologie.
En réfléchissant deux secondes on voit déjà comment le transhumanisme influence notre société. En effet, qu'il s'agisse de la chirurgie esthétique, des pacemakers, des implants auditifs, des prothèses mécaniques voire même des puces implantées chez les employés de certaines entreprises, l'être humain est vraisemblablement en train de fusionner avec la machine.
Les Zuckerberg et autre Elon Musk nous vendent un avenir cybernétique (neuralink, réalité virtuelle) tout droit sorti de la littérature de science fiction. Ces même romans qui utilisent fréquemment l'archétype du personnage philantrope multimilliardaire oeuvrant pour "le bien de l'humanité" en inventant des systèmes permettant par exemple de télécharger de nouvelles mémoires pour apprendre des compétences à la perfection, de modifier notre adn si ce n'est de trouver un moyen d'atteindre l'immortalité.
Si tout cela peut faire rêver, le progrès technologique implique aussi des conséquences.
En premier lieu, chaque invention nécessite des cobayes qui risqueront de subir des effets secondaires.
Deuxièmement, l'avancée et la banalisation des implants à travers la publicité pourrait induire un transhumanisme non plus par nécessité mais par choix afin d'améliorer nos performances.
Cela pose toutes sortes de questions d'éthique.
Il y aura-t-il une discrimination entre humains augmentés et humains "naturels" que ce soit dans la vie de tous les jours ou même à l'embauche ? Risque-t-on de perpétrer un bouleversement des classes sociales ? Voire un eugénisme ?
Et individuellement, une personne augmentée pourra-t-elle expérimenter des déviances et pertes de contrôle ? Se faire pirater ou se faire corrompre la mémoire par l'état ?
Qu'en est-il de l'état ? Aurons nous affaire au forces de polices augmentées ? Les lobbys de la cybernétique influenceront-ils les politiques pour créer des armées augmentées couplées à la robotique et aux intelligences artificielles ? À quoi ressembleront les guerres de demain ?
Voilà le genre d'horizon et de questionnements que le transhumanisme implique.
Le cyberpunk, courant de science fiction dont les origines remontent à William Gibson, adopte le transhumanisme et répond à toutes ces questions dans ses nombreuses adaptations littéraires, cinématographiques et vidéoludiques.
Bien-sûr, le genre du cyberpunk couvre d'innombrables sujets en parallèle du transhumanisme comme la politique, la publicité, les classes sociales, la violence, les mondes virtuels, le désespoir, la philosophie et j'en passe.
Je ne peux que vous conseiller des oeuvres pour ettayer ma courte description telles que Akira, Ghost in the Shell, Blade Runner, Gunnm, Matrix, Animatrix, Deus Ex, Le Neuromancien, Johnny Mnemonic, Judge Dredd, Dark City, Robocop, Strange Days, Hardware et même Le cinquième élément tant que j'y suis.
Le body horror est un genre cinématographique dont l'âge d'or se situe dans les années 80 porté par des réalisateurs comme David Cronenberg (La Mouche, Videodrome, Le Festin Nu, Crash, etc.), John Carpenter (The Thing), Paul Verhoeven (RoboCop), J. Michael Muro (Street Trash) et Shinya Tsukamoto (Tetsuo).
Tous ces films ont un point en commun : ils nous montrent le corps sous toutes ses coutures.
Le corps est notre enveloppe fragile, belle ou laide selon les canons de beauté. C'est par lui que nous ressentons ce qui nous entoure. À la fois un miracle et une prison destinée aux sensations. Aux plaisirs et à la douleur.
Le symbole de la vie et de la mort.
Ce n'est donc pas une surprise si le body horror met en scène les blessures, la sexualité, la maladie, les expériences ammorales, les métamorphoses, le transhumannisme et les mises à mort.
Tetsuo est un porte étendard du body horror dans sa forme la plus pure et abjecte (et je dis ça de façon positive).
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Attends, quoi ?, Des films d'horreurs qui ont réussis à passer le test et La société du futur au cinéma
Créée
le 8 nov. 2022
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