A quand un "Edwards' Cut" ?

Alors que je sortais de la séance de The Creator avec un petit groupe d'amis, mes compagnons se sont immédiatement mis à le défoncer, et faire l'inventaire enthousiaste de tout ce qui déconnait dans le film et en faisait une grosse purge. Je suis resté silencieux le plus longtemps possible, mais il a bien fallu le leur avouer, tout penaud et honteux : j'ai passé un bon moment devant le dernier Gareth Edwards.

J'ai une affection tempérée pour Edwards : j'ai aimé chacun de ses films, mais n'en ai adoré ou recommandé aucun, et The Creator confirme la règle. S'il n'a encore jamais réussi à créer ce que je considèrerais comme un chef-d'oeuvre ou au moins un grand film, il émane de son oeuvre une certaine sincérité. Quand il se retrouve à bosser sur un film de commande - il faut bien vivre - il nous sort un Rogue One, communément considéré comme le meilleur Star Wars depuis la trilogie originale (la barre n'est pas excessivement haute, je le concède). Et quand on lui demande de faire un Godzilla, il tourne un film catastrophe à l'esthétique léchée qui dépasse largement l’orgie indigeste de la 'saga' Monarch.

Puisque je ressens l'impérieux besoin de me justifier pour ne pas perdre ici toute crédibilité comme je l'ai fait avec mes proches : je suis allé voir The Creator dans le meilleur état d'esprit pour aborder une oeuvre imparfaite : avec des attentes minimales et les chakras grands ouvert, prêt à apprécier ce qui pourrait l'être dans ce que j'imaginais comme un accident industriel.

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Mes attentes avaient été modérées par un unique article que j'ai survolé malgré moi, et qui mentionnait que le film durait initialement cinq heures, mais qu'il avait fallu en couper la moitié pour le ramener à une durée commercialement décente. Ainsi, ce qui aurait pu être une épopée en deux épisodes est devenu un gros bordel au montage incohérent et mes aïeux, qu'est-ce que ça se sent à l'écran !

J'étais le seul membre de mon groupe à connaitre ce funeste secret, mais leurs griefs se sont naturellement concentré sur les lacunes de l'histoire, les angles morts et les raccourcis d'un script qui semble avoir plus de choses à dire qu'il n'a de temps pour le faire. Et c'est dommage, car dans cette version amputée de la moitié de la substance, on devine un univers fascinant que j'aurais aimé découvrir plus amplement, et des personnages intrigants sur lequel le film n'a jamais le temps de s'attarder.

C'est mon indulgence, aux vues de ces circonstances atténuantes, qui m'a aidé à apprécier le voyage, car à chaque signe d'une scène coupée ou d'une transition trop brusque, j'essayais de lire entre les lignes, d'imaginer ce que le film n'avait pas le temps de nous montrer, et d'extrapoler ce qu'il aurait pu nous dire. En vérité, ce n'est pas The Creator que j'ai aimé, mais l'idée de ce qu'il aurait pu être s'il n'était pas passé dans le broyeur de ses producteurs.

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Tout ça pour dire : le script et le montage sont un triste bordel, mais ça ne devrait pas vous faire oublier les indéniables qualités du film, à commencer par sa superbe direction photo et des effets spéciaux hallucinants qui rejoignent le très petit club de films bourrés de VFX pendant lesquels j'ai totalement oublié que je regardais un film bourré de VFX. Il rejoint ainsi le panthéon de District 9, Avatar et Dune, et mérite amplement les récompenses qui lui ont été décernées.

Malgré ou grâce à son script charcuté, on peut aussi saluer le rythme de ce film de deux heures trente qui passent toutes seules, et dont on ressort sans s'être ennuyé un instant. On n'échappe malheureusement pas à un dernier acte plein d'explosions, avec un boss sorti de nulle part et des péripéties qui vont pousser votre suspension d'incrédulité dans ses derniers retranchements, mais ça reste un film de SF efficace, comme on en a rarement plus d'un par an.